Habitat Social & Développement Durable

Pour fêter son 80eme anniversaire, l’organisme HLM seine et marnais FSM (anciennement Foyers de Seine et Marne) a eu la bonne idée d’organiser un colloque,  dans le cadre prestigieux de l’INSEAD à Fontainebleau sur une thématique d’actualité : « Habitat Social et Développement Durable ». Trois intervenants principaux sont intervenus lors des débats : Elisabeth Laville (fondatrice du cabinet Utopies), Patrick Kamoun (historien du mouvement HLM) et Alain Maugard( Président du CSTB ou Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). Réunion trés instructive, tant sur le thème du logement social (lire note précédente), que sur celui du Développement Durable vu de l’entreprise, aprés la décision de Trilport de lancer un Agenda 21 (lire note précédente).

Intervention d’Elisabeth Laville(*)

Elisabeth Laville a insité sur la nécessité pour l’entreprise d’intégrer désormais la dimension environnementale à son « process » en privilégiant une approche globale. La question centrale apparait être celle de la responsabilité (au sens premier du mot : répondre de ses actes) de l’entreprise , vis à vis de ses salariés, des consommateurs, mais également de la planète; un maître mot : « Anticiper les contraintes pour ne pas les subir et en faire des opportunités ».
Elle estime que le Développement Durable désormais sorti de « l’ornière alternative » est devenu un passage obligé pour l’entreprise et a souligné l’évolution en cours chez les consommateurs sur l’achat éthique et solidaire : s’il ne représente en France en volume que 1% des achats effectués, il est de 5% en Grande Bretagne et de 13% aux USA.

Les données statistiques actuelles prouvent l’importance des enjeux liés à l’empreinte écologique :

  • 30% des richesses naturelles de la planète ont disparu en 25 ans,
  • l’écart entre les riches et les pauvre a doublé,
  • 1 personne sur 5 vit avec moins de 1 dollar par jour.
  • le quintile supérieur de la population mondiale (les 20% les plus riches) consomme aujourd’hui 86% des ressources tandis que le quintile inférieur (les 20% les plus pauvres) n’a à sa disposition que 1% de ces mêmes ressources,

Mme Laville a insisté sur l’importance croissante prise par les agences de notation (telle VIGEO), le « reporting » environnemental (la raison de vivre de son entreprise : Utopies) et sur l’évolution des différents acteurs de l’entreprise devant la problématique du Développement Durable.
Un exemple parmi d’autres : de la même manière que le traditionnel rapport annuel d’une entreprise rend des compte aux actionnaires (« stockholders’ report » ou « shareholders’ report ») sur l’activité financière de l’entreprise, le rapport de développement durable (« Global reporting initiative ») s’adresse à l’ensemble des autres publics concernés (salariés, consommateurs, voisins …) qui sont partie prenante (« stakeholders ») de son activité car concernés directement. C’est ainsi que le « stakeholders report » rend compte sur des différents aspects sociaux et environnementaux de cette activité.

Lire ci joint dans les documents, la synthese sur le Développement Durable réalisé par le cabinet Utopies

Intervention de Patrick Kamoun
Monsieur Kamoun a rappelé les conditions de l’apparition du logement collectif, lors de la révolution industrielle (fin 19eme). Il a permis à la société occidentale de répondre à des défis intérieurs autrement insurmontables : l’hygiène (taudis, épidémie), la famille (mortalité enfantile, prosmicuité), la politique (deux citations pour l’exemple : « il faut désarmer politiquement l’émeute  » pour Napoléon 3 et « Celui qui possède ne veut pas abattre l’ordre existant » Siegfried) et l’ordre moral (alcoolisme …)
Dans l’histoire du mouvement HLM, une opposition est apparue entre les partisans de la maison collective (tendance des « modernes ») et ceux de la maison individuelle (tendance des « anciens »). Avec pour les premiers la tentation de vouloir séparer la fonction de la ville, habitat de la circulation, et priilégier une approche reposant sur la verticalité …
Il s’élève contre le procés intenté à l’architecture des cités comme cause première des dernières violences urbaines (les « raisons de la colère »). Pour lui c’est un faux procés, le mal vivre est ailleurs que dans les murs.

Intervention d’Alain Maugard(*)

Propos pour le moins décapant que ceux tenus par le Président du CSTB (*) lors de son intervention. Il est revenu sur l’évolution du statut de citoyen. Nous sommes passé au fil des siècles de citoyen d’une cité (ville) à celui d’une région, puis d’un pays, avant de devenir, aujourd’hui, citoyen de la planète.

Notre génération connait une vraie malédiction, puisqu’elle est la première à transmettre à ses enfants une planète moins riche, moins belle … Une planète dégradée … Au niveau de l’Empreinte écologique, la situation de la relation Nord Sud est sans équivoque; nous pouvons réellement parler de « peuple élu » et de peuples à l’abandon. Pour l’exemple, si la population mondiale consommait ce que consomme un français, il faudrait 2 planètes comme la terre pour satisfaire les besoins mondiaux et si elle consommait comme un américain 5 planètes …

Selon Alain Maugard, le Développement Durable est un combat politique sur lequel l’homme d’aujourd’hui, quoiqu’il s’en dise, peut, et doit peser car il possède de réelles marges de manœuvre qui lui permettraient de trouver un compromis acceptable pour la planète. Il est aujourd’hui techniquement possible de réduire de 2/3 la production de gaz à effet de serre (GES) produit par la civilisation urbaine (habitat plus mobilité). La solution des accords de Kyoto avec le système des « bons à polluer », même si elle ne peut être présentée comme une panacée est selon lui une piste intéressante. Il regrette sur ce sujet la position des verts, leur proposant au passage un recyclage !

En conclusion, Alain Maugard ouvre « grand champ » la perspective vers de nouveaux débats, revenant non sur une question « technique » mais sociale, celle des identités dans la Cité. Nous devrions, selon lui, permettre l’émergence d’une société pluraliste épanouie afin d’aboutir à une « laïcité identitaire ». Il a cloturé son propos par une citation latine clin d’oeil appropriée à la situation actuelle « MUTATIS MUTANTIS » (ou ‘Les choses qui devaient changer ayant été changées… »).

Notes :

Elisabeth Laville : Elle a créé en 1993 Utopies, cabinet de conseil environnemental reconnu comme « l’agence pionnière dans le conseil en développement durable » (Enjeux-Les-Echos, octobre 2001). Professeur à HEC, où elle a créé un cours sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, elle a publié en Avril 2002 « L’entreprise verte  » (Editions Village Mondial) elle est reconnue désormais comme l’une des expertes européennes de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise.

Alain Maugard : Polytechnicien, Ingénieur général des Ponts et Chaussées, directeur adjoint de cabinet des ministres de l’Urbanisme et du Logement Roger Quilliot et Paul Quilès . Il devient ensuite directeur de la Construction au Ministère de l’Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer, puis directeur général de l’EPAD (Etablissement Public d’Aménagement de la Défense) en 1990, Président du CSTB

Le CSTB : Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), placé sous la tutelle du ministère du Logement, Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction. Le CSTB réunit des experts des matériaux et techniques de construction, des équipements et de la sécurité, de la thermique, de l’acoustique, de l’aérodynamique, de l’éclairage, de l’environnement, de la santé, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’économie et de la sociologie.