1914 / 1918 : in memoriam

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A l’occasion des célébrations du 11 novembre, nous avons organisé en collaboration avec le Musée de la Grande Guerre et diverses associations locales (Rail Club, association des cartophiles du Pyas de Meaux), une exposition qui a permis à de nombreux visiteurs dont beaucoup d’écoliers et de collégiens de s’informer et pour certains de découvrir ce qu’a été la Grande Guerre. 

Une commémoration qui a également  permis de rappeler la singularité du combat des trop rares pacifistes de l’époque, dont le plus illustre, Jean Jaures, première victime d’un conflit dont il avait annoncé la violence  et l’absurdité bien avant son déclenchement …

Le devoir de mémoire permet de passer au tamis de l’histoire, certaines idées préconçues ou images d’Epinal convenues, de les confronter à un autre point de vue, moins institutionnel et officiel, afin de constater que certaines sont de réelles impostures à des années lumière de la réalité vécue par les combattants ou les populations civiles d’alors … Le tribunal de l’histoire réserve parfois son lot de surprises …

Et si dans l’histoire dite « moderne » un conflit nécessite un inventaire approfondi,  tant sur sa nature, ses causes, que ses conséquences, c’est bien  la guerre de 1914/ 18, car la Grande Guerre a été instructive à plus d’un titre …

 

 

Lorsqu’en 1914, la France, l’Angleterre et la Russie déclarent la guerre à l’Allemagne, peu pressentent le terrible cataclysme qui suivra, excepté la première victime de cette guerre, Jean Jaurès, qui avait décrit peu de mois avant son assassinat, l’indescriptible … 

« Quand on parle, quelquefois à la légère, de la possibilité de cette terrible catastrophe, on oublie, messieurs, que ce serait un événement nouveau dans le monde par l’étendue de l’horreur et par la profondeur du désastre. 

Et qu’on n’imagine pas une guerre courte, se résolvant en quelques coups de foudre et quelques jaillissements d’éclairs, ce sera, dans les régions opposées, des collisions formidables et lentes … 

Ce seront des masses humaines qui fermenteront dans la maladie, dans la détresse, dans la douleur, sous les ravages des obus multipliés, de la fièvre s’emparant des malades, et le commerce paralysé, les usines arrêtées …

Oui, messieurs, terrible spectacle et qui surexcitera toutes les passions humaines. Songez-y bien, messieurs, »

Une thématique déjà abordée dans son célèbre discours à la jeunesse prononcé le 30 juillet 1903 au lycée d’Albi où il avait été élève puis enseignant…

« L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement. 

Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la sombre nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante, dont on peut toujours se flatter qu’elle éclatera sur d’autres.

 Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication …

Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. 

Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »

 

Car les dirigeants de l’époque, comme leurs opinions publiques sont persuadés du contraire … Ce qui explique l’atmosphère des tout premiers jours de guerre, pour le moins guillerette. Pour beaucoup, le conflit sera rapide et annonce l’heure de la revanche … C’est peu de dire que les uns et les autres déchanteront très vite …

Début 1914, une guerre de mouvement s’amorce, les armées allemandes traversent la Belgique, envahissent la France et se dirigent vers Paris. C’est à ce moment clé, que se déroule la bataille de la Marne qui marque un  tournant décisif du conflit et le début d’une guerre de position interminable.

Elle permettra à l’armée française de rétablir une situation compromise, et fut véritablement la première guerre moderne. Un affrontement total, à la puissance de feu inégalée, cause d’une effroyable et intolérable boucherie dans laquelle « les marchands de canon » passeront en revue toutes les techniques modernes militaires, tant sur terre, que dans les mers et les airs! Jamais autant d’hommes n’avaient combattu jusqu’alors et n’étaient tombés sur le champ d’horreur !

Chacun retiendra qu’en septembre 1914, les allemands seront repoussés et n’atteindront pas Paris, les armées s’enterrant dans une guerre de position s’éternisant jusqu’en mars 1918, avant une nouvelle offensive encore stoppée sur la Marne, puis la victoire des troupes alliés menées par le généralissime Foch et la signature de l’armistice le 11 novembre 1918.

 

L’histoire officielle a célébré le nom de maréchaux ou généraux, pour certains grands bouchers devant l’éternel, et quelques clichés pittoresques, tel celui du général Gallieni réquisitionnant 600 taxis parisiens afin d’acheminer 6000 hommes sur le front et mener la contre-attaque contre la Ie Armée allemande de Von Kluck … 

  • N’oublions pas cependant, les mutineries qui durant l’été 1917 touchèrent les régiments français comme les autres armées impliquées dans le conflit, y compris l’armée allemande.
  • Rappelons le terrible bilan de cette catastrophe humaine sans précédent … une génération sacrifiée sous un déluge de feu, de plomb, de gaz et d’obus, 9 millions de morts (en France ou en Allemagne 25% des hommes entre 20 et 30 ans disparaitront), 20 millions de blessés, des milliers de villages et de villes détruites, des pays entiers à reconstruire.
  • Soulignons les  conséquences des conditions de paix imposés aux vaincus (une nouvelle  guerre mondiale, encore plus horrible) ou du conflit : la révolution russe, l’émergence des USA.  C’est une nouvelle carte du Monde et de l’Europe qui se dessine après 1918 …

 

Devant l’ampleur du conflit et son onde de choc, le Devoir de mémoire prend tout son sens …

Ce devoir de mémoire explique la volonté de la Communauté d’Agglomération du Pays de Meaux de créer un musée de la Grande Guerre, ici, sur cette terre qui a tant donné et perdu entre 1914 et 1918 … Légitimité du sang versé …

N’oublions jamais que plaines et vallons du Multien et de Brie, comme le sol de nos champs, de nos forêts ou de nos communes, a été nourri du sang des milliers de morts de toutes nationalités, races ou confessions, tombés au cours de ce conflit. 

Une des missions du futur  musée est bien de rappeler la réalité morbide et dramatique de ce conflit, de cette guerre moche et sale,  comme de nous interpeller sur ses causes réelles et l’ampleur de ses conséquences pour nos ainés et nous mêmes.
Certes le devoir de mémoire est un moment de souvenir, de recueillement et de respect envers ceux qui sont tombés, mais il est aussi et surtout un engagement vers l’avenir, nous  amenant à méditer les leçons souvent douloureuses  de l’histoire,  afin que demain soit plus beau qu’hier et que les hommes ne renouvellent pas sans cesse les erreurs du passé … Comme une fatalité …

 

C’est pourquoi j’ai proposé que le 11 novembre 2011, à l’occasion de l’inauguration du futur Musée, nous invitions les Maires de nos villes jumelées, notamment allemandes,

 

Car un des multiples enseignements de ce conflit, est qu’il n’y a eu ni vaincus, ni vainqueurs, 

Il n’y a  eu que des perdants …