Péri urbain, « Mobilis in mobili »?, mirage ou objectif ?

 

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Les « rencontres de la mobilité inclusive » organisées par le laboratoire du même nom*  invitent chaque année les acteurs de la mobilité à une journée d’échange consacrées aux difficultés rencontrées par les publics en situation de fragilité. Cette journée permet également aux jeunes pousses de présenter leurs innovations, une quatrième édition qui illustre l’essor véritable de ce marché des mobilités du fait notamment de l’arrivée de nouveaux acteurs issus du monde du numérique.

J’étais invité à participer à la table ronde dédiée aux mobilités péri-urbaines. Il est bon que les problématiques spécifiques à l’espace péri urbain soient enfin mis en avant dans ce type de rencontre, tant elles concernent des territoires qui se retrouvent aujourd’hui en situation de grande fragilité.
J’ai rappelé l’état de délabrement des réseaux ferrés de la grande couronne, où se déplacer demeure non seulement un enjeu, mais trop souvent un véritable défi, ce qui à la longue et au quotidien devient pesant et pour le moins anxiogène pour ceux qui vivent dans ces territoires. Il serait pertinent pour le péri urbain, de parler plutôt de mobilités non inclusives.

Y répondre nécessite de rattraper plus de 30 ans de désengagement total, que ce soit au niveau du parc roulant, des réseaux ou des gares. Conséquence directe de la priorité donnée au Tout TGV par la SNCF toutes ces années, financé par l’abandon délibéré de nos réseaux ferrés régionaux.
Rattraper un tel retard est difficile, d’autant qu’il faut adapter dans le même temps les infrastructures à la montée en puissance de territoires en plein essor et à la mutation en profondeur de notre société.
Cette situation est assez similaire à celle que nous connaissons avec la transition numérique; avant d’aborder la dimension des usages, essentielle, il convient cependant de régler la question des tuyaux ! Accéder à une mobilité réellement inclusive nécessite le préalable de « gagner » la bataille des infrastructures. Vaste gageure …

Notre société illustre la célèbre devise du capitaine Nemo, « mobilis in mobili ». Ne pas être en capacité de se déplacer en liberté dans une société de plus en plus mobile, conduit inexorablement à l’exclusion et au déclassement.
Avec des conséquences  trés concrètes : contraintes quotidiennes, absence de perspective, ressentiment de plus en plus marqué à l’égard des métropoles, élites et ville capitale, comportements électoraux de rupture (abstention ou vote extrémiste)…
Si ce n’est pas encore la guerre des Gaules, les fractures territoriale, sociale et politique déjà présentes s’élargissent au fil des mois. Gagner la bataille des mobilités péri urbaines constitue désormais un enjeu démocratique de premier ordre et devient une priorité républicaine.

Il est essentiel de remettre l’équité au coeur de la république des territoires, et de maintenir une cohésion sociale aujourd’hui malmenée qui ne tient plus qu’à un fil dans certains territoires et menace de rompre à tout moment.
Les mobilités sont au cœur de nos vies, trop souvent même de nos angoisses quotidiennes, tant se déplacer est vital pour accéder à un emploi, mais également droit à la culture, aux loisirs, au lien social, au temps libre et libéré. De manière plus globale, les mobilités sont une condition sine qanun de l’épanouissement et de l’émancipation de chaque citoyen …

Encore devons-nous adapter l’organisation de nos transports à la réalité du monde actuel et substituer à la logique de silo d’antan, une logique systémique basée sur des éco systèmes locaux de mobilités …

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De la ligne P au Grand Paris, d’un monde à l’autre

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La réunion publique de l’Association Aout du 2 décembre

 

J’ai participé à la réunion publique de l’association Aout, soirée très représentative de la fracture croissante entre deux mondes, celui du Grand Paris de la métropole et les territoires de la grande couronne illustrations concrète de la réalité de la France périphérique, pour ne pas dire invisible.

C’est pourtant les habitants de ces territoires qui subissent une triple peine face face au Grand Paris : ils acquittent chaque année un impôt pour financer des infrastructures dont ils ne beneficieront pas, infrastructures qui risquent fort d’accaparer l’essentiel de financements publics pourtant indispensables à la rénovation du réseau de banlieue à bout de souffle qu’ils utilisent au quotidien et c’est eux qui en première ligne subiront les conséquences d’un chantier de plus de 30 ans impactant  directement leur qualité de vie et leur environnement du fait de la multiplication des décharges nécessaires au traitement ou au stockage des gravats, déchets plus ou moins inertes et autre et leurs cortèges incessant de camions circulant sur des voies déjà plus qu’encombrées … Merci du cadeau !

La réunion de Lizy sur Ourcq s’est déroulée à guichets fermés. Le nombre élevé d’usagers présents, dont beaucoup ayant accompli des dizaines de kilomètres pour simplement témoigner, illustre le degré d’exaspération atteint. Cette exaspération apparaissait en filigramme de chaque intervention, témoignage ou cri de colère qui ont ponctué la soirée et traduit le quotidien de territoires qui cumulent en matière de mobilités handicaps et fractures.
Rappelons que la ligne P qui passe par Trilport, dessert d’un coté La Ferté Milon, de l’autre Chateau Thierry, et que chacune de ses destinations est pour le moins « malmenées ».

Quelques mots sur l’association AOUT, dont je partage l’action depuis 2004, date à laquelle avec son Président Victor Etienne, nous avons décidé de mener conjointement, chacun à notre place, moi coté élus, lui usagers, des initiatives communes visant à améliorer la situation d’une ligne dans un état critique alors.

Avec l’arrivée de Jean Paul Huchon à la tête du STIF en 2006, nous avons pu obtenir de vraies avancées : maintien d’une ligne quasiment condamnée, mise en place du cadencement (véritable révolution dans les usages), changement de motrices, rénovation des voies, Passe Navigo tarif unique, car était il normal que ceux qui avaient les pires conditions de Transport payent plus que les autres ?

Mais depuis quelques années, la situation s’est nettement dégradée au quotidien et la tendance semble s’accélérer … 

Si je me suis engagé dans une cause comme celle de la ligne P, c’est tout simplement pour essayer de changer la vie de mes concitoyens au quotidien et l’améliorer. Certes le sujet n’est ni lyrique ni trés porteur à la tribune des congrès, mais il est terriblement concret et ancré dans la vie réelle.
Quand je lis quelquefois des études très savantes et documentées sur les causes théoriques de la montée des extrémismes, il m’arrive de penser, sans doute schématiquement, on ne se refait pas, que si leurs auteurs partageaient simplement une semaine la vie quotidienne des habitants de la grande périphérie, ils découvriraient sans doute de nouvelles clés de lecture sur le sujet, peut être plus terre à terre.

J’ai tenu à saluer l’activité inlassable de Victor Etienne, Président de l’association, pour la constance de ce combat.
Agir, agir encore et toujours, sans se décourager, réunion après réunion, rendez-vous après rendez-vous, année aprés année, agir inlassablement, non comme Don Quichotte face aux ailes des moulins, mais plutôt comme la vague de l’océan qui, à chaque ressac, creuse un peu plus la falaise de l’indifférence avant d’arriver, au bout du bout, à l’effondrer.

Actions dont ce blog, ouvert en 2005 a régulièrement rendu compte

La dégradation considérable des conditions de transport ces dernières années du fait de la multiplication des dysfonctionnements de toutes natures, de l’augmentation croissante des habitants de nos territoires (plus 8% par an d’usagers en gare de Trilport !), rend incompréhensible le peu de considération porté à cette ligne délaissée, tant par le STIF que la SNCF.
Contexte qui rend impératif une nouvelle mobilisation, d’autant que chaque mandat électoral obéit à un cycle qui lui est propre, la Région n’échappe pas à la règle.

C’est pourquoi nous devons agir maintenant, nous sommes encore en début de mandature, afin de convaincre l’exécutif régional de consentir les décisions d’investissement nécessaires dans les prochaines années pour une ligne de transport aussi délaissée.

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Mobilités péri urbaines & ligne P de la SNCF : propositions d’actions

 

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Impliqué sur les questions de mobilité depuis plus de dix ans en qualité de Maire de Trilport et Vice-président de la communauté d’agglomération du Pays de Meaux, je suis devenu au fil des ans, presque malgré moi, quelque peu spécialiste « es mobilités péri urbaines ».
Si j’ai souffert durant des années, d’un trop plein de solitude sur de tels dossiers (« la solitude de l’élu du fond de l’Ile de France ») j’apprécie aujourd’hui de ne plus être un des trop rares élus locaux mobilisés sur le sujet de la ligne P et plus globalement des mobilités de la Grande couronne et du péri urbain. Cette priorité s’impose enfin au plus grand nombre; il était grand temps …

Lors des réunions innombrables auxquelles j’ai assisté, j’ai toujours écouté avec beaucoup d’attention rapports d’activités, indicateurs de satisfaction ou de performance, projets d’amélioration égrenés par les responsables et représentants des opérateurs et du STIF.
Mais devant la dégradation inadmissible des conditions de transport de ces derniers mois et l’absence notable de perspectives, j’avoue ne plus pouvoir rester aussi Zen, devenant adepte de la parabole dite « de la lune et du doigt ». Je m’affranchis du doigt tendu par les représentants de la SNCF ou du STIF et tel le « sage » de la maxime je m’évertue à scruter la lune, qui doit être notre objectif commun si nous voulons concrètement améliorer une donne bien mal engagée.
L’ère du « bricolage » en matière de mobilité est à mes yeux dépassée, il nous faut changer de paradigme au plus vite, sans démagogie mais avec constance, ténacité et surtout détermination.

Dans cet esprit, j’avais élaboré une note à destination de Claude Bartolone destinée alors à alimenter son programme aux régionales, certaines  propositions ayant d’ailleurs été retenues. J’ai enrichi cette réflexion depuis, de nouveaux éléments tirés notamment du dernier rapport annuel de la Cour des Comptes (traitant cinq après un premier audit, des mobilités en Île-de-France), très explicite, en ai fait une contribution que j’ai décidé de partager avec les élus impliqués concrètement sur cette problématique, toutes tendances politiques confondues; c’est à cet usage que je leur ai envoyé ce travail en février dernier.
La période qui s’ouvre est effectivement cruciale, les arbitrages qui impacteront les prochaines années seront rendus sans doute avant l’été. J’ai jugé utile, citoyen et transparent de rendre ce document accessibles à tous  (module : « Tribune, textes … »).

Une évidence s’impose : il est nécessaire de mettre les bouchées doubles, que ce soit pour rattraper un retard vieux de plus de trente ans mais également et plus que tout pour accompagner la croissance démographique de territoires en plein essor et leur dynamique territoriale… il y a effectivement urgence.
Je demeure intimement persuadé que la dimension péri urbaine nécessite également de nouvelles clés de lecture, pro actives, transversales et prospectives afin de répondre aux potentialités comme aux contraintes des territoires de la Grande Couronne.
Les mobilités péri urbaines vont du transport de masse à un « sur mesure » quasiment individualisé, elles exigent de nouvelles réponses, de la souplesse, de la fluidité, de l’agilité, que ce soit en terme d’infrastructures ou de services à mettre en place.

Le débat est ouvert …

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Pour des mobilités péri urbaines

 

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Si la dégradation des transports franciliens (retards, suppressions, état de propreté, travaux … ) impacte tous les usagers sans exclusive, elle est encore plus mal ressentie par ceux qui y passent le plus de temps. Depuis l’été, une ligne SNCF apparait particulièrement sinistrée (la ligne P) et illustre les conditions de transports quotidiennes, plus que limites, subies par les usagers en 2016, même si ce cas ne semble pas isolé.

Impliqué sur les questions de mobilité depuis plus de dix ans en qualité de Maire d’une ville seine et marnaise de 5000 habitants dotée d’une gare, et Vice Président d’une Communauté d’Agglomération qui constitue un véritable hub pour plus de 200 000 personnes vivant dans les bassins de vie du Nord Est Seine et Marnais, je suis devenu au fil des ans, et presque malgré moi, quelque peu spécialiste « es mobilités péri urbaines ».

Ce billet reprend, pour l’essentiel, la trame d’une note élaborée dans le cadre des élections régionales, aux  propositions essentiellement tournées vers le péri urbain, ce que j’assume, tant ces territoires ont trop longtemps été considérés comme de simples variables d’ajustement, alors qu’ils sont avant tout pour nous qui y vivons des terres d’épanouissement, des terres d’avenir.

Je veux souligner que beaucoup de mesures mises en place sous l’autorité de Jean Paul Huchon, dont le cadencement, ont apporté une incontestable valeur ajoutée sociale et induit de nouveaux usages. Ces mesures ont contribué, incontestablement, à changer la vie au quotidien de milliers d’usagers et ouvrir de nouvelles perspectives à des territoires qui en manquaient cruellement jusque là.
Paradoxalement, elles font apparaître en creux aujourd’hui, toutes les faiblesses et lacunes d’un réseau sous dimensionné, obsolète, qui souffre de plus de trente ans de sous investissement et d’abandon. Que ce soit au niveau des voies comme du matériel roulant. J’en veux pour preuve la multiplication quotidienne des incidents et dysfonctionnements d’aujourd’hui qui exaspèrent au plus haut point les usagers durement mis à l’épreuve depuis des années.

Les mobilités en Grande Couronne sont une priorité absolue et urgente, tant ces territoires attirent de plus en plus d’habitants et que le réseau ferré y est plus que thrombosé. Beaucoup craignent que la métropolisation en cours n’amplifie les inégalités territoriales et sociales déjà pourtant très grandes, pour faire simple, que la grande métropole n’aspire l’essentiel des moyens financiers et logistiques.
Nous savons que si aucun investissement d’envergure n’est lancé dans les prochains mois sur les réseaux sinistrés de la Grande couronne, c’est toute l’Ile de France qui risque de se retrouver paralysée demain. L’inquiétude des élus, au regard des budgets locaux plus que contraints, est que l’essentiel des moyens financiers ne se concentrent sur le seul réseau du Grand Paris Express; d’autant que ce dernier possède de sérieuses zones d’ombre : sous estimation financière des infrastructures souterraines, pas ou peu de prévision sérieuse sur le cout des reports modaux, les charges liées à la multimodalité n’apparaissant dans aucun modèle financier ! Conséquence l’addition pourrait fort être beaucoup plus salée que celle initialement envisagée.

Mes propositions ne se limitent pas aux seuls investissements lourds, mais intègrent également des actions liées aux spécificités de la dimension péri-urbaine. Je suis persuadé qu’il faut promouvoir une lecture novatrice, pro active, transverse, et prospective des enjeux, potentialités et contraintes présentes sur nos territoires. Nos réponses pour être efficaces et utiles doivent être adaptées et contextualisées, tant y mettre en place des solutions de mobilités s’apparente à de la vraie dentelle urbaine. Les situations que l’on y rencontre vont du transport de masse au « sur mesure » quasiment individualisé. .

L’urgence, vu la multiplicité des clés d’entrée, est de dégager une problématique lisible, des priorités claires, de concilier également des actions de nature différentes portant sur le court, le moyen et le long terme, tant sur l’investissement que le fonctionnement. Actions toutes liées les unes aux autres, les mobilités péri urbaines étant par nature systémiques.

Voici quelques propositions,  objectif poursuivi ?

Améliorer le quotidien des usagers vivant en grande couronne …

 

 

 

 

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Pour des usagers pressés (dans les deux sens du terme), acteurs et échelles de temporalité se confondent souvent, les spécialistes savent cependant que les décisions stratégiques prises dans les prochaines semaines ne trouveront de traduction concrète que dans plusieurs années, c’est en cela que cette période est absolument déterminante.

Le préalable afin d’éviter tout flou, rarement artistique en ce domaine, est de clarifier les missions de chaque acteur, dont principalement celles du Syndicat des Transports d’Ile de France (STIF), garant de la qualité des conditions de transport, et non représentant des opérateurs.
Le STIF fixe les orientations stratégiques, objectifs et engagements des entreprises, sur le niveau, la qualité et le coût du service rendu aux voyageurs. Les contrats signés entre le STIF et la RATP et le STIF et la SNCF donnent un cadre, dans lequel chacun assume son rôle et ses missions sur l’organisation et le développement des transports en commun en Île-de-France.
Encore faut il que les priorités affichées soient claires, assumées, que le champ des responsabilités des uns et des autres bien différencié, afin que le «c’est pas moi, c’est l’autre » en cas de problème rencontré ou de remontée du terrain (style les trains courts) cesse … Si l’opérateur, quelque qu’il soit, se doit de respecter les modalités du contrat signé avec le STIF (priorités, objectifs qualitatifs ou quantitatifs …), ce dernier se doit également de lui donner les moyens de le faire concrètement et d’assumer les choix et arbitrages effectués au préalable.

Quelques pistes de réflexion :

  • Diversifier et élargir le champ des causes de pénalités financières dues par les opérateurs : humanisation et présence en gare, nombre de wagons composant les trains lors des heures de pointe (le recours aux trains courts ne peut être que tout à fait exceptionnel), pénalisation de tout ce qui contribue à la dégradation du service.
  • Les indicateurs qualitatifs doivent présenter les performances de l’ensemble d’une ligne, non les globaliser. Les dysfonctionnements impactent le plus souvent les mêmes segments, généralement situés en fin de ligne et ressentis encore plus durement par les usagers au quotidien. Lorsqu’un habitant de Lizy s/ Ourcq entend dans une réunion que les indicateurs de la ligne P sont bons, il peut penser légitimement qu’on se moque de lui.
  • Créé un « observatoire » indépendant des opérateurs, ouvert aux usagers, accessible par internet, permettant à tout utilisateur d’obtenir le reporting des incidents, leur nature, les conséquences, les pénalités infligées et les mesures de remédiation lancées … Indiquant également de manière plus globale les dotations financières accordées aux opérateurs, les indicateurs de performance du réseau, les objectifs fixés …. La transparence doit être de mise et les responsabilités assumées.

 

Rénovation du réseau

Inévitablement ce doit être l’effort financier principal immédiat, vu l’état de délabrement du réseau, mais aussi le temps entre prise de décision et réalisation concrète ! Il doit porter sur la rénovation globale d’un réseau laissé de coté depuis plus de trente ans, excepté ces dernières années. Vu sa vétusté, c’est bien le lancement d’un plan d’investissement massif sur les lignes sinistrées de la Grande Couronne qui s’impose.

La ligne P est une bonne illustration des contrastes de l’Île-de-France à l’heure du Grand Paris. Longue de 252 km, fréquentée au quotidien par 85 000 usagers, de plus en plus nombreux, elle dessert 36 gares sur 3 départements et s’étire à plus de 90 km de Paris, allant jusqu’à Château-Thierry ou La Ferte-Milon. Plus de 6 types de matériel roulant différents cohabitent et y circulent avec des fortunes diverses, ce qui complique d’autant maintenance du matériel et bonne gouvernance de la ligne, avec pour conséquence la multiplication des problémes de gestion de parc, quelquefois quasi insolubles, vu les contraintes logistiques (remplacement de pièces en cas d’incident, pannes récurrentes …) due à la vétusté des fameux « petits gris ».

Les propositions d’actions concernant cette ligne sont des plus évidentes :

  • Deux segments ne sont toujours pas électrifiés (Provins et la Ferté Milon), ce sont les deux dernières lignes de la région à ne pas l’être. Situation d’autant plus intolérable qu’elle accentue une fracture territoriale qui se double d’une fracture sociale. Autre inconvénient majeur, et non des moindres, tant il le sera de plus en plus chaque année, cela empêche toute amélioration future de la desserte lors des heures de pointe de gares urbaines très fréquentées, comme celles de de Meaux et Trilport, avec un bassin de vie de plus de 100 000 habitants, dont la croissance démographique est en plein essor: plus d’1% l’an. Ne pas lancer rapidement les travaux d’électrification, c’est s’interdire d’agir concrètement et efficacement sur l’amélioration de l’offre dans les dix années à venir. Intolérable et inimaginable.
  • Réaliser les aménagements nécessaires (voies et quais) permettant aux gares de Trilport à la Ferté sous Jouarre (toutes électrifiées) d’être enfin desservis par les «Nouvelles Automotrices Transilien ». Il est inadmissible que cela n’ait pas été fait au préalable. Il est pour le moins paradoxal, voir scandaleux, que des rames de nouvelle génération attendent au repos, alors que dans le même temps la SNCF propose aux usagers lors des heures de pointe des trains courts au regard de la vétusté des rames y roulant !
  • Toute rénovation d’un réseau qui n’en avait pas connu depuis des décennies est source de multiples désagréments quotidiens. Les campagnes de communication en ce domaine ne présentent aucune perspective sur les raisons, logiques, étapes et phases d’amélioration successives.
    Il s’agit pourtant de rendre le réseau plus sur, fiable, performant, évolutif. Aussi il semble essentiel de présenter aux usagers l’importance stratégique de tels investissements, les améliorations qu’ils apportent à leur sécurité, à la fiabilité et aux performances de la ligne (fréquence, vitesse, incidents). Lorsque la communication n’est pas à la hauteur, comme c’est trop souvent le cas, que les chantiers de travaux se succèdent et s’éternisent, les usagers dont le quotidien est déjà très malmenés, ne ressentent plus que les contraintes. Il est dommageable que faute de communication suffisamment étayée présentant un échéancier de réalisation et des perspectives concrètes d’amélioration, des travaux de rénovation, pourtant indispensables, contribuent au sentiment général de dégradation des conditions de transport.

 

Le fait Multimodal

La véritable clé de voute de tout système complexe de mobilité, est sa porte d’entrée, constituée par les gares, qu’elle soient ferroviaires ou routières. Au delà d’un simple rôle de nœud de réseau ou d’interface, chaque gare constitue de fait un véritable écosystème local de mobilités et de multi modalités. Cela résume toute la complexité de la problématique, mais démontre également l’absolue nécessité d’apporter des réponses qui soient adaptées à un contexte et de privilégier, entre autres qualités, l’agilité, la souplesse, l’évolutivité.

Force est de constater, qu’aujourd’hui nous en sommes très éloignés :

  • Le dispositif actuel des « pôles gares » n’est pas satisfaisant : trop complexe, trop long à mettre à place, il se révèle devenir une véritable usine à gaz administrative, victime du moindre grain de sable.
    Si l’idée initiale est bonne : réunir tous les partenaires et acteurs du terrain qu’ils soient institutionnels ou opérateurs, afin d’établir un diagnostic, déterminer un plan d’action permettant de transformer une gare mono fonctionnelle en pôle multi modal, en bénéficiant de subventions accordées par le STIF. Malheureusement nombre de ces dossiers, pourtant vitaux pour le dynamisme d’un territoire, sont au point mort, des montants financiers considérables sont immobilisées de ce fait et rarement dépensés et les travaux nécessaires à l’amélioration des conditions de transport des usagers non effectués. Ce « modèle » administratif s’apparente à une véritable caricature et refroidit les élus et les acteurs les plus dynamiques, car dés qu’un « partenaire » ne veut pas jouer le jeu, c’est tout le processus qui est bloqué pour des années, si ce n’est des décennies. En terme de blocage, certains se révèlent être d’éminents spécialistes (anciennement RFF), alors que paradoxalement du fait de leurs missions, ils auraient du en être les principaux animateurs. Il faut un pilote, un arbitre, un échéancier, une gouvernance resserrée et plus que tout des décisions qui soient suivies d’actions concrètes et rapides. A mon sens, c’est tout ce dispositif qui est à mettre à plat, il est représentatif d’une vision kafkaïenne de l’inaction en matière de politique publique. Il est inadmissible que les opérateurs clés du système, détenteurs le plus souvent de fonciers stratégiques, constituent des freins plutôt que des accélérateurs en terme d’amélioration des mobilités quotidiennes des franciliens.
  • La voiture individuelle en grande couronne constitue souvent un passage obligé pour les usagers et est incontestablement une réalité des plus concrète. Elle occasionne pour les communes abritant une gare, un lot considérable de contraintes, que certaines au regard de leur taille ne peuvent assumer seules. Il est nécessaire, tout en privilégiant la desserte en transport en commun, de considérer le stationnement des voitures comme une composante à part entière de la chaine des mobilités et de privilégier en ce domaine, non une logique de site, mais une logique de ligne.
    Les élus locaux se retrouvent trop souvent abandonnés face à des problématiques à priori insolubles (stationnement, sécurisation), alors que les voitures sont liées à la gare, comme la marée à la plage. Il faut redéfinir le champ des responsabilités et financements. Il apparait opportun d’intégrer le prix du stationnement au titre de transport, de professionnaliser la gestion des parkings en privilégiant une logique de ligne (développement capacitaire, sécurisation, services ajoutées : nettoyage …), de déployer des bornes de recharge pour voiture électrique, des aires de covoiturage, des points de transport à la demande … Il faut que les opérateurs de mobilité dont c’est le job soient en capacité d’intervenir sur les périmètres à proximité des gares. Les collectivités ont besoin d’appui logistique et financier, la gestion de tels missions n’est aucunement leur vocation et fonction, surtout lorsque ces communes ne sont pas dimensionnées pour le faire et que l’essentiel des voitures qu’elles accueillent provient d’autres collectivités.
  • Le co voiturage est une piste à encourager : emplacements réservés sur les parkings, tarification préférentielle (parking offert si 3 places occupées dans la voiture …) et synergie avec des opérateurs tel BlaBlaCar
  • Le Transport à la Demande est à relancer autour de concepts innovants. Nous pouvons en 2016 apporter une réponse institutionnelle régulée à l’Uberrisation et construire un modèle économique agile et vertueux, à partir notamment d’une plate forme informatique de réservation. Le potentiel de croissance est réel et se révèle bien moins onéreux que la mise en place de lignes régulières dans des secteurs démographiques peu peuplés, sur certains créneaux horaires très décalées ou encore le week end.
  • Le secret d’une multi modalité épanouie est d’être simple, lisible par tous. Une des grandes forces du STIF est sa capacité à fédérer tous les acteurs intervenant dans la longue chaine des mobilités. La création d’un titre de transport dématérialisée, sous forme de carte à mémoire (ou paiement NFC) pour tous les services liés aux mobilités sur le territoire régional, des supports rechargeable à partir de bornes automatiques présentes dans toutes les gares (train, métro, bus) ou parkings permettra de simplifier la vie des usagers. ce système permettrait également la mise en place d’une tarification de type «Navigo Plus» intégrant des compléments (« add on ») tel qu’un abonnement parking à tarif préférentiel, locations de vélos, voitures en auto partage …
  • Accompagner le développement de nouvelles tendances sociétales, telles :
    le télétravail. La Région a contribué à soutenir la création d’un réseau de tiers lieux (télé centre, espace de co-working …) qu’il est important de pérenniser en développant leur utilisation par les entreprises, institutions et salariés : conventions et partenariats, tarifications préférentielles, labellisation, système d’abonnement, contrôle des présences effectives, centrale de réservation, paiement par la billettique transports (de type Navigo Plus). C’est autant de déplacements quotidiens en moins !
    – Les horaires décalées pour dénaturer le traffic lors des heures de pointe et diminuer la montée en charge grâce à des incitations financières, ce qui limitera la fréquentation des réseaux de transport lors de créneaux clés, du matin comme du soir, se traduira par une amélioration directe des conditions de transport. C’est une véritable révolution, certainement lente à initier qui demandera des années, mais elle est porteuse d’économies très substantielles pour la collectivité, tant en fonctionnement qu’en investissement et permettra aux usagers d’avoir des conditions de transport meilleures.

 

Les propositions ne manquent pas, tant notre marge de progression est grande. Une certitude, le fait péri urbain nous amène à revoir les schémas traditionnels de mobilités. De nouveaux concepts émergent : contextualisation, synergies, éco système, agilité … Des mots clés, des mots-concepts représentatifs de la société d’aujourd’hui basée sur l’accélération du temps, l’importance de l’information, du relationnel et de la liberté de se déplacer
Il nous faut lier le « Penser global » comme l’écrit Edgar Morin, à la « pensée complexe »,  dans le sens premier de ce mot, « complexus » signifiant « relié », « tissé ensemble »…

Tisser des liens, une image qui définit assez bien l’essence de la mobilité et de la multimodalité.

Les mobilités péri urbaines nous imposent d’apporter des réponses adaptés à chaque contexte, que ce soit celui du transport urbain de masse avec ses logiques, contraintes et repères traditionnels, pesanteurs également, mais aussi celui du « sur mesure » de la grande couronne, qui nécessite une approche plus circonstanciée et innovante, fait appel à de nouveaux modèles économiques, car déplacer quelques personnes sur des kilomètres à des heures tardives, au meilleur rapport qualité / prix demande un peu d’imagination et de créativité …

 

Ligne P : fracture consommée ?

 

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Dans un billet daté de février dernier, j’évoquais la rencontre organisé par Guillaume Pepy, Président de la SNCF avec les Maires des villes de la ligne P (dont Trilport), entretien qui m’avait laissé entrevoir quelques perspectives d’amélioration dont je m’étais fait l’écho, imprudemment cependant, tant la réalité aujourd’hui est malheureusement toute autre.

Nous assistons depuis cet été à une dégradation inacceptable des conditions de transport, pourtant loin d’être idéales jusque là : retards, suppressions de trains, propreté, travaux …  Mais plus que tout, c’est la multiplication du recours aux trains courts lors des heures de pointe, avec tout son cortège de conséquences sur les conditions de voyage (dont beaucoup inadmissibles), qui exaspèrent au plus haut point les usagers dont certains passent prés de 2 heures par jour dans ces trains; et cela sans comptabiliser le métro ou le RER !
Il faut concrètement partager de tels moments pour comprendre tout le ressenti et la colère légitime de voyageurs qui se sentent considérés comme du véritable « bétail » (sic). Aucun sas de décompression, les transports ferrés sont déjà en mode « Metro heure de pointe » dés leur gare de départ !

J’ai adressé à Guillaume Pepy il y a quelques semaines un courrier pour protester comme élu et usager, de cette situation inacceptable qui n’a que trop duré. Petite note positive cependant depuis septembre, le Pass Navigo à prix unique qui atténue une inégalité territoriale devenue de plus en plus pesante et discriminante au fil du temps.

Il est dommageable que tous les efforts consentis depuis 2008 par la Région et le STIF soient ainsi remis en cause par ces dysfonctionnements. Les mesures mises en place, telles le cadencement, l’arrivée de nouvelles rames, la rénovation des voies et des quais mais aussi la tarification, induisent de nouveaux usages de mobilités chez nos concitoyens notamment le week end ou en soirée mais elles font apparaître paradoxalement aujourd’hui en creux, toutes les faiblesses et lacunes d’un réseau sous dimensionné et obsolète qui n’arrive pas à suivre cette montée en puissance. L’obsolescence étant, ne l’oublions pas, la cause principale de la multiplication des incidents rencontrés ligne P.
Cette ligne ferroviaire est représentative des contrastes de l’Île-de-France à l’heure du Grand Paris, elle devrait à ce titre inspirer les candidats aux régionales en les incitant à élargir leur focale jusqu’aux franges les plus lointaines de la région, afin de positionner la problématique des transports de la grande couronne comme une priorité absolue.
Je n’ose suggérer à Monsieur Pepy de prendre quelques minutes pour gouter aux délices d’un aller simple Trilport / Paris aux heures de pointe dans de telles conditions. Si l’on veut prendre les choses du bon coté, il est vrai que lorsque les usagers après un tel périple arrivent enfin à leur travail  ils se sentent libérés ! Mais est il normal de promouvoir l’émancipation par le travail avec un tel procédé ?

Rappelons que longue de 252 km, fréquentée chaque jour par 85 000 usagers, nombre en constante progression, la ligne P dessert 36 gares sur 3 départements et s’étire à plus de 90 km de Paris, allant jusqu’à Château-Thierry ou La Ferte-Milon. Imaginons les analyses que pourraient en tirer Emmanuel Vigneron, sociologue rendu célèbre par ses travaux sur les variations de l’espérance de vie au fil du RER B, ou encore Christophe Giulluy, le spécialiste des fractures entre France des métropoles et France périphérique tant elle illustre la discrimination territoriale du pays et bien des problèmes que rencontrent le péri urbain.
Rajoutons encore une couche, la ligne P est la dernière en Ile de France à avoir des voies encore non électrifiées (Provins / Trilport à La Ferté Milon) ! Anachronisme qui impose des contraintes de gestion de parc, complexes et couteuses, des rames ayant une faible capacité et le recours à des navettes bus de substitution lorsque ces dernières tombent en panne ou en raison du rythme des saisons : été (chaleur, canicule), automne (les feuilles qui tombent à la pelle), hiver (froid, gel et neige), ce doit être également une des raisons pour laquelle les usagers apprécient tellement  le printemps,

Question simple mais importante pour le quotidien de milliers d’usagers de la Grande Couronne :  comment améliorer leur quotidien durablement dans une situation qui aujourd’hui est pour le moins compromise ?

Voici quelques pistes de réflexion dans le cas ou nos décideurs seraient en manque d’inspiration …

 

 

 

 

 

Sanctionner plus durement le recours au trains courts, d’autant qu’il constitue désormais un paramètre de gestion face aux problèmes d’obsolescence du parc machines

  • Dans la palette des indicateurs qualitatifs, susceptibles d’entrainer pour les opérateurs des pénalités financières tels : régularité, ponctualité, humanisation et présence en gare, le recours aux trains courts doit être pénalisé beaucoup plus significativement. Non seulement il contribue à la dégradation du service de transport, constitue une véritable atteinte à la dignité des usagers mais entraine potentiellement des problèmes de sécurité tant les quais et les rames sont bondés
  • Concernant les statistiques qualitatives, il faut relativiser l’importance donné aux indicateurs de niveau de qualité de service positifs, dés que ceux ci résultent d’une globalisation des données par ligne, réductrice de fait. Cette lecture nuit effectivement à une analyse circonstanciée concernant la qualité effective du service accompli sur l’ensemble de la ligne; les dysfonctionnement apparaissant souvent sur les mêmes segments, localisés  généralement en fin de ligne; en ce domaine ce sont les points faibles du dispositif qui importe surtout lorsqu’ils sont lourds de conséquences pour les usagers impliqués malgré eux ! Lorsque les usagers de Lizy s/ Ourcq, Trilport ou de la Ferté sous Jouarre s’entendent dire que les indicateurs de la ligne P sont « plutôt » bons, ils peuvent légitimement penser que l’on se moque d’eux
  • Créer un observatoire des lignes, ouvert aux usagers, accessible par internet qui intègre le reporting des incidents, les montées et descentes par gare, les pénalités infligées, les actions correctives mises en place, la progression ou non des opérateurs en terme de qualité de service sur l’ensemble des lignes. Il faudrait créer un véritable open datas sur cette thématique des mobilités afin de mieux cerner les points faibles du système global.

 

Demeurer extrêmement vigilant sur les limites du « Très Grand Paris Express »

  • L’effort de rénovation à mener en Grande Couronne est colossal, tant au niveau des voies, rames, quais, gares ! De plus en plus d’habitants y vivent, qui représentent autant d’usagers supplémentaires en puissance pour un réseau saturé qui menace de thrombose tout le système de transport régional.
    Usagers et élus ont peur de voir l’essentiel des moyens financiers, surtout en période de diète budgétaire, se concentrer sur le seul réseau du Grand Paris; personne n’ayant oublié comment le réseau de Grande Couronne a été sacrifié lors des décennies précédentes à l’autel du tout TGV, ou du tout Météor.
    D’autant que le « super réseau statosphérique » prévu pour la nouvelle métropole possède son lot de zones d’ombre : sous estimation des infrastructures souterraines, impact financier de la mise en place des reports multimodaux non pris en compte …L’addition risque fort d’être non seulement salée, mais sans commune mesure avec celle initialement envisagée.

 

Prendre en compte les spécificités périurbaines

  • Electrifier les lignes SNCF qui ne le sont pas encore est un minimum. C’est bien évidemment une question d’équité territoriale mais aussi la condition sine quantum qui permettra sur la ligne P de simplifier et fluidifier la gestion d’un parc aujourd’hui hétéroclite, mais également d’ assurer une montée en puissance et en charge lors des heures de pointe pour des centres urbains et gares de plus en plus fréquentées (bassin de vie supérieur à 100 000 habitants) qui aujourd’hui n’ont pas d’autres solutions potentielles en offres avec une population qui ne cesse de progresser !
  • Faire de la multimodalité un enjeu stratégique. Chaque nœud de réseau constitué par une gare, est au centre d’un éco système local de mobilités, qui pour s’épanouir ne doit pas rester au seul stade du concept. Il y a urgence pour ce qui concerne la grande couronne, dont un des maillons faibles est bien la clé d’entrée du réseau de mobilités comme de la chaine des acteurs qui compose ce dernier.
    Le système actuel, celui des « pôles gares» n’est pas satisfaisant : trop administratif, complexe, long à mettre en place puis à mettre en oeuvre, une véritable usine à gaz … Dés qu’un partenaire ne veut pas jouer le jeu (notamment l’opérateur de mobilités qu’était RFF,  champion toutes catégories à ce jeu), c’est tout le processus qui est bloqué. Il faut non seulement un pilote, mais également un facilitateur et un arbitre, permettant d’assurer le respect d’échéanciers raccourcis et d’assurer une gouvernance resserré permettant des décisions rapides suivies d’actions concrètes.
    A mon sens beaucoup de choses sont à revoir sur les dispositifs et procédures en place afin de les rendre plus fluides, agiles, « cognitifs » (notion d’éco systèmes locaux) et surtout réactifs …
  • Assumer le « fait routier » en privilégiant une approche par logique de ligne : le stationnement (vélo, voiture) comme le recours aux bus sont des éléments indissociables de la chaine des mobilités. Si l’usage de la voiture individuelle n’est pas pour l’heure le plus écologique, en grande couronne il reflète une réalité concrète. Elle occasionne pour les « communes à gare SNCF » tout un lot de contraintes et une gestion qu’elles ne sont pas en capacité, surtout lorsqu’elles sont petites, de supporter seules.
    Il est nécessaire de créer pour l’usager un « pack mobilités », intégrant le prix du stationnement au titre de transport (création d’un Navigo Plus), de services complémentaires « add on » et de privilégier pour la gestion des parkings eune logique de ligne (services ajoutées, synergie, investissement permettant de développer la capacité d’offre de stationnement : aménagements, travaux …), afin que les opérateurs spécialisés soient véritablement en appui des collectivités, dont la gestion de ces espaces n’est ni la mission ni la vocation.
    Dans le même esprit, il faudrait développer les pratiques de co-voiturage grâce à une politique d’incitation agressive : emplacements réservés sur les parkings, tarification préférentielle (parking offert si 3 places occupées dans la voiture …).
  • Elaborer un nouveau modèle de Transport à la Demande (TAD), pouvant apporter des réponses originales tant dans les secteurs ruraux, que dans certains quartiers urbains (en complément de l’offre en place) basé sur des concepts innovants reposant en grande partie sur le dividende numérique. Il est possible d’apporter une réponse institutionnelle alternative et socialement régulée à l’Uberrisation tout en utilisant le numérique. Ce secteur représente une piste de croissance potentielle vertueuse, pouvant offrir un complément d’offres particulièrement compétitive et souple afin de renouveler la vision traditionnelle et monolithique du TAD, non seulement sur les périmètres de desserte, mais également sur les amplitudes. L’asymétrie entre offre et demande pouvant être comblées par la souplesse et la complémentarité.

 

Limiter la montée en charge lors des heures de pointe

Diminuer la fréquentation des réseaux de transport lors des heures de pointe, du matin ou du soir, est synonyme d’amélioration directe, concrète et durable des conditions de transport. Baisser la fréquentation ne serait ce que de 3% représenterait pour la collectivité des sources d’économies substancielles, que ce soit en fonctionnement comme en investissement et une amélioration sensible de la qualité de vie et des transports pour des millions d’usagers. Plusieurs axes d’action et leviers peuvent accompagner une telle évolution (révolution) des comportements :

  • Développer le télétravail : il est essentiel et important de soutenir les tiers lieux ou télécentres qui se développent afin que les utilisateurs potentiels (entreprises, administrations, institutions, salariés) pérennisent leur existence via des conventions ou des partenariats, des labellisations, des systèmes d’abonnement préférentiels, la mise en place de contrôle des présences effectives, la création de centrales de réservation.
  • Contribuer au lissage des amplitudes d’ouverture des services, opérateurs, entreprises, universités …

 

Chacun peut le constater, il n’existe pas de fatalité en ce domaine ou de réponse unique, mais bien un faisceau d’actions complémentaires à court, moyen et long terme, à mener par les différents acteurs qui composent et animent la chaine des mobilités.
C’est un enjeu social, économique mais également culturel, car la mobilité est non seulement le droit d’accéder au travail, aux études, mais aussi aux loisirs.
Une des richesses de l’Ile de France, partagées d’ailleurs par beaucoup d’intercommunalités seine-et-marnaises est la diversité de nos paysages, la mobilité doit impérativement tenir compte de la géographie des territoires. Chez nous, ils vont  de la métropole, à l’urbain, puis au rural en passant par le péri urbain …
Plusieurs défis sont à relever de ce fait, dans un contexte budgétaire plus que contraint, ce qui est d’autant plus pénalisant devant la dynamique territoriale en cours depuis plus de 20 ans, notamment dans le 77…  Dans un tel contexte, ne pas progresser est synonyme de régression.
Paradoxe de taille, plus la chaine  des mobilités est complexe à mettre en œuvre, car il s’agit bien d’éco systèmes locaux en interaction cognitive (le copier / coller s’apparente en ce domaine à la faute professionnelle), plus d’acteurs interviennent et de mode de mobilités se combinent (rupture de charges), plus tout doit apparaitre le plus simple aux yeux des usagers, c’est entre autre la mission du STIF.

Je considère pour ma part que l’échelle pertinente pour l’Ile de France dans le domaine des mobilités, mais pas exclusivement, ne peut être que métropolitaine. Jean Paul Huchon avait raison, l’avenir proche lui rendra justice, le « périmètre pertinent » de la métropole du Grand Paris, est, du fait de la nature des liens entre Grande Couronne et métropole notamment, la Région elle même …

 

 

 

SNCF : La « P », ligne de fracture

gare de Trilport.jpgJe me suis rendu à l’invitation de  Guillaume Pepy, Président de la SNCF,  à un repas qui se tenait au siège social de l’entreprise à Saint Denis, avec les élus Seine et marnais des villes abritant des gares de la ligne P conviés dans ce cadre, à un dialogue informel et direct. Il était pour l’occasion entouré de son état major et de Mme Bardy Directrice d’exploitation du STIF.

La ligne P est représentative des contrastes portaient par l’Ile de France. Partant de Paris Est, elle dessert 36 gares localisées dans 3 départements, transporte 85 000 voyageurs / jour sur 252 km de ligne et s’étire à plus de 90 km de Paris, allant jusqu’à Provins, Chateau Thierry ou La Ferté Milon; autant dire qu’elle traverse de bout en bout notre Région pour se rendre jusqu’à ses franges les plus lointaines, aux confluences des régions voisines.

Je ne peux imaginer ce qu’en tirerait le chercheur  Emmanuel Vigneron célèbre pour ses travaux sur les variations de l’espérance de vie le long du RER B (« la ville, la vie, la mort dans Paris et ses banlieues au long du RER B »), une enquête sur cette ligne apporterait certainement des résultats également surprenants, sur les espaces de solidarité, les bassins de vie, les réalités quotidienne du transport en mode urbain, péri urbain ou rural.

Réalité qui n’a manifestement ni les mêmes contours, ni la même saveur, entre ceux disposant d’un train tous les quart d’heure pour un voyage de 15 minutes pour se rendre au coeur de Paris et les autres. Pour faire simple, sans être caricatural pour autant, plus le voyage est long, plus les conditions de transport sont galères et plus le ticket coute. Grand merci à la région d’avoir enfin décidé un Pass Naviro à prix unique sur l’Ile de France dés septembre prochain. Au moins cette inégalité disparaitra !

Les difficultés évoquées lors de ce repas sont à l’unisson de ces différences géographiques, plus que des nuances d’appréciation.

Pour vous en convaincre, poursuivez la lecture de cette note, plongée dans l’Ile de France profonde …

 

 

 

 

francilien.jpg

 

France des métropoles et France périphérique 

Les « indicateurs de performance » de l’entreprise, face à de tels contrastes sont tous sauf signifiants. Ils pourraient même apparaitre pour certains usagers (Ferté Milon notamment) pour de la provocation; ne révèlant pas la même réalité, ils ne peuvent servir de thermomètre ou de balise pour guider les actions prioritaires ou les correctifs à mener. Illustration : 78% des clients sont à priori satisfaits, ce qui est bien au dessus de la moyenne transilienne, à pondérer lorsque l’on sait que  6 gares sur 36 (Chelles à Trilport) concentrent 50% des voyageurs; résultat qui provoquerait pour le moins des réactions agacées d’usagers utilisant tous les jours ce mode de transport.

Entre les élus bien lotis dont les demandes portent sur les services additionnels à implantés dans des gares déjà bien desservies et totalement accessibles et ceux qui confrontés aux réalités concrètes de la France « périphérique » espèrent simplement disposer de trains réguliers, ponctuels, si possible confortables, propres, chauffés et complets pour affronter les 50 minutes quotidiennes qui les séparent de Paris (sans oublier le retour SVP),  il y a plus qu’un monde de différence !

Soulignons que la ligne P est la dernière en Ile de France à disposer de lignes non électrifiées (Gretz / Troyes et Trilport / La Ferté Milon). Situation qui impose à la SNCF des contraintes quotidiennes de gestion de parc complexes et couteuses, le recours plus que raison à des navettes bus pour remplacer les rames en panne (aprés une journée de boulot, c’est super) et trop souvent à une gymnastique s’apparentant quelquefois à du « bricolage » pour constituer une rame complète, trouver une motrice en ordre de marche, en désabillant une ligne déjà mal en point au bénéfice de l’autre, selon la pression des usagers ou des élus.

Cette situation anachronique ne correspond ni aux objectifs de développement , notamment démographique, exigés par l’Etat au titre de la loi SRU et la Région, dans son Schéma Directeur ni à la vision d’espace de solidarité qu’ont les élus régionaux de l’Ile de France. D’autant que deux paramètres sont en constante augmentation chaque année le nombre d’usagers et le nombre d’habitants.

 

A l’est rien de nouveau ou si peu 

Force est de constater que la plupart des annonces concrètes faites lors de ce repas ont surtout concerné l’Ouest, ce qui ne surprendra pas les Seine et Marnais avec l’arrivée du Grand Paris et le prolongement d’Eole à la Défense, en plaçant Chelles à 34 minutes et Tournan à 53 minutes.

Il est d’ailleurs pour le moins paradoxal de voir son nouveau Maire, Brice Rabaste, rappeler l’importance pour la Seine et Marne d’avoir obtenu deux gares du Grand Paris, dont celle de Chelles (grand merci à Jean Paul Planchou) alors qu’il a décidé de tourner le dos à ce département pour rejoindre Paris Métropole … Mais c’est une autre histoire …

Le responsable des infrastructures présent a abordé le scénario, à priori à l’étude, d’introduire un matériel alternatif aux rames inox, dans une hypothèse de « non électrification ».  Cette évocation m’a amené à intervenir et à préciser que ni les élus locaux, ni les usagers n’accepteraient un tel scenario, nous ne demandons pas l’aumone, mais simplement d’être traité comme tout francilien. Notre horizon futur ne peut se limiter au seul grand Paris …

Ce qui est un fait établi est que l’unité de mesure des annonces concernant le Grand Paris ou Eole est le milliard d’euros alors que celle des électrifications des deux dernières lignes francilienne est la dizaine de millions.

 

La disparition de Réseau Ferré de France (ou RFF)

Autre évocation beaucoup mieux ressentie,  celle de la réunification de la gestion des infrastructures en une seule entité, aucun élu ne regrettera la disparition de Réseau Ferré de France. Cette entreprise, pour faire simple était un facteur de blocage sur la plupart des dossiers d’aménagement dans lesquels elle intervenait (pôles gares notamment); sa volonté de « valoriser » son foncier, quasi obsessionnelle, s’illustrait par des positionnements pour le moins dicutables.

Sa responsabilité sur le retard du dossier du pôle gare de Trilport est largement engagée. Elle se faisait représenter lors de réunions portant, excusez du peu, sur l’amélioration des accés à la gare afin de la transformer en Pôle multi modal,  par Nexity, avec quelquefois des demandes carrément caricaturales.

C’est désormais du passé et comme le dit une chanson, faisons en table rase

 

Merci à la SNCF d’avoir organisé ce moment de dialogue direct, ou j’ai pu, entre poire et fromage, faire valoir notre détermination à obtenir l’électrification jusqu’à La Ferté Milon, remonter les problèmes de stationnement rencontrés dans nos villes et villages, des pistes sont à l’étude, comme celle d’intervenir sur les quais des différentes gares jusqu’à la Ferté sous Jouarre afin de permettre à leurs habitants de connaitre les délices du Francilien.

Des engagements ont été pris et des messages ont été émis, mais comme Saint Thomas …

 

 

 

La ligne « P » en bref

36 gares sur 3 départements, 42 communes desservies

85 000 voyageurs / jour

252 km de ligne, elle va jusqu’à 94 km de Paris

2 branches non électrifiées

6 gares sur 36 (Chelles à Trilport) concentrent 50% des voyageurs

Statistiques moyennes

78% des clients satisfaits en 2014, 10 pts au dessus de la moyenne Transilien. Ce n’est pas forcemment le sentiment qu’en ont les voyageurs de la Grande couronne !

 Travaux

2014 : 2eme phase de modernisation Trilport / La Ferté Milon, Trilport / Chateau Thierry : remplacement de 5 OOO metres de rails.

2015 : dernière phase de modernisation (renouvellement voies, ballast et traverses) de Trilport / La Ferté Milon