Le Grand Paris, a t’il besoin d’espaces ouverts ?

espace-ouv1.jpgJ’ai participé, il y a quelques semaines, à la 2eme table ronde des  «Conversations Métropolitaines » (cf note précédente) dont l’intitulé évocateur : « Les espaces ouverts sont-ils l’avenir du Grand Paris ? », nous rapproche  du poème d’Aragon, mais aussi paradoxalement de la thèmatique abordée lors du débat précédent, qui était consacré lui à l’intensité urbaine.

Rapide rappel. Un « espace ouvert » est un espace non construit, qui n’est ni altéré, ni imperméabilisé, autrement dit le terme regroupe les espaces agricoles et naturels. Il est bon de savoir que dés qu’une parcelle est bâtie et imperméabilisée, il lui faut des siècles, avant qu’elle ne puisse se reconstituer. Malgré cette réalité qui interpelle, beaucoup de professionnels de l’aménagement persistent à les considérer comme des réserves foncières ! Est il utile de souligner que la réversibilité est dans ce cas à sens unique !

J’en veux pour preuve, un constat simple. Depuis quarante ans, la consommation d’espace naturel s’intensifie, une tendance que rien ne semble stopper. En 5 ans c’est l’équivalent d’un département comme la Seine-et-Marne, un des plus étendus du pays, qui a disparu, soit 24 m2 chaque seconde (Chambre d’agriculture).
Conséquence directe du modèle culturel dominant de « l’american way of life » dont le style de vie est basé sur le développement de la voiture et de la maison individuelle avec jardin, l’étalement urbain, la multiplication de grands pôles commerciaux (« malls ») en périphérie.
Autant d’éléments qui induisent le développement  d’une « ville consommatrice » (foncier, énergie, pierre, temps), dévoreuse d’espaces ouverts.
Si nous voulons encore préserver des espaces naturels et agricoles significatifs, nous devons donc sortir de ce modèle, mais par le haut. Les urbanistes, élus, promoteurs, architectes, acteurs de l’aménagement  doivent s’y atteler au plus vite, avec un prélable,  rendre la ville durable désirable ce qui nécessite de faire évoluer les représentations culturelles liées à l’épanouissement personnel et familial, mais également la qualité de vie dans les villes.

C’est ce qui est ressorti d’interventions fortes lors de ce débat. Notamment celle de Jean Yves Chapuis (voir plus loin) reprécisant qu’il est important d’anticiper les mutations, de ne pas figer une ville qui doit se faire, se défaire et se refaire de manière quasi continue.
Si les espaces naturels et agricoles, sont d’ores et déjà un atout considérable pour notre pays, nous y reviendrons, leur formidable potentiel nous permettra demain de surmonter bien des défis, à condition bien évidemment d’avoir pu et su protéger leur intégrité.
Aujourd’hui la menace de les voir disparaitre ou se dégrader est réelle a rappelé  Mireille Ferri (voir plus loin). Elle a souligné que la question centrale de leur survie est bien celle de leur valorisation. Une réalité économique qui doit s’imposer à tous, tant lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, les espaces ouverts constituant  le « contre point » du bourg urbanisé, que dans les choix économiques : agriculture vivrière, éco matériaux …

Pour les préserver deux pistes doivent être explorées au plus vite :

  • limiter l’étalement urbain, et décourager toute spéculation, altération et fragmentation concernant ces espaces
  • valoriser lers produits issus de l’agriculture afin de maintenir une activité économique significative ayant de réelles perspectives de développement

 

Vous en doutez ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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Avant d’aborder certaines des thématiques débattues, quelques mots sur la forme.

Malgré l’animation tonique et dynamique de Cyrille Poy, journaliste animateur, il est difficile pour un participant à la table ronde de ne pas ressentir un minimum de frustation tant les sujets abordés sont passionnants, mais c’est la règle du jeu, du fait du temps imparti pour chaque intervention, limité du fait du nombre de participants à chacune des deux tables rondes. Faut il en avoir deux d’ailleurs ?

Pour avoir une idée plus complète de cette soirée débat, vous pouvez réecouter les deux tables rondes sur un des sites de France Culture.

Alors comment répondre à la question initiale :  les espaces ouverts sont ils réellement l’avenir du Grand Paris ?

L’espace ouvert, élément central de notre bio capacité 

Fait indiscutable, les espaces ouverts  sont absolument incontournables pour l’équilibre de notre écosystème : maintien de la biodiversité, préservation des ressources naturelles qu’ils épurent ou enrichissent (eau, air, sol) … Ils sobt des composantes essentielles de notre biocapacité, élément moteur s’il en est de l’empreinte écologique, qui n’est ni plus ni moins que la capacité du système à se régénérer.

Bien d’autres arguments s’imposent :

La croissance démographique en cours, 9 milliards d’habitants en 2050, impose de préserver pour les prochaines années, une agriculture performante, respectueuse des cycles de saison et de la biodiversité. Un constat qui concerne également mer, lacs et cours d’eau dont l’intégrité est aujourd’hui menacée. L’agriculture est d’ores et déjà un enjeu stratégique essentiel pour les générations futures.

La France possède la plus grande forêt d’Europe, avec cependant une particularité qui constitue une vraie opportunité pour l’émergence de filières courtes, elle est disséminée sur tout le territoire. Pourtant paradoxalement l’industrie du bois n’est pas très développée dans notre pays, tant au niveau des matériaux de construction que de la production de bois de chauffage. Signalons un potentiel énergétique commun entre agriculture et monde sylvicole (forêt) : la bio masse.

La présence des trames vertes et bleues permettent également de réguler la température locale, de limiter les effets du réchauffement climatique, et de capturer le carbone, ce qui actuellement n’est pas négligeable !

Mais les espaces ouverts contribuent également à la quête identitaire de l’homme. Dans une société de plus en plus mondialisée, voir standardisée, les paysages naturels font partie intégrante du patrimoine d’un territoire et de ses habitants : cours d’eau, forêt, champs … Ils constituent également des lieux privilégiés pour notre recherche d’équilibre intérieur, tant physiques que psychiques : promenade, accès à la nature, ressourcement, imaginaire, pratiques de sport et de loisirs, lieu de rencontre …

 

Les vertiges du Développement Urbain 

Aujourd’hui, pourtant ils sont en danger du fait de l’urbanisation croissante. Pour illustrer cette consommation foncière, rappelons qu’en Île-de-France, il ne reste plus que 2 espaces entiers qui dépassent les 5000 ha (l’équivalent du domaine vital du cerf), alors qu’en 1994 notre région en comptait 13 !

Mais la consommation foncière n’est pas le seul problème rencontré. Deux autres conséquences liées directement au développement urbain, impactent les espaces ouverts :

leur fragmentation, due à la multiplication des besoins en infrastructures (route, énergie…) permettant de connecter les zones d’habitat éloignées aux pôles de transport collectif ou aux entreprises, le mitage qu’ils subissent,

l’altération des sols, « coté obscur » de la présence humaine : sur fréquentation, bouleversement de l’écosystème, pollutions terrestre ou aquatique (algues vertes en Bretagne…). …

Pour protéger efficacement les espaces ouverts, il faut impérativement renforcer leur robustesse,  ce qui nécessite comme pré requis de respecter leur taille critique, d’éviter morcellement, mitage, dégradations liées notamment aux conflits d’usage.

Autre action importante : travailler qualitativement les « zones tampon et de transition » entre espace urbain et espace ouvert (notion de front urbain) afin de faciliter les relations et l’harmonie entre deux « mondes » aux logiques différentes mais complémentaires.

 

Repenser la relation économique avec l’agriculture

Mireille Ferri, Conseillère Régionale, spécialiste reconnue et appréciée de la problématique francilienne, qui a piloté avec beaucoup de doigté la réflexion autour de son Schéma Directeur est revenue sur un élément, incontournable : pour que les espaces soient durables écologiquement, il faut qu’ils soient viables économiquement, et ce, dés aujourd’hui. Toute la question du maintien et du devenir futur d’une agriculture, d’une sylviculture ou des activités liées au monde aquatique en dépend.

Les documents de planification des dernières décennies ont démontré qu’il ne suffisait pas de préserver le foncier pour assurer la pérennité de ces espaces. Il est indispensable de permettre un développement économique viable des activités agricoles ou forestières, un fonctionnement durable des écosystèmes, de donner les moyens aux structures en place (SAFER, AEV …) afin de protéger de la spéculation foncière les espaces ouverts.

Un nouveau jeu d’acteurs doit se déployer, de nouvelles alliances se nouer afin de ne plus considérer l’espace ouvert comme une simple réserve foncière, mais tout simplement de le valoriser pour ce qu’il est.

Il faut inverser la tendance, repenser la destinée de chacun des espaces, urbains ou ouverts, tant ils sont complémentaires et qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Comme l’a précisé Mireille, ils doivent apprendre à dialoguer.

C’est ce qu’a souligné également Jean Yves Chapuis en précisant qu’il fallait interpeller les compétences des uns et des autres, et accepter que chacun accepte d’intervenir dans la compétence de l’autre. Il a indiqué aussi qu’en France, il n’y avait plus réellement de culture rurale, nos concitoyens étant de plus en plus  en demande d’une nature bien propre et bien sage

Il est crucial que nous prenions en compte les spécificités mais aussi la fragilité de ces espaces, ce qui doit nous inciter à intégrer la responsabilité que nous avons à défendre et protéger ce patrimoine commun….

Compte rendu de la 1ere table ronde

Repérage francilien

Armature paysagère : ¼ du territoire (600 000 ha)

80%, du territoire est en espaces ouverts

96% des habitants vivent en espace urbain

50% territoire : agriculture

 2/3 des forêts sont privées

Petites Villes : sens de la vie ou sens de la ville ?

jean-viard-photo-2009-07-06-VIII-universite-d-ete-310.JPGLors des assises de l’APVF (cf note précédente) les Maires des Petites Villes, ont été interpellé par l’intervention de Jean Viard, chercheur (CNRS, CEVIPOF), éditorialiste (JDD, Terra Eco …)  à ses heures perdues et élu local également. Il a esquissé en quelques traits le portrait d’une société en pleine (®)évolution, dans laquelle la carte n’est plus liée à un seul territoire mais bien à plusieurs, dont certains, virtuels et globaux.

 Constat positif cependant, nous vivons de plus en plus longtemps :

« En un siècle, nous avons gagné vingt-cinq ans d’espérance de vie. Onze ans depuis 1945. Cinq ans depuis 1981. Trois heures par jour actuellement. C’est d’ailleurs pour cela que nous serons bientôt neuf milliards …

Si vous avez la chance d’avoir du travail pendant 42 ans et 35 heures par semaine, vous travaillerez en tout 63 000 heures dans votre vie, mettons 70 000, avec les heures sup et autres compléments. La vie en France dure en moyenne 700 000 heures. Le travail égale donc moins de 10% de la vie en 2010.

En 1900, on travaillait 40% de sa durée de vie. Nous avons bâti une société de vie longue et de travail court et nos enfants vivront 100 000 heures de plus que nous. »

 

Si l’espérance de vie s’allonge, paradoxalement dans le même temps la société devient de plus en plus pessimiste en l’avenir, et fait face à une crise profonde, qui n’est pas seulement financière et sociale, mais plus globale, concernant également le politique, la quête de sens et de valeurs.

Plus que jamais, nos concitoyens ont besoin d’horizon, de perspectives, car pour  Jean Viard, aujourd’hui si les français se rattachent tant au présent, c’est bien par peur du futur … Même les afghans sont plus optimistes, c’est dire  !

Que penser d’une telle analyse ?

 

 

 

La carte et les territoires

Incontestablement, les  modes de vie évoluent, « The times they are a changing » chantait prophétiquement Dylan dans les années 60, une chanson prémonitoire que l’on peut s’en peine coller  à notre époque, tant elle en est également le reflet …

Le nomadisme s’impose peu à peu, que ce soit au niveau des objets usuels de consommation (Smartphone, tablettes …), que dans  nos modes de vie quotidiens, nos représentations, nos envies ou nos imaginaires.
La mobilité caractérise nos vies, deux illustrations : 61% des citoyens ne vivent pas là ou ils travaillent, et nous effectuons en moyenne 45 km / jour, pour nous y rendre …

L’espace géographique des français se distend chaque année, notamment en Ile de France, et les temps de transport diminuent, de manière inéquitable cependant, créant de fortes disparités  territoriales : il y a les territoires « in » et les territoires « out ».

La carte de France des temps de transport en train illustre les bouleversements en cours qui bousculent nos repères et les équilibres économiques et politiques locaux. La Province, même lointaine, devient du coup, plus proche de Paris que sa propre banlieue !

 

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Autre évolution le développement des villes, une tendance planétaire et quasi universelle. Si beaucoup de nos concitoyens habitent des villages ou des petites villes (un habitant sur trois), souvent pour des raisons liées au prix du foncier, ils aspirent à y bénéficier de toutes les commodités du citadin. Leur culture est en apparence celle des espaces et des campagnes, pourtant l’urbanité est au cœur de leurs modes de vie quotidiens.

Conséquence, notre société devient selon Jean Viard une société d’infidélités : il y a le territoire où l’on vit, de moins en moins longtemps du fait des exigences liées à la  mobilité professionnelle, le territoire où l’on travaille, celui où quelquefois on va en vacances ou en week end, et tous les autres … jusqu’aux plus virtuels, notamment lorsqu’ils sont réseaux sociaux.
Dans ce maelstrom, le territoire local possède toujours des vertus identitaires auxquelles désespéremment beaucoup se raccrochent, y compris même s’il s’agit plus d’identité mémorielle, plus liées au « où es tu né ? » qu’au « où vis tu ? ».

L’organisation territoriale du pays évolue également,  rien de plus normal. La carte et le territoire nécessitent une gouvernance pour fonctionner et être en résonnance et cohérence. Rappelons que les départements sont liées à la mobilité depuis l’origine de leur création par les Révolutionnaires de 1789, étant destinés à rompre avec le centralisme territorial de la monarchie, la révolution a donc créé 83 départements organisés autour d’un chef-lieu (la « préfecture ») accessible en une seule journée de cheval. Depuis 1789, l’eau a coulé sous les ponts, la journée de cheval ne signifie plus grand chose, et l ’échelle des proximités locales a également évolué, différemment selon les lieux …

L’interrogation sur le mode de gouvernance d’un territoire donné, doit être complété par une autre question à mon sens et d’une actualité brulante :  quelle proximité pour quelles solidarités, et quelles ressources pour ces solidarités ?

 

 

La quête de sens

D’autres fondamentaux plus existentiels et plus matérialistes influent sur les envies, frustrations, imaginaires et perspectives des uns et des autres et sont à l’origine de cette angoisse en l’avenir. En France, 45 % des personnes pauvres ont moins de 25 ans soit, mais les « jeunes des quartiers » sont deux fois plus chômeurs que les autres.
Dans le même temps l’écart de revenus entre les générations ne cesse de croître, les jeunes retraités gagnent plus que les actifs de 35 ans, qui eux mêmes gagnent plus que les plus jeunes. La  précarité dans laquelle se retrouve trop de jeunes explique pourquoi ils ont manifesté pour les retraites ! Où sont les lendemains qui chantent !

Pourtant globalement l’avenir est à la jeunesse, car la planète est de plus en plus jeune, le printemps arabe est sur ce point révélateur, cependant la France et l’Europe vieillissent, la France plutôt moins d’ailleurs que le reste du continent. Une réalité et des perspectives qui inquiètent beaucoup de nos concitoyens et ferait bien d’être analysé à sa juste valeur par les politiques qui condamnent l’immigration, dans beaucoup de pays européens, notamment l’Allemagne, c’est elle qui fait de plus en plus fonctionner l’économie nationale.

Nous consommons également chaque jour de plus en plus de produits manufacturés venant de plus en plus loin et coûtant de moins en moins, tuant dans l’œuf toute velléité de production locale dans l’état actuel de l’échelle des motivations de l’acheteur, le prix. Une réalité particulièrement perceptible dans l’alimentaire et qui subsistera, tant que le prix du transport sera aussi infime … La carte et les territoires, là encore…

Autant de faits qui font que le sentiment de déclassement  et de peur du lendemain s’étend …

 

Et le politique dans tout ça ?

Un état d’esprit qui avait fait le lit du candidat Nicolas Sarkozy lors des dernières présidentielles,  Incontestablement ses slogans « travailler plus pour gagner plus », « Une France de propriétaires », « le Tout est possible » avaient fait écho aux  attentes, inquiétudes, frustrations ou interrogations de beaucoup de nos concitoyens.

Ces citoyens auxquels Alain Souchon devait penser lorsqu’il chantait « Foule Sentimentale » :

« On nous fait croire,

Que le bonheur c’est d’avoir

De l’avoir plein nos armoires

Dérisions de nous dérisoires »

Le ressenti du pays est aujourd’hui à la hauteur des espérances déçues, tant le bilan du candidat est accablant : accroissement des inégalités, développement des individualismes, atteintes à la cohésion sociale,  accroissement de la dette publique, dégradation des services auprès des habitants (santé, sécurité, éducation …), dans le même temps les contributions des plus hauts revenus à la dépense publique ont diminué  comme jamais du fait d’une politique fiscale inéquitable, dure avec les faibles et complaisante avec les puissants .

Le sentiment d’inégalité et d’impuissance s’étend, avec pour conséquence, une méfiance croissante envers le politique, dont la montée des extrêmes et de l’abstention sont deux illustrations évidentes.

Jean Viard l’a rappelé, le risque d’arriver à une démocratie « quasi familiale », celle des élus, face à celle du grand nombre qui s’abstient est bien réel, avec tous les risques que ce scénario implique : développement des populismes, désintérêt de la chose publique, démobilisation …

Il développe sur ce point une formule percutante, surtout pour un laïque comme moi : « il n’y a pas de citoyens dans nos églises, il n’y a que des prêtres ».

Exigence absolue : changer de cap, afin de redonner absolument du sens, des perspectives, de l’horizon et réinviter le plus grand nombre dans le débat public et politique.

Il faut également ne plus tricher et travailler sur les représentations et modèles dominants. La représentation du bonheur individuel jusque là mis en exergue, véritable « American way of life » était basée sur l’individualisme et l’esprit consumériste. Elle a vécu, et ne correspond plus aux défis présents et futurs auxquels nous devons répondre.
Plus grave, elle induit un modèle culturel incompatible avec les enjeux environnementaux, à l’exemple de la maison individuelle accentuant étalement urbain, atteintes à la bio diversité et émissions de gaz à effet de serre.

Si ce qui compte dans la vie de chacun est de progresser, et c’est bien le propre de l’homme, encore faut il définir un but à atteindre qui fasse sens et écho avec les besoins réels, de l’individu certes mais également de la société et de la biosphère.

Ce sont les imaginaires territoriaux qui font sens, pas leur gouvernance dit Jean Viard. Son constat n’est pas faux, les politiques doivent travailler avec humilité dans cette direction, et privilégier des logiques de projets, plutôt que des approches de frontière, de territoire ou de petit marquisat.
Il faut répondre non en surfant sur les frustrations et les égoïsmes individuels, mais bien au contraire apporter des réponses concrètes aux besoins réels d’aujourd’hui et de demain, comme à la nécessaire cohésion que la gravité de la situation que nous rencontrons impose.

Encore faut il que le passeur, le politique, soit à la hauteur et donne de la valeur à soin action et aux enjeux qu’il poursuit : humilité, proximité, écoute, efficacité …

Petites Villes : La carte et le territoire

apvf-saint-flour.jpgJ’ai participé aux Assises des Petites Villes de France, qui se sont déroulées à Saint-Flour (Cantal) fin mai. Un rendez vous annuel attendu permettant aux élus d’échanger, de confronter expériences ou points de vue, de prendre surtout quelque peu de recul et de participer à des tables rondes utiles et enrichissantes ouvrant de nouvelles perspectives. Il est toujours bon de sortir quelque peu la tête du guidon, histoire de voir un peu plus loin que son microcosme local.

La thématique 2011 avait repris, à la lettre, le titre  du dernier Goncourt : « La carte et le territoire ». Titre évocateur s’il en est … la carte est-elle plus intéressante que le territoire ou l’inverse ? Titre dans tout les cas, totalement approprié à la problématique de la cohésion territoriale et sociale au cœur des préoccupations actuelle des élus comme de leur actualité immédiate (voir plus loin). Le  titre du roman de Michel Houellebecq a servi de fil rouge évident aux ateliers et tables rondes se déroulant sur ces deux jours : conséquences de la refonte de la carte intercommunale, perspectives de la réforme de la péréquation, mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement, sécurité …

Constat clair, le ressenti des élus à l’égard de l’évolution territoriale initiée et du désengagement de l’Etat est de plus en plus perceptible. Situation qui inquiète en haut lieu (2012 n’est pas loin !), si l’on en juge par la venue à ces assises du Président de l’Association des Maires de France, de deux Ministres de l’actuel gouvernement et du Président du Sénat Gérard  Larcher, ouvertement en campagne.

Les raisons du mécontentement croissant  des élus locaux, toutes tendances confondues sont multiples : conséquences de la RGPP,  désengagement de l’Etat dans les territoires, fin annoncée des co financements (ou financements croisés), création du Conseiller Territorial, conditions de réactualisation de la carte intercommunale, et cette liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut !

Nous reviendrons forcémment et malheureusement sur les problèmes budgétaires, le désengagement de l’Etat, et ses  conséquences dramatiques pour le pays, mais il me semble plus intéressant de revenir sur le sujet central de ces deux journées, « la carte et le territoire » …

Pour échanger sur une telle  problématique, vrai sujet de grand oral, la parole n’a pas été donnée qu’aux élus, le sociologue Jean Viard, a interpellé quelque peu l’assemblée de manière iconoclaste sur les représentations, imaginaires des uns et des autres confrontés au principe de réalité et aux évolutions (révolutions) en cours dans une société en marche …

Il y a effectivement de la remise en cause dans l’air …

 

 

Abordons  l’actualité brulante, inscrite au calendrier d’été des élus, bien malgré eux. Les modalités d’adoption de la carte intercommunale (de manière plus institutionnelle : « révision du schéma départemental de la coopération intercommunale »), telle qu’initiée par ce gouvernement ont mis le feu aux poudres …   Philippe Richert, Ministre en charge des collectivités territoriales, et Gérard Larcher, président du Sénat ont été interpellé à plusieurs reprises par les Maires, sur ces conditions de mise en place.

Deux griefs principaux : le manque de concertation et le coté pour le moins précipité de la manœuvre … Un  réel consensus existe sur la nécessité de rénover l’intercommunalité, mais la méthode choisie par ce gouvernement pose problème. Trop souvent, les élus sont placés devant le fait accompli par le Préfet, découvrant effarés la création de nouveaux EPCI quelquefois sans relation avec les bassins de vie ou la réalité du terrain.

 

Cas d’école, la Seine et Marne

Tel est le cas en Seine et Marne. Une situation dénoncée dans un courrier récent du Président du Conseil Général Vincent Eblé et des Sénateurs, Nicole Bricq et Yannick Bodin demandant au Préfet de revenir sur un calendrier jugé trop expéditif, afin d’instaurer un vrai débat dans l’intérêt même de la carte intercommunale. La méthode choisie  «  ne paraît pas constituer un gage de réussite ni être conforme aux instructions données par le Gouvernement.», écrivent ils.

Il ne peut y avoir de coopération intercommunale réussie que si elle s’opère sur des bases librement consenties à partir d’un véritable projet partagé a d’ailleurs rappelé Philippe Richert lors des assises. La volonté affichée par le Ministre est d’aboutir avec les élus, à une véritable « coproduction » (vœu pieux, démagogie ?). Force est de constater que  nous sommes fort éloigné de ce cas de figure en Seine et Marne.

Les élus n’ont été ni informés, ni consultés en amont, sur le projet de schéma présenté lors de la 1ere réunion de la Commission Départementale de Coopération Intercommunale (ou CDCI) ;  cette dernière n’a donné lieu à aucun débat, se transformant en une simple chambre d’enregistrement. Les élus disposent de trois mois, (jusqu’au 6 aout),  pour se prononcer, ce qui en pleine période estivale n’est pas sans poser de problème (le défaut de délibération valant avis favorable) ! J’ose à peine me demander ce qui arriverait à un Maire agissant de la sorte, pour une enquête publique ou un appel d’offre ! Il aurait certainement un rappel du Préfet !

Comment, dans un laps de temps aussi court, émettre un avis éclairé alors que le projet de schéma présenté et préparé en catimini, je ne peux imaginer que certains grands élus du département ayant quelque responsabilité politique nationale aient été mis dans la confidence, sur ces question, l’Etat est impartial, fait apparaître des scenarii pour le moins inattendus et improbables ?

Quand prendre le temps de consulter les populations concernées,  échanger avec les élus des collectivités susceptibles de devenir demain des partenaires ?

Les débats de ces deux jours l’attestent bâtir une intercommunalité ce n’est pas uniquement déterminer un périmètre, aussi important soit-il, mais bien avoir la volonté de partager un avenir et des projets communs.

Il y a la carte et le territoire, le périmètre et le projet. Mais le périmètre ne peut être le projet, c’est bien ce dernier qui devrait déterminer le  périmètre !

Le ministre a eu beau faire une véritable déclaration d’amour aux communes, en citant Tocqueville (« la commune, école primaire de la démocratie », voir plus loin), peu ont été convaincu, car si les élus attendent de l’amour (désespéremment avec ce gouvernement) ils préfèrent  les preuves concrètes d’amour, c’est bien là que le bas blesse.

L’approche choisie par le gouvernement actuel, véritable passage en force, est à l’opposé  de celle initiée par le gouvernement Jospin, lors des lois Chévènement votées à l’unanimité,  basées sur le contrat et le consensus. Ce caporalisme pourrait avoir des conséquences lourdes de sens dans le futur.

 

Le retour des marquisats

Lors des débats, beaucoup d’élus, notamment de villes péri urbaines, ont dénoncé cette course au gigantisme, trop souvent placée au service de destinées individuelles et portée par des élus, de moins en moins locaux (de toutes tendances d’ailleurs, phénomène constaté en province comme en Ile de France),  de moins en moins proche et disponible, gérant par délégation, véritables aspirateurs de territoire, cumulant mandats et responsabilités.

Le retour à un médiévalisme territorial remettant en cause les logiques de solidarité territoriale est réel. Ils ont souligné le cout de cette évolution pour la démocratie locale. D’autant qu’il faut analyser cette évolution, au prisme de la création du conseiller territorial, toujours contreversée, y compris par de nombreux élus de droite, qui en acteurs du terrain se rendent bien compte de l’ambiguité des missions de ce futur élu hybride et des risques de confusion et de conflit d’intérêt qui vont suivre entre terre d’élection, et territoire que ce soit département ou région …

 

Nous reviendrons dans une prochaine note sur l’intervention de Jean Viard, qui a abordé cette thématique de la carte et le territoire, à contre pied et dans un style provocateur et pour tout dire décoiffant mais au combien interpellant …

Annexe : la commune vu par Tocqueville

« C’est pourtant dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science; elles la mettent à la portée du peuple; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. Sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté. Des passions passagères, des intérêts d’un moment, le hasard des circonstances, peuvent lui donner les formes extérieures de l’indépendance; mais le despotisme refoulé dans l’intérieur du corps social reparaît tôt ou tard à la surface.

Tocqueville

De la Démocratie en Amérique, Tome I, première partie, Chapitre 5 »

Le 77, vu de Paris Metropole …

grand_paris_metropole_douce_lin180309_fcslin_1.jpgAfin de préserver la dynamique engagée lors de l’élaboration du projet de territoire départemental, le Conseil Général a mis en place un Conseil Participatif composé de représentants des trois collèges (citoyens, élus, forces vives) assurant des missions de veille, pouvant émettre des contributions, évaluer l’évolution de chacun des cinq chantiers et de formuler des avis auprès de  l’exécutif départemental …

Dans ce cadre, lors de sa dernière réunion plénière, le Conseil Participatif a auditionné deux acteurs incontournables de la réflexion engagée autour du Grand Paris, Jacques JP Martin, nouveau Président de Paris Métropole et Pierre Mansat, Maire Adjoint de Bertrand Delanoë, délégué à la coopération avec les collectivités territoriales d’Île-de-France. Pierre Mansat est le créateur de la Conférence Métropolitaine et l’animateur d’un blog très utile pour mieux comprendre les problématiques liées à ce véritable mouvement de fond territorial.

Avant de rappeler ce qu’est effectivement aujourd’hui le syndicat Paris Métropole et ses enjeux, il est intéressant d’indiquer leur point de vue sur le projet proposé par la Seine et Marne.
Tous les deux ont souligné l’intérêt suscité par la démarche, son originalité, mais également et surtout la qualité et la cohérence de la réflexion menée qui font du document adopté un véritable projet métropolitain, privilégiant non une approche monocentrique ou à l’inverse éclatée du département, mais polycentrique et développant une notion de territoire réellement et totalement homogène.

Au regard de la réflexion initiée, la Seine et Marne apparaît comme une véritable terre de projet, et ne définit plus son avenir par rapport à Paris, mais à partir d’elle même, avec l’impulsion d’une dynamique territoriale qui repose avant tout sur ses atouts mêmes, y compris sa proximité et ses liens avec la province et d’autres régions.

Pierre Mansat a souligné l’évolution profonde de l’approche de la ville de Paris vis à vis des collectivités (communes ou départements) de sa périphérie proche ou lointaine. Depuis l’arrivée de Delanoe, elle n’est plus autant dominatrice. Les collectivités ne sont plus considérées comme de simples territoires « servants ». 

Il a insisté sur l’importance de s’interroger sur la définition d’une future gouvernance : périmètre, nature ou forme.  Les partenariats de 1ere génération, reposant sur la proximité, la mitoyenneté et les relations domaniales entre Paris et les autres collectivités, semblent désormais dépassés, car n’intégrant pas la dimension dynamique des territoires, les interpénétrations (espaces, projets, besoins, habitants …) et les liens existants.
Il tient à casser l’image de la ville centre, « au centre de tout », sorte de  ville « lumière », Pierre Mansat a évoqué à ce sujet l’image du syndrome de Venise et de belle endormie. S’il est vrai que Paris représente 10% du PIB national, il faut permettre à cette dynamique de perdurer, compte tenu de la réalité régionale actuelle, de mieux fonctionner et d’induire une nouvelle façon de « se penser ensemble » en constituant un véritable espace collaboratif.

L’arrivée de Bertrand Delanoe a changé la donne, avec notamment la Conférence métropolitaine, devenue depuis le Syndicat Paris Métropole préludant à un contrat de coopération de seconde génération, bâti autour d’axes stratégiques déterminés collectivement.
 Ce n’est qu’ensuite que l’Etat est intervenu avec le Grand Paris, le réseau de transport, l’Atelier International du Grand Paris …

Jacques JP Martin, s’est félicité de l’avancée des travaux du processus métropolitain, en précisant que selon lui,  la gouvernance doit venir des territoires et non d’un texte de loi, les élus devant être considéré comme des partenaires à part entière. Il a salué l’esprit consensuel qui anime ce syndicat, dans lequel  1 commune égale 1 voix et qui érige l’alternance politique en principe.

Mais revenons  à Paris Métropole …

 

 

C’est en 2001, que Bertrand Delanoe confie à Pierre Mansat, la mission d’engager un dialogue inédit, entre Paris et ses voisins. L’objectif poursuivi est d’initier une nouvelle dynamique territoriale, telle celle des grandes métropoles européennes (notamment le Grand Londres avec la Greater London Authority), afin  d’aborder à la bonne échelle les problématiques liées au développement du territoire (transport, logement, développement économique …), de plus en plus transversales.
Cette proposition constitue une véritable première, car jusque là, chacune de ces collectivité traçait sa route en toute indifférence, la ville capitale considérant toujours les collectivités voisines comme des «territoires servants ».

Le Paris d’aujourd’hui est le fruit d’extensions successives qui se sont déroulées au fil des siècles, la visite du Louvres est sur ce point révélatrice et évocatrice. C’est Haussmann qui a littéralement fait d’une ville médiévale aux ruelles étroites, et insalubres, la ville que l’on connaît désormais, dotée des grands boulevards qui la caractérisent si bien, en annexant au passage une vingtaine de communes, jusque là autonomes :  Montmartre, Belleville, La Villette et Passy …
Depuis, Paris a considéré les territoires voisins, comme de véritables exutoires : cimetières, cités HLM, infrastructures de transport (voies ferrées, circulation automobile), ordures ménagères … Soulignons que la ville de Paris  possède plus de 8000 unités foncières hors murs, un héritage de l’histoire lié notamment à son approvisionnement en eau.

Avec Delanoe de nombreuses coopérations bilatérales entre Paris et les collectivités voisines (communes, ECPI, départements), se sont mis peu à peu  en place, jusqu’au lancement en 2006, de la Conférence métropolitaine.
L’objectif assigné par Bertrand Delanoe à Pierre Mansat est de se « parler au de là du périphérique ». Progressivement, de nombreux maires de l’agglomération parisienne, tous les Présidents des Conseils Généraux d’Ile de France, ont rejoint cette « conférence », créant de fait un véritable espace de dialogue et de concertation et de considération, la Conférence métropolitaine fonctionnant sur le mode du consensus, fait rare méritant d’être souligné.

Devant le succés de l’initiative et son intérêt pour l’ensemble des collectivités présentes, il est apparu aux élus qu’il fallait aller plus loin, afin de dépasser le seul stade du constat. Pour ce faire, il était incontournable d’engager des études liés à la gestion publique locale et aux relations entre les uns et les autres. C’est ainsi qu’est né le syndicat mixte Paris Métropole.

L’objectif de cette structure est de faciliter l’élaboration d’une vision partagée de l’avenir de la métropole, et de développer des réponses, à la bonne échelle sur les différentes problématiques aux quelles les élus doivent répondre : logement, attractivité économique, développement durable …

Le champ des études défini par les statuts doit répondre à trois objectifs :

  • définir des projets de dimension métropolitaine (aménagement, environnement, développement économique, emploi, logement, habitat, mobilité …),
  • réfléchir sur des propositions concernant les solidarités financières (péréquation, mutualisation …) au sein de la métropole et à l’échelle régionale ;
  • proposer une évolution de la gouvernance de la métropole.

 

Paris Métropole rassemble désormais l’ensemble des collectivités de la petite couronne, les départements d’Ile de France,  les villes nouvelles et les ECPI  situés autour des aéroports. Afin de définir des limites au syndicat, n’ont été retenus que les communes situées dans la zone urbanisable agglomérée, définie par l’INSEE.
Afin de n’écarter cependant aucune grande collectivité se sentant impliqué, un statut de membre associé a été créé, c’est à ce titre que l’agglomération du Pays de Meaux, comme d’autres collectivités, peut participer aux travaux.

Suite au discours inaugural de Nicolas Sarkozy au Grand Palais, une consultation sur le développement pour l’avenir du Grand Pari(s) de l’agglomération parisienne est  lancée début 2008. Dix équipes architecturales pluridisciplinaires ont été sélectionnées afin de travailler sur l’avenir de la métropole parisienne du XXIème siècle.
Le Grand Paris est en marche …

 

Grand Paris, Paris métropole, deux expressions ayant des significations, des logiques et des légitimlités différentes, une émane directement de l’Etat et a été imposé au forceps, l’autre est issue directement des collectivités.
Elles se doivent désormais d’être complémentaire et de s’appuyer sur une réflexion globale et collective, afin effectivement de mieux faire fonctionner une métropole et ses périphéries, une métropole multipolaire par nature et toutes les synergies qui lui sont liés

 

Signalons deux liens permettant de suivre l’actualité de cette thématique, celui de la journaliste de Libération, Sibylle Vincendon, excellemment bien informée et le nouveau site lancé par la Mairie de Paris, Paris métropolitaine. Sans oublier bien évidemment le blog de Pierre Mansat, une personnalité attachante et hors du commun, qui devrait bientôt prendre les rênes de l’Atelier International du Grand Paris, sur lequel nous reviendrons prochainement.

SNCF : le site du club des partenaires

 

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Je vous avais informé lors d’une précédente note  de la mise en place par la SNCF d’un Club des Partenaires, à l’image de ceux créés lors de la création des TGV destinés à accompagner les dynamiques territoriales.

Les travaux de ce club avancent, déjà deux réunions au compteur, qui permettent d’aborder des sujets concrets et des thématiques plus globales qui permettent d’éclairer d’un jour nouveau, les dynamiques en cours, qui s’entrecroisent quelque peu en ce moment, qu’elles concernent les mobilités ou les territoires directement.

Ce club dispose désormais d’un site internet, qui permet à tout un chacun de disposer des éléments abordés lors des réunions.

 

PLU : la longue marche en avant

note-plu-couelurZAC4.jpgLe Plan Local d’Urbanisme (PLU) est voté, enfin devrais je dire, tant cela m’a semblé long ; cerise sur le gâteau, aucun des deux groupes d’opposition n’a vote contre, il se sont abstenus, il ne pouvait sans doute guère faire plus, ce que personnellement je regrette.
Ce résultat satisfaisant est le fruit d’une concertation à laquelle je tenais, tant à mes yeux cette réflexion doit être celle d’une ville et des obligations liées à son développement (sociales et environnementales) et non celle de quelques élus isolés ou d’un simple bureau d’études.

Si dans une commune une réflexion est stratégique, c’est bien celle liée au PLU. Il doit non seulement favoriser un urbanisme compatible avec le projet politique de la ville, mais être un levier de développement tenant compte de problématiques urbaines et sociales de plus en plus complexes, notamment au niveau local, Trilport étant une ville à la fois rurale, à la fois urbaine…
Enfin, il se doit d’être un facilitateur afin de contribuer à  dénouer tout un écheveau de contraintes et de nuisances (industrie, infrastructure de transport …). En tenant compte de deux nécessités absolue : limiter le réchauffement climatique et l’émission des gaz à effet de serre, et protéger la bio diversité.

Pourtant paradoxalement, plus les réponses à apporter sont urgentes et difficiles à élaborer, plus l’élu doit se prémunir avant d’agir.
Cette note est née d’une discussion informelle avec un collègue Maire se lançant justement dans l’élaboration d’un PLU et ayant quelques interrogations sur le sujet.
Si la délibération du Conseil Municipal du 4 février cloture un marathon de 5 années, (en comptabilisant l’intermède des élections municipales qui a duré quasiment un an), il est utile me semble t’il de revenir sur certains enseignements tirés  de cette expérience …

Avant de faire un point dans une prochaine note, sur notre éco quartier, le travail avance et nous avons lancé la concertation de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) multi sites qui lui servira se support principal, il m’a semblé important de revenir sur le PLU …

 

Revue de détail de ce qui pour beaucoup d’élus s’apparente à une vraie course à obstacles …

 

 

 

 

Comme indiqué dans une précédente note, le PLU résulte de la conjonction de divers paramètres : le diagnostic du territoire (enjeux / faiblesses /défis), l’évolution du contexte global et le projet politique de la commune. Pour Trilport, deux phases ont marqué cette réflexion (réfection ?) de fond :

  • 2006 / 2009 : lancement de la démarche,  réalisation du diagnostic, définition des objectifs permettant d’élaborer le  Plan de Développement Durable, clé de voute de cette  réflexion stratégique sur le développement du territoire pour la prochaine décennie, que nous avons tenu à mener simultanément avec la conduite de l’ Agenda 21 de la ville (cf note précédente). Une dynamique stoppée par le long intermède des élections municipales et le renouvellement des élus … Il m’apparaissant important d’attendre le verdict des urnes avant d’aller plus en avant …
  • 2009 / 2011 : Afin de favoriser, la création d’un éco quartier, une des « propositions phares » du  programme municipal, et la construction de logements sociaux, et de répondre aux obligations de la loi SRU, nous avons revu notre copie et infléchit les objectifs indiqués dans le PADD initial, par diverses mesures : seuil minimal de 30% de logements sociaux sur les nouveaux secteurs ouverts à l’urbanisation, mise en place de mesures favorisant l’éco construction, ce PLU étant un des premiers au niveau national à intégrer des bonifications « récompensant » l’efficience énergétique, la végétalisation et la récupération des eaux pluviales … Tout un panel de décisions qui ont retardé la procédure d’une année, mais permettent au texte final d’intégrer ces nouvelles priorités pour la ville.

La conduite d’une telle entreprise est révélatrice des paradoxes de notre société. Comment  concilier la mise en route rapide d’un projet de développement d’intérêt général, « multi dimensionnel » tant il porte sur toutes les dimensions d’un territoire (environnementales, urbanistiques, architecturales, sociales …) permettant d’apporter des réponses concrètes  aux enjeux de cohésion sociale que nous partageons (la nécessité de « produire » du logement social) et dans le même temps  engager une véritable concertation, faire preuve de pédagogie, tenir compte des chausses trappes juridiques afin d’éviter les recours inutiles et souvent inévitables (l’intérêt général ne pouvant être la somme des intérêts particuliers) ?
Sans omettre bien évidemment la nécessité absolue de tenir compte à la fois des paramètres environnementaux comme de l’évolution considérable du contexte juridique et territorial de ces dernières années ?

 

Quelques remarques synthétiques sur quelques précautions utiles, qu’à mon sens, un élu devrait prendre avant de se lancer dans ce qui est de fait une vraie relecture de son territoire et quelquefois de ses contradictions  :

 

Ne pas faire l’économie d’une réflexion urbaine, elle ne se limite plus désormais aux seules grandes villes.

Si le PLU continue de définir le droit du sol (base de l’instruction des permis de construire), il n’est plus un document uniquement réglementaire comme l’était son prédécesseur, le Plan d’Occupation des Sols. Les lois l’ont transformé en un véritable outil de développement territorial au service de la politique communale mais également de l’évolution du contexte règlementaire et législatif, du fait notamment de la loi SRU. Il est à la fois :

  • prospectif, grâce au Plan d’Aménagement et de Développement Durable (ou PADD) il permet de définir et d’esquisser le futur de la commune, à moyen et long terme, à partir d’un état des lieux initial de l’existant, de prévisions démographiques et économiques, de l’évaluation des besoins futurs des habitants, et compte tenu des  tendances en tension sur le territoire  : démographiques, liées à l’habitat, aux mobilités, à l’économie …
  • Global et multidimensionnel, il permet de définir la politique d’ensemble de la municipalité, à partir d’une approche transversale de la ville (habitat, activités économiques, équipements publics, infrastructures, circulations, environnement …). Ce qui explique que le processus de son élaboration, soit une vraie maturation.

A partir d’un état des lieux initial, d’un diagnostic et de l’évaluation des besoins futurs des habitants comme du territoire, mais aussi de l’évolution réglementaire ou législative, les élus définissent un projet communal, support et base d’un règlement définissant les règles de construction sur le territoire communal.

Mais si l’urbanisme est l’art de dépasser sa simple parcelle, le PLU ne doit pas être le fruit d’une réflexion isolée, déconnectée de l’environnement territorial immédiat. Les élus doivent tenir compte des documents « supra communaux » avec lesquels le PLU doit être compatible, tant au niveau de l’organisation territoriale (Schéma Directeur de la Région Ile-de-France,  Schéma Directeur du Pays de Meaux (et bientôt SCOT, voir note précédente) que des mobilités (Plan de Déplacement Urbain (PDU) de la Région Ile-de-France, et bientôt Plan Local de Déplacement de l’Agglomération).

Pour ce faire il ne peut plus se contenter d’être un simple document de géomètre, mais de constituer un véritable document d’urbaniste, apportant une « valeur ajoutée » incontestable aux élus en leur permettant « d’élever » leur point de vue comme leurs perspectives et de disposer d’un autre regard sur leur territoire. Il est donc important de bien choisir son bureau d’études.

 

Se prémunir en appliquant un principe de précaution :  la veille juridique …

Rappelons ce que réprésente une telle réflexion pour la collectivité, tant en cout financier, considérable, qu’en temps passé par les services et les élus. Sans oublier ses conséquences directes sur le développement de la ville et les projets personnels des habitants.
Soulignons également la complexité croissante d’un contexte juridique ou règlementaire en évolution constante. Elle nécessite une expertise que les élus n’ont pas, ce qui peut apparaître normal mais qui est meême quelquefois trop pointue pour des urbanistes même bien renseignés, ce domaine ne constituant pas le coeur de leur métier.

Au regard de ce contexte, il est de bénéficier sur l’ensemble de la démarche d’une assistance juridique, notamment sur les phases clés, et ce trés en amont … Ce n’est pas de la « parano », c’est simplement appliquer un principe de précaution.
Cela permet de limiter le risque de recours qu’un intérêt particulier contrarié peut susciter pour des raisons plus ou moins sympathiques ou avouables …

 

Avoir pour idée fixe, la sauvegarde de notre environnement

Si le PLU doit répondre aux besoins des générations présentes, il ne doit pas pour autant compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, comme l’écrivait Antoine de Saint Exupéry

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ».

La loi demande au PLU de respecter trois grands principes :

  • limiter l’étalement urbain en réduisant la consommation d’espaces non bâtis, et de reconstruire « la ville sur la ville », ce qui obligatoirement va à l’encontre de la tradition urbanistique des aménageurs, dite « à l’américaine » basée sur le tout lotissement,
  • favoriser la diversité des fonctions urbaines, la mixité sociale et multi générationnelle de l’habitat en favorisant le parcours résidentiel, la mutabilité du bâti,
  •  préserver la qualité de l’environnement en protégeant la bio diversité et en limitant la consommation de gaz à effets de serre (GES) et des ressources naturelles

 

Tenir compte de la temporalité

L’urbanisme ne se limite pas à la seule dimension spatiale, environnementale  ou sociale, il doit tenir compte également de temporalité.

Telles certaines loi physiques, le développement d’une ville répond à des logiques particulières liées à l’habitat et à la mobilité ou simplement à l’application de la loi de l’offre et la demande sur le foncier comme au financement des infrastructures indispensables à la ville et à la vie quotidienne de ses habitants.

Un PLU est tout, sauf un document définitif. Il témoigne de l’évolution d’un contexte, peut et doit influer le développement d’un territoire, favoriser ou non l’émergence de certaines mutations et en freiner d’autres …
Il est indispensable que les élus fassent  preuve de relativisme et d’humilité sur la portée de leur action dans le temps. En ce domaine, la perfection n’existe pas, il existe différentes temporalités qui se chevauchent : le temps du mandat, le temps d’une génération d’hommes et de femmes, le temps d’une ville ou encore celui de la planète. En matière d’aménagement du territoire, l’échelle des temps est particulièrement bien fournie …

La notion de patrimoine est aussi importante, que ce dernier soit naturel (les arbres ou espaces verts) historique (monuments) ou architectural …
Le patrimoine n’est pas seulement un témoignage, il possède des vertus identitaires qui accompagnent et infléchissent le développement d’un territoire et fait partie de ses repères, balises riches de sens et de signification.

 

Bien choisir ses modalités de concertation et faire œuvre de  pédagogie

La concertation est non seulement une obligation, elle est utile et indispensable pour qu’un PLU soit le projet d’une ville et non celui de quelques élus ou d’un bureau d’études.
Certes, toute concertation a un conséquence financière immédiate (panneaux d’exposition, brochures, affiches, réalisation de documents …), mais ce cout est le prix de la démocratie. Je veux souligner trois initiatives que nous avons mené en ce domaine et qui ont permis de conforter et favoriser la réflexion citoyenne, tout en ayant in fine un excellent rapport « qualité / prix » :

o   Mise en place d’une exposition à chaque étape clé de la procédure (diagnostic, définition des objectifs, PADD …). Basée sur des visuels, élaborés à partir d’un « powerpoint », cette exposition évolutive, également téléchargeable par internet a favorisé l’organisation d’espace forum, informels ou formels …

o   Utiliser internet tout au long de la procédure … Soit comme espace de téléchargement  ou espace de concertation (forum, messagerie, blog …). Le rapport qualité / prix est sans équivalent et limite d’autant la diffusion de supports imprimés. Une simple plate forme de blogs suffit, et constitue une vraie valeur ajoutée au débat démocratique. Nous avons mis ainsi à disposition, par exemple, le rapport du Commissaire Enquêteur

o   Organiser des ateliers citoyens, plutôt que des réunions publiques « ex catédra ». ils favorisent le dialogue direct, la pédagogie … Se sont de vrais relations de gré à gré, et cela neutralise l’effet tribune.

 

Il convient également d’être extrêmement vigilant sur le degré de connaissance supposé, tant des élus que des habitants. Quelques notions ou concepts sont riches en idées reçues. Il est pertinent d’agir set de changer certaines perceptions, à la faveur de nouvelles représentations plus représentatives de l’objectif recherché.
Il faut que nos concitoyens les « apprivoisent » avant d eles adopter : mixité sociale, densification, logements aidés, rénovation urbaine, déclaration d’utilité publique, Zone d’aménagement concerté …

En ce domaine, la pédagogie est plus que nécessaire, elle est essentielle et doit se poursuivre non seulement tout au long de la procédure, mais surtout bien après et encore aprés …

 

 

 

Annexe

COMPOSITION DU PLU

L’élaboration du PLU est une démarche très encadrée par la loi, du point de vue de la forme comme du fond (articles R123-1, R123-2, R123-3 et R123-4 du Code de l’Urbanisme).

Le PLU se compose de trois parties :

1- Le rapport de présentation, qui :

– expose le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques, et précise les besoins répertoriés en matière de développement économique, d’aménagement de l’espace, d’environnement, d’équilibre social de l’habitat, de transports, d’équipements et de services,

– analyse l’état initial de l’environnement,

– explique les choix retenus pour établir le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) et la délimitation des différentes zones,

– évalue les incidences des orientations du plan sur l’environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de préservation de l’environnement et de sa mise en valeur.

2- Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), qui présente le projet communal et définit les orientations d’urbanisme et d’aménagement retenues par la commune, notamment en vue de favoriser le renouvellement urbain et de préserver la qualité architecturale et l’environnement.

Le PADD est une innovation de la loi SRU : son introduction correspond à une volonté du législateur d’inciter les élus à réfléchir ensemble au devenir de leur commune, d’une manière globale et cohérente, et donc à prévoir les évolutions souhaitables du territoire communal.

Le PADD définit les orientations générales d’aménagement et d’urbanisme du territoire communal, à moyen et long termes, souhaités par la municipalité. Il constitue le cadre de référence et de cohérence dans lequel s’inscrivent les différentes actions d’aménagement que la municipalité compte engager. En ce sens, il a une valeur politique, puisqu’il doit permettre de comprendre la politique municipale.

La loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003 (dite loi UH) a supprimé l’opposabilité aux tiers du PADD. Parallèlement, le législateur a voulu en faire un document plus simple, court (quelques pages seulement) et non technique, accessible à tous les citoyens et passer ainsi d’une approche technique à une approche plus politique de l’urbanisme.

Cependant, tous travaux ou opérations doivent être compatibles avec les orientations d’aménagement du PADD et leurs documents graphiques. Les orientations d’aménagement sont facultatives. Elles permettent à la commune de préciser les conditions d’aménagement de certains secteurs qui vont connaître une restructuration particulière. Elles s’imposent aux opérations de construction ou d’aménagement en termes de compatibilité, c’est-à-dire que ces opérations devront en respecter l’esprit, sans les suivre au pied de la lettre.

3- Le Règlement et ses documents graphiques, qui délimite les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières. Il fixe les règles applicables à l’intérieur de chaque zone.

Les prescriptions du règlement ainsi que les documents graphiques sont opposables au tiers.