Ce soir, je suis triste

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 » Penser clair, parler vrai, agir juste « 

 

J’ai été, je suis et resterais pour toujours « rocardien ». Je n’oublie pas que si je me suis engagé un jour en politique, en adhérant notamment au PS, c’est à lui que je le dois.

Digne héritier de Mendes France, il avait le sens de la morale et de l’éthique, possédait une rigueur et une honnêteté intellectuelle rare, que je n’ai retrouvé ensuite que chez Lionel Jospin. C’est à ce niveau là, que l’on attend le politique.

Rocard c’était la primauté donnée aux idées, aux propositions, quelquefois disruptives et iconoclastes : comprendre avant toute chose, imaginer les solutions à apporter plutôt que de nouveaux problèmes, proposer et convaincre toujours, et plus que tout, agir juste, faire, afin de changer la vie quotidienne au concret durablement.
Toute sa vie, ce grand serviteur de l’Etat s’est consacré à 
la vague des idées plutôt qu’a l’écume des petites phrases ou des commentaires. Il a su ne jamais sacrifier l’avenir, le long et le moyen terme aux imperatifs court termistes de la mode ou de l’instant présent, étant un des trop rares politiques à privilégier le temps long.

Michel Rocard avait les mots et le verbe libre, une parole authentique et rafraichissante, il a toujours préfére l’équité à une égalité quelquefois factice et inéquitable, privilégiant l’être au paraître et le collectif à l’individualisme.

Il a eu la grande sagesse de se retirer de la vie politique avec élégance, sur la pointe des pieds, passant le relais aux jeunes générations pour leur laisser construire un avenir meilleur.

C’était un homme qui aimait passionnément la vie, l’Europe, la nature sauvage et indomptable avec laquelle il faut composer : le vent, les mers et les océans, les pôles aussi … L’environnement et le devenir de la planète ont été les combats qui ont animé toutes ses dernières années.

 Ce soir, je me sens quelque peu orphelin, Michel Rocard nous a quitté.

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Résister, se conjugue au présent

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Ces derniers jours nous auront marqué à jamais … trop de vies envolées, trop de personnes blessées, trop de familles endeuillées ou meurtries …  Une foule de sentiments de l’ordre de l’intime s’entremêlent dans nos têtes et nos coeurs : émotion, compassion, sidération, incompréhension, indignation, révolte, colère également …

Cette tragédie aura agit comme un révélateur pour le pays, vague de fond, l’impactant, l’ébranlant même et faisant remonter à la surface certaines réalités, jusque là laissées de coté, qui se rappellent brusquement à nous : la fragilité de notre sécurité individuelle et collective, l’utilité d’un service public efficient … Chacun a pu mesurer ce que nous devons à l’action déterminante et exemplaire des forces de l’ordre, pompiers, secouristes et médecins lors de ces tragiques évènements. Leur courage et l’efficacité de leurs actions ont permis de sauver beaucoup de vies et de soulager la douleur de centaines de blessés … comme à chaque fois.

Face à ce qui constitue un véritable acte de guerre, une seule réponse s’impose : faire bloc et rester unis … L’heure est à l’unité nationale pour ne pas tomber dans le piège tendu par l’Etat Islamique qui cherche à cliver, diviser, rejeter, exclure, fractionner pour mieux rebondir ensuite afin de surfer sur nos détresses, nos faiblesses et plus que tout sur nos fractures …
C’est pourquoi il est important de défendre, ensemble, face à la barbarie que Daech représente, cohésion nationale et sociale, valeurs républicaines mais aussi nos modes de vie pluriels.

La petite musique politicienne de certains (ir)responsables a fait plus que désordre, ce mélange assez minable des genres constitue une faute politique majeure, tant le contexte dramatique du moment exige sang froid, discernement, responsabilité et, plus que tout, sens de l’état.
L’heure est à l’action et aux investigations, pas aux polémiques, c’est le pays qui est attaqué et nos valeurs qui sont menacées.
L’heure est au soutien au Président qui n’a pas failli et s’est montré à la hauteur de la situation, au gouvernement qui agit vite et fort, et à tous ceux qui, anonymes, nous protègent jour et nuit de l’Etat Islamique, souvent au péril de leur vie, que ce soit sur le sol national ou au-delà des mers et des océans

C’est parce que la France lutte contre l’obscurantisme et le fanatisme, qu’elle est à la pointe du combat pour la liberté, que son action est déterminante, qu’elle est devenue la cible des terroristes ! Mais c’est aussi pour tout ce qu’elle incarne, plus encore après le 11 janvier, notre pays est devenu de nouveau pour la planète un symbole de liberté que les fanatiques veulent abattre absolument !

Plutôt que ce complaire dans un France bashing injuste et mortifère, apprécions la chance que nous avons de vivre dans un pays libre et ouvert, riche d’une qualité de vie que le monde entier nous envie, ou il fait bon se cultiver, aimer qui bon nous semble, étudier, travailler, grandir, vieillir, s’épanouirNous le devons aux morts du Bataclan, aux vivants, mais aussi à nos enfants.
C’est pourquoi il nous faut, y compris si cela semble si difficile aujourd’hui, « enraciner l’espérance dans le terreau du cœur » et y semer des graines de monde meilleur, loin de la peur, de la terreur et de la douleur …

Nous ne pourrons cependant faire l’économie d’un examen de conscience lucide, sans complaisance aucune, et d’une nécessaire remise en cause ne pouvant se limiter à la seule analyse des conséquences ou de l’analyse de la dualité entre liberté et sécurité (moins de liberté pour plus de sécurité), mais bien nous attaquer aux racines du mal …
Au delà des mots, postures ou polémiques nous devons apporter des réponses globales, ajustées, adaptées, et garder en tête une réalité brutale, douloureuse et cruelle, c’est bien notre société qui a enfanté les auteurs des actes de guerre du 13 novembre.

Recherchons au plus profond de nous mêmes les réponses  qui permettront que « les sanglots longs des violons de l’automne ne blessent de nouveau nos cœurs » au vent mauvais …

 

Mais qu’elles sont elles ?

 

 

 

 

 

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Minute de silence du lundi 16 novembre, Place Albert Camus, parvis de la Mairie, Trilport 

 

Soulignons tout d’abord certaines évidences :

Agir efficacement nécessite des moyens humains, logistiques, financiers considérables (renseignement, armée, police, justice, aussi comme beaucoup de nos concitoyens, j’ai été satisfait d’entendre François Hollande préciser que le pacte de sécurité prévaudrait sur le pacte de stabilité. Permettez moi cependant de vous faire part de ma surprise à l’écoute des discours de ceux qui plus que tout autre ont considérablement affaibli ces dernières années nos capacités d’action et contribué à l’instabilité de cette région du monde, du fait d’une politique étrangère faite de coups, connivences, complaisance avec les dictateurs (Assad, Khedafi, Ben Ali) sans cohérence ni vision … Leur surenchère sécuritaire me parait pour le moins malvenue …

Plus que jamais l’Europe doit être présente. Ses failles pour ne pas dire ses faillites sont apparues de manière évidente. Elles résultent d’une approche non communautaire pêchant par manque de vision et d’ambition, très caractéristique des années Barroso : problématique des réfugiés, polémiques sur le contrôle des frontières, limites des accords de Schengen et de règlements comme celui de Dublin, texte totalement dépassé et déconnecté de la réalité,  manque d’ambition et de volonté sur l’action du FRONTEX, absence de soutien de pays pivots comme la Grèce afin de préserver la bonne maitrise de nos frontières extérieures, manque de collaboration entre les différents services de renseignement ou de police, retard pris dans le dossier du Passenger Name Record (PNR) …
Chacun doit comprendre dans chaque pays, que les questions liées à notre sécurité vis à vis à de tels actes terroristes exigent absolument une réponse européenne, il en va de la tranquillité et de la sécurité de tous les européens ! Encore faut il qu’il y ait au rendez vous une politique commune coordonnée et plus que tout une volonté d’agir !

Les nationalistes désirent ériger des murs à nos frontières respectives. Outre qu’une telle mesure gênera en premier lieu les européens au quotidien, rappelons que jamais une digue n’a stoppé un tsunami ! Se mettre en mode « ligne Maginot du XXI âme siècle » apparait contre productif et surtout d’une efficacité très illusoire ! Mieux vaut déjà assurer réellement l’inviolabilité des frontières extérieures européennes, c’est l’urgence absolue, encore faut il une Europe en capacité d’agir !
Si les réponses sécuritaires apportées par le gouvernement sont inévitables et constituent effectivement la priorité du moment, celle du court terme, elle doivent être absolument accompagnées de mesures sur le moyen et le long terme, tant nous ne devons pas nous limiter aux seuls effets et conséquences mais bien traiter des causes.  

 

Le focus « géo politique », nous amène à intégrer certaines spécificités régionales. Est ce le fruit du hasard si depuis la crise de Suez de 1956, la plus grande partie des guerres, conflits, que le monde connaît se concentre dans cette région ?
La captation des ressources gazifières et pétrolifères par quelques familles, attisent non seulement les appétits des pays développés et des multinationales, mais développent dans le même temps des inégalités criantes et croissantes qui constituent autant de fractures profondes et potentiellement à risques.
Le contraste entre les gratte ciels, les golfs verdoyants et gazonnées poussant sur le sable du désert, les îles artificielles gagnées sur l’océan, les gigantesques malls commerciaux et quartiers d’affaires qui désormais sont l’image des émirats dans le monde et l’état d’esclavage quasi médiéval dans lequel vit la plupart des populations immigrées qui y travaillent, provenant principalement d’autres pays musulmans, constitue une véritable bombe à retardement sur laquelle prospère les idéologies les plus obscurantistes.
Thomas Pikety apporte quelques illustrations pour le moins instructives sur ces inégalités régionales : l’Egypte (90 millions d’habitants) consacre à son système éducatif moins de 10 milliards de dollars, dans le même temps les revenus pétroliers saoudiens (30 ?millions d’habitants) dépassent les 300 milliards de dollars et ceux du Qatar (300 000 qataris) 100 milliards de dollars !

Autre élément perturbateur : le particularisme d’une forme d’Islam régional dominant avec lequel nos démocraties ont une relation pour le moins schizophrénique et équivoque depuis Lawrence d’Arabie : le wahhabisme, ce radicalisme messianique ultra puritain né au 18ème siècle. Car tout n’est pas aussi simple que le dualisme entre chiites et sunnites !
Kamel Daoud dans une tribune au New York Times  nous le rappelle de manière très structurée et imagée « Daesh a une mère : l’invasion de l’Irak et un père : l’Arabie saoudite et son industrie idéologique ». L’écrivain algérien y décrit trois types de Daech, le gris (Iran), le noir (l’Etat Islamique) et le blanc (Arabie Saoudite). Pour faire simple, presque caricatural, l’Occident mène la guerre contre l’un (Daech Noir) tout en serrant la main de l’autre (Daech Blanc) et fait de l’oeil au troisième (Daech Gris) !

Soyons clair, aucun amalgame ici avec les musulmans français. Le wahhabisme n’est jusque là que très peu représenté en France, malgré les pétro dollars, l’influence des califats, de l’Arabie Saoudite, et heureusement pour la représentation de la femme dont sa conception est absolument incompatible avec nos lois et notre culture !
Il se situe aux antipodes de l’islam des lumières, ouvert, tolérant, empreint de philosophie et de culture qui a changé la face du monde de manière positive alors que le christianisme de l’époque empruntait le chemin inverse.
C’est pourquoi, au regard des évènement qui depuis janvier dernier s’abattent sur notre pays, il est grand temps que les musulmans de France effectuent leur part du chemin dans la République, que les « modérés » fassent entendre leur voix, afin de combattre tous les intégrismes qui prétendent agir au nom de Mahomet et le salissent, et que l’islam en France devienne enfin l’Islam de France dans la République.

 

Le prix d’une vie

Dans un monde globalisé, systémique et de plus en plus « asymétrique », le prix d’une vie diffère d’une latitude à l’autre. Les compagnies d’assurance intègrent cette réalité financière et réévaluent régulièrement des différentiels de plus en plus importants illustrant les inégalités croissantes dans le monde, qui sont amplifiées par le bouleversement climatique et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes.
Les fanatismes se nourrissent de la détresse humaine de ceux qui sont martyrisés, exclus, se sentent rejetés et oubliés, et prospèrent sur ce terreau du malheur, atisant le sentiment d’injustice, de frustration et de révolte, c’est une constante de l’histoire … Ne pas prendre en compte et anticiper aujourd’hui les conséquences du réchauffement planétaire auprès de populations et régions sinistrées du globe, s’est accepter de contribuer à créer des inégalités de plus en plus inacceptables et de condamner à terme des millions d’humains. Une position totalement immorale et surtout irresponsable.

C’est aussi un des enjeux essentiels de la COP 21.

L’intensité émotive et médiatique d’une catastrophe ou d’un attentat tient compte de cette donnée économique et irrationnelle qu’est le prix d’une vie.
Elle constitue une source d’inspiration pour des terroristes de plus en plus communicants, devenus spécialistes des médias et de  l’image, auteurs de storytelling implacables dont l’unique but est de susciter la vague médiatique la plus importante possible.
Nos sociétés, principales victimes de leurs attentats, se retrouvent paradoxalement, relais et amplificateurs des messages de haine et de terreur que délivrent ces fanatiques. Caisse de résonance immédiate et globale qui alimente réseaux sociaux et chaines d’information en continue et témoignent ainsi de la réussite d’exactions qui en quelques secondes font la une des médias planétaires.

Le quart d’heure médiatique cher à Wharrol est dépassé !

 

Le mal n’existe malheureusement pas qu’à l’extérieur de nos frontières. La présence dans nos villes, de ghettos et de no man’s land, dans lesquels les habitants sont de plus en plus abandonnés (de l’éducation, des services publics et médicaux, de la culture …) et vivent sous l’emprise des communautaristes qui y font régner l’ordre spirituel doit nous interpeller au plus haut point, il y a urgence, le ver est dans le fruit !
Beaucoup de jeunes qui y résident,sans emploi, sont littéralement « en jachère », et constituent autant de proies de choix pour des marchands de monde meilleur les attirant vers l’obscurantisme à l’aide d’images magnifiées des martyrs du djihad entrant en résonance avec le mal être de ces jeunes déracinés et sans vrais repères. 

Le profil des djihadistes européens « kamikazes » est le plus souvent assez semblable … Agés pour la plupart de moins de vingt cinq ans, provenant de milieux pauvres, souvent peu éduqués, influençables, beaucoup ont eu maille à partir avec la justice pour des petits délits de droit commun. Ils sont le plus souvent « ignorant de la religion » et se l’approprie de l’extérieur y compris s’ils sont de culture musulmane en intégrant le message fondamentaliste très souvent suite à des rencontres décisives en prison.
D’autant que beaucoup de spécialistes de ces questions soulignent que l’Etat Islamique est bien plus attractif pour les européens qu’Al Qaïda : la Syrie n’est pas l’Afghanistan,  la pratique religieuse y est beaucoup moins contraignante et stricte, l’idéologie a le mérite d’être simple et accessible, l’argent coule à  flot, le luxe n’y est pas interdit. Ici, la foi n’est le plus souvent qu’un prétexte, ce qui attire les jeunes désoeuvrés ce sont les armes, l’aventure, le fait de devenir enfin quelqu’un !

 

Notre société aujourd’hui confrontée à un monde en mutation qui ne cesse d’avancer et bouleverse ses repères et balises, à une planète qui se délite et se fait la malle, se cherche … Elle traverse une crise existentielle profonde qui l’ébranle au plus profond de ses fondements. Il lui faut retrouver un équilibre, un nouveau centre de gravité, mais plus encore un sens, une direction, un projet commun à partager porteur de perspectives futures. 

Il lui faut, au plus vite, renouer avec le sens, tant cette question est absolument essentielle et vitale. Nous avons besoin pour nous épanouir pleinement, de transcendance, de vivre et faire ensemble, d’aller de l’avant, de nous émanciper notamment par la pratique de la culture, des loisirs, des arts, car rien ne vaut la lumière et le mouvement pour combattre l’obscurantisme et l’immobilisme …

Et plus que tout, rien ne vaut la lumière de l’esprit et du coeur … Surtout lorsque nous avons des bleus à l’âme comme aujourd’hui 

 

Etre utile à vivre et à rêver

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Les élections locales qui donneront leurs verdicts dans quelques jours, risquent d’apporter de fausses réponses nationales, beaucoup d’observateurs craignant un vote défouloir, à de vrais problèmes locaux.
Il est bon de rappeler que les élus des 22 et 29 mars devront avant tout gérer des départements, ce que trop d’électeurs que je rencontre ont tendance à oublier.
Depuis le scrutin municipal de l’an dernier, tout semble se brouiller aux yeux de nos concitoyens, ils risquent d’apprendre à leur dépens qu’un vote local n’est pas un sondage d’impopularité mais bien la désignation d’élus qui devront assumer un mandat destiné à améliorer leur quotidien, il y a toujours des lendemains aux soirées électorales.

Ce problème de représentation politique illustre la fracture croissante entre le Politique et le local dont chacun, surtout nos responsables, doit saisir à la fois la gravité et le risque démocratique. La politique plus que jamais doit, non seulement se rapprocher de la vie réelle, mais en être l’incarnation, et ne plus rester la chasse gardée d’un sérail d’élèves de grandes écoles et de collaborateurs de cabinet laissant à une technostructure hors sol la maitrise des dossiers.

L’occasion de saluer la disparition d’un élu local, qui toute sa vie n’a jamais oublié le monde du réel et dont le travail au quotidien a permis de réconcilier nombre de nos concitoyens à l’action politique, surtout lorsqu’elle est authentique, légitime, et plus que tout utile,  je veux bien évidemment parler de Claude Dilain.
Elu exemplaire s’il en est, humain et humaniste, homme simple mais déterminé, il nous manque cruellement tant il a fait honneur à son mandat local en agissant au quotidien et en portant la voix des oubliés de la république.
Il a démontré que l’humilité, le doute, l’engagement sincère, et plus que tout l’écoute, permettent concrètement de changer la vie au quotidien, y compris et surtout celle des plus humbles, des exclus de la « France invisible » et sont autant de  clés pour ouvrir des perspectives de monde meilleur à partager.
Il a agit à l’endroit même, ou certains n’avaient fait qu’attiser et semer par des déclarations irresponsables, haine, division, colère et désespérance. Montrant avec sérénité la force du faire et de la vague inlassable et à contrario la faiblesse du dire et de l’écume médiatique ou sémantique éphémère.

Claude Dilain a représenté plus que quiconque la noblesse de l’action politique lorsqu’elle est au service de tous et non un outil de promotion à usage personnel. Sa meilleure école a été celle de la vie vécue, de celle qui jour après jour nous façonne et nous amène à nous construire concrètement, avant de vouloir prétendre construire pour les autres.
Trop de nos politiques aujourd’hui sont à des années lumière de cette démarche authentique, prisonniers d’une bulle médiatique ou d’un microcosme clos, véritable chambre d’écho et de réverbération pour les égos de quelques uns et d’exaspération pour les citoyens. Arrivés aux responsabilités, ils se coupent de ces sentinelles de proximité que sont les élus locaux, qui placés en première ligne sont pourtant autant de lanceurs d’alerte vigilants.
Les digues de solidarité entretenues au quotidien à grand peine par ces « petits élus », malgré tous les aléas et obstacles placés sur leurs routes, permettent de maintenir encore le minimum de lien et de cohésion sociale qui fait république, là où c’est le plus difficile mais certainement le plus utile, là ou les communes sont trop souvent le dernier acteur public présent et actif (« s’il n’en reste qu’un ! »), des digues de solidarités qui risquent de lâcher et de laisser en plan des citoyens de plus en plus paumés qui se sentant abandonnés votent alors pour le parti du désespoir.
La montée du FN n’est pas irrémédiable, ce n’est ni une fatalité, ni un argument de congrès ou une posture de tribune. Il doit exister certainement plusieurs réponses pour l’endiguer ou la combattre, sur lesquelles beaucoup de nos responsables planchent « activement » en y consacrant moult argumentaires théoriques, moi je n’en connais qu’une, simple, urgente, qui devrait interpeller toute la classe politique nationale : « Retour vers le réel » …

Ce réel qui habitait Claude Dilain et était au centre de son engagement politique, ce réel qui l’a amené a interpellé durement la classe politique dans une tribune politique célèbre en 2010.

Je lui dédie ce texte d’Etienne Roda Gil, qui symbolise magnifiquement son action au service des autres, car il a été avant tout UTILE à VIVRE  ET surtout et plus que tout à REVER …

 

 

 

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Utile
Etienne Roda Gil

 

A quoi sert une chanson, si elle est désarmée ?

Me disaient des chiliens, bras ouverts, poings serrés.

Comme une langue ancienne qu’on voudrait massacrer,

Je veux être utile, à vivre et à rêver.

 

Comme la lune fidèle, à n’importe quel quartier,

Je veux être utile à ceux qui m’ont aimé,

À ceux qui m’aimeront et à ceux qui m’aimaient.

Je veux être utile à vivre et á chanter.

Dans n’importe quel quartier, d’une lune perdue,

Même si les maitres parlent et qu’on ne m’entend plus,

Même si c’est moi qui chante à n’importe quel coin de rue,


Je veux être utile à vivre et á rêver.

À quoi sert une chanson, si elle est désarmée ?

J’écris ton nom, liberté

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A Cabu, Wolinski, Charb,

à toutes les victimes d’où qu’elles soient,

tombées au champ d’honneur de la liberté d’expression,

de la liberté, tout court

(Liberté, Paul Eluard, 1945)

 

 

Liberté

 

Sur mes cahiers d’écolier

Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J’écris ton nom

 

Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J’écris ton nom

 

Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J’écris ton nom

 

Sur la jungle et le désert

Sur les nids sur les genêts

Sur l’écho de mon enfance

J’écris ton nom

 

Sur les merveilles des nuits

Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées

J’écris ton nom

 

Sur tous mes chiffons d’azur

Sur l’étang soleil moisi

Sur le lac lune vivante

J’écris ton nom

 

Sur les champs sur l’horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres

J’écris ton nom

 

Sur chaque bouffée d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J’écris ton nom

 

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l’orage

Sur la pluie épaisse et fade

J’écris ton nom

 

Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique

J’écris ton nom

 

Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent

J’écris ton nom

 

Sur la lampe qui s’allume

Sur la lampe qui s’éteint

Sur mes maisons réunies

J’écris ton nom

 

Sur le fruit coupé en deux

Du miroir et de ma chambre

Sur mon lit coquille vide

J’écris ton nom

 

Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite

J’écris ton nom

 

Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni

J’écris ton nom

 

Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend

J’écris ton nom

 

Sur la vitre des surprises

Sur les lèvres attentives

Bien au-dessus du silence

J’écris ton nom

 

Sur mes refuges détruits

Sur mes phares écroulés

Sur les murs de mon ennui

J’écris ton nom

 

Sur l’absence sans désir

Sur la solitude nue

Sur les marches de la mort

J’écris ton nom

 

Sur la santé revenue

Sur le risque disparu

Sur l’espoir sans souvenir

J’écris ton nom

 

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté.

 

Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit

Passeur de culture

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« Un coeur n’est juste que s’il bat au rythme des autres coeurs. »

Paul Eluard

 

Je veux témoigner de ma reconnaissance envers Jacques Chancel, tant je lui dois une part de ce que je suis devenu aujourd’hui. 

Au travers de son émission du Grand échiquier, il nous a permis d’accéder à des univers que nous n’aurions sans lui jamais parcouru, car inaccessibles jusque là, chasse gardée d’une petite élite, généralement parisienne.

Ce passeur de culture a su mieux que personne faire œuvre de vulgarisation en faisant, excuser du peu, rimer culture (avec un grand « C » et un « s » comme plurielle), l’émotion (la joie du direct) avec le « populaire », dans tout ce que ce si beau mot revêt de dignité et de noblesse.

Jacques Chancel  est intimement lié à des moments précieux et fédérateurs de ma vie, gravés au plus profond de mon cœur et de mon âme, car partagée, en famille, autour de son émission …
Tant et tant de talents l’ont traversé, tant et tant de mélanges et de cultures d’ailleurs … Ces moments nous ont tant et tant apporté …

 

A tous ceux qui doutent aujourd’hui de l’intérêt d’une télévision publique, Jacques Chancel comme Bernard Pivot et tant d’autres apportent la meilleure des réponse. 

Encore faut il, que le service public soit animé d’une véritable ambition et qu’il cherche, tout en étant et restant profondément populaire, c’est sa noblesse, à élever, interpeller et enrichir, plutôt qu’habiter le temps de bruit médiatique insipide, insignifiant et racoleur, bref qu’il soit une valeur ajoutée culturelle et un supplément d’âme. 

Ce soir je pense énormément à mon père et avec nostalgie à tous ces visages disparus qui ont peuplé le Grand échiquier et ont tant compté pour moi : de Brassens à Montant en passant par Ferré, De Moraes, Menuhin, Nougaro, Marceau et tant et tant d’autres …