Eco quartier : du métabolisme urbain

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Retour sur la Conference nationale
à Grenoble(1)

La dernière  Conférence Nationale du Club des éco quartiers  (cf note précédente) était consacrée à la thématique « Eco-renouvellement, Eco-rénovation » se déroulait à Grenoble. Au programme de la journée, outre la visite de l’éco quartier de Bonne, référence du développement durable à la française, des ateliers, durant lesquelles deux interventions m’ont particulièrement marqué, celle d’Alain Maugard,  l’ancien président du CSTB (1993 à 2008), je l’avais croisé à l’époque, et qui depuis 2009 conduit la destinée de QUALIBAT, et d’Olivier Sidler, expert en énergétique du bâtiment, dirigeant du cabinet Enertech, certainement  un des meilleurs spécialistes français des bâtiments à basse consommation énergétique actuellement.

Avant d’aborder dans une prochaine note la visite de l’éco quartier lui même, j’ai jugé important de revenir plus en détail, sur les interventions marquantes de la journée, ou plutôt les interpellations, de deux grands témoins invités à s’exprimer devant nous pour l’occasion, Alain Maugard et Olivier Sidler.

D’un coté un visionnaire, de l’autre un grand technicien menant deux approches très complémentaires, reposant sur deux histoires personnelles très différentes mais nous proposant e la même ligne de fuite.

 Avant-gardiste de renom, Alain MAUGARD, nous a livré sa vision, non seulement technique mais également urbaine, de la ville de demain confrontée aux impératifs environnementaux aujourd’hui, dont nous devons absolument tenir compte.

Il a centré son intervention sur le métabolisme humain et a appelé à revenir à la ville médiévale … Paradoxal ou non ?

Jugez plutôt …

 

 

 

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Rappelons tout d’abord le parcours professionnel d’Alain Maugard qui est des plus éloquents …

Cet ancien élève de l’École polytechnique et ingénieur des ponts et chaussées, mène tout d’abord une carrière de haut fonctionnaire, avant de rejoindre en 1981, Roger Quilliot, ministre de l´Urbanisme et du Logement, comme directeur adjoint de son cabinet, poursuivant sa carrière, il devient président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en 1993, puis devant partir à la retraite président de Qualibat.

 

 

Agir sur le vieux bâti

Il est revenu sur l’avancée technologique considérable des dernières années qui conduit vers des bâtiments « autonomes », à énergie positive, ce qui représente une véritable révolution. La performance n’est pas mince, le « zéro effet de serre en exploitation » sur du neuf est en effet aujourd’hui atteignable (au niveau expérimental), à titre de comparaison le secteur automobile en est encore fort éloigné.

Les bâtiments à énergie positive contribueront à réduire considérablement notre empreinte sur l’environnement, le bâti des lors ne semble plus un problème de plus à résoudre, mais devient une des solutions à la problématique  de l’effet de serre.
Encore faut il pour être réellement efficace, agir sur le stock du bâti existant, et diminuer sa forte consommation. Elle est en moyenne de 240kWh/an alors qu’en 2012, celle  d’un logement neuf sera de 50 kWh/an. La principale difficulté globalement provient du faible taux de renouvellement du stock (1 % par an) … dans 50 ans, la moitié seulement serait remplacée. Un rythme qui n’est pas tolérable au regard de la situation environnementale, et qui demeure un scénario inverse à celui des pays en développement qui construisent principalement du neuf.

L’illustration de cette  situation dramatique est celle, essentielle à plus d’un titre, de l’empreinte écologique … Pour faire sens, en partant des données économiques d’aujourd’hui : si les pays de la planète se mettent à l’heure européenne, il nous faudrait  donc 3 planètes, à l’heure américaine 6 planètes … Nous ne sommes pas loin du mur et pour en sortir, nous ne devons plus nous contenter d’agir à la marge mais bien de conduire une vraie révolution de nos modes de vie et de pensée.

Nuance importante, un bâtiment durable ne peut être déconnecté de son environnement, il faut raisonner à l’échelle du quartier, de la ville, du territoire  et des modes de vie de ses habitants. Ce dernier point lui semble être la vraie porte de sortie, qu’il oppose au totalitarisme écologique. Encore faut il se mettre très rapidement en mouvement et progresser sur le stock du bâti.

L’enjeu aujourd’hui est d’inverser le rapport entre l’offre et la demande faut placer les réponses autour de la Demande et plus au niveau de l’offre. Cette demande est la conséquence directe de notre civilisation urbaine qui doit aujourd’hui répondre à deux défis : celui de l’efficacité énergétique et la question environnementale, qui deviennent de plus en plus incompatibles avec les ressources de la planète mais également son futur. Si la France a heureusement dans ce domaine beaucoup progressé, elle a toujours deux points faibles : celui des chantiers et de la santé environnementale (qualité de l’air, et de l’eau).

 

 

Le retour à la ville médiévale

Il propose d’abandonner une certaine « naïveté », menant à la quête inaccessible de la forme ou de la morphologie urbaine idéale, mais plus simplement de revenir à la ville historique, quasi médéviale, telle qu’elle étant avant l’arrivée de l’automobile. Un mode de déplacement  qui a totalement bouleversé nos modes de vie, la centralité des villes et considérablement renforcé l’individualisme et l’isolement. En réhabilitant la morphologie urbaine ancienne, on agit  sur le « métabolisme » humain.

Constat : les villes concentrent de plus en plus l’essentiel de la population humaine et centralisent la majeure partie des flux d’énergie et de ressources. Les sociétés urbanisées anciennes se développaient au contraire de manière infinie en exploitant   des stocks d’énergie fossile à priori inépuisables. Leur développement a été basé sur l’expansion de leur périmètre d’approvisionnement, ce qui a augmenté l’empreinte écologique humaine selon le niveau de développement du pays et a perturbé puis dérégulé les écosystèmes, d’abord localement puis plus globalement.

Le paradigme a désormais changé, au regard de la catastrophe climatique qui menace. L’heure est au questionnement essentiel sur le mode de fonctionnement. C’est l’usage qui fait sens : celui de la gestion de la ville et du territoire.

Pour pouvoir agir efficacement sur le métabolisme, il faut d’abord transformer durablement nos comportements, et nos envies …

 

 

Offrir du grain à moudre

La piste suggérée par Alain Maugard est celle de l’autonomie, déjà à l’échelle du quartier, afin de limiter les déplacements et de reconquérir des formes d’optimum et de mutualisation autour de certains concepts : intensité, densité, espaces ouverts ou semi fermé ou fermé (car il faut de l’espace), agriculture urbaine, commerce de proximité …

En recherchant ou inventant de nouvelles centralités et en s’appuyant sur les innovations technologiques  …

Il faut  redonner toute leur importance aux valeurs collectives et solidaires, et dans le même temps mener une approche systémique afin de répondre aux crises identitaires d’aujourd’hui de plus en plus omniprésentes et d’éviter toute ghettoïsation ou standardisation.

Plus que jamais la régulation doit être sociale …

Pour ce faire il est indispensable de redonner des marges de manœuvre qui permettent à chacun de s’épanouir en s’impliquant et obtenir des avancées …

Et pour cela il faut absolument du grain à moudre. Du grain à moudre pour bâtir de nouvelles perspectives et pouvoir se projeter positivement dans l’avenir.