Etes vous France périphérique ou métropole ?

La-crise-qui-vient.jpgAvant l’été le résultat aux législatives de Villeneuve sur Lot, avec une poussée remarquée du FN avait fait couler beaucoup d’encre.
Il convient d‘aborder cette élection sans fausse pudeur, langue de bois ou recherche de boucs émissaires inutile, sous peine de voir les mêmes causes reproduire les mêmes effets. Qu’on le veuille ou non, ce vote est signifiant et pourrait n’être d’ici quelques mois qu’un signe annonciateur d’une évolution encore plus brutale.

Si le cas Cahuzac a joué,  tant il interpelle, déstabilise et écœure nombre d’électeurs (on le serait à moins !), le contexte économique et social a également compté. La crise touche au plus profond nos villes et campagnes (chômage, baisse du pouvoir d’achat, sinistrose), paradoxalement l’offre politique ne propose pas, ou peu, de perspectives visibles et crédibles.

Du fait de cette absence  nos concitoyens ont le plus grand mal à se projeter dans un futur « positif  et heureux». Réformer le pays, pourquoi pas estiment ils ? Mais comment ? Pour aller où et devenir quoi ? Tant que les partis traditionnels n’apporteront pas de réponses claires à ces questions simples, ils ne seront, ni crédibles, ni audibles.

Dans des registres différents des ouvrages récents (Christophe Guilluy, Laurent Davezies, Herve Le Bras), explorent les fractures sociales du pays et décrivent deux mondes littéralement opposés : la « France des métropoles », qui dispose des capacités à s’adapter à la mutation en cours, et les autres territoires, qu’ils soient péri-urbains (nous y reviendrons), ruraux ou industriels, fragilisés par l’impact des délocalisations, du chômage, ébranlés par la déliquescence des services public, ceux que Christophe Giully réunit sous l’appellation « France périphérique ».

Si cette « France » n’est pas encore perdue, elle est pour l’heure déconnectée. Les médias en parlent pas, ou peu, excepté les lendemains d’élection, tant ce pays « invisible » est éloigné des sunlights des leaders d’opinion ou des lieux de pouvoir.
Conséquence, ces terres constituent autant de points d’accroche pour les idées dites « populistes » et c’est le Front National qui en tire principalement avantage. Car ce nouveau contexte a été totalement assimilé par Marine Le Pen, il est même à l’origine du recentrage idéologique et des nouvelles positions sur les services publics et l’action de l’Etat du mouvement d’extrême droite. Climat favorisé par l’atmosphère anxiogène que certains s’évertuent à accentuer, nourrissant un terreau de plus en plus perméable au chant des sirènes des populismes de tout bord et des « Y’ qu’à « , «  Faut qu’on ».

 

 

La transformation en profondeur du pays accentue ces fractures, tant elle renforce les territoires forts et affaiblit à contrario les autres, qui accueillent de plus en plus de populations en difficulté. La réforme des collectivités en cours risque de renforcer ces inégalités dans un contexte de disette budgétaire qui fragilisera encore plus les « maillons faibles ».

La France périphérique apparaît comme le négatif de la France des Métropoles ; composée principalement de collectivités sans grands moyens financiers qui risquent d’être totalement déstabilisées par les restrictions budgétaires annoncées pour 2014 et 2015 qui obligeront les moins fortunées, non à tailler dans le gras des dépenses inutiles, mais dans le muscle de l’action publique, ce qui impactera inévitablement les politiques locales initiées et les investissement des collectivités.

Ce dualisme est il factice, schématique, artificiel, illusoire, ou erroné ? Où situer le péri urbain dans ces deux France ?

Si les réductions de dotations annoncées s’effectuent à l’aveugle, ce sera alors la triple peine pour les habitants des villes les plus pauvres : baisse des ressources, détérioration de la qualité des services publics, augmentation de la pression fiscale !
Soulignons que paradoxalement, cette dernière est moins forte dans les villes riches qui accueillent des habitants pourtant plus favorisés !

Face à ce nouveau champ de contrainte, dans le cas ou aucune mesure d’accompagnement (péréquation, traitement différenciée) se serait mise en place, nous risquons d’assister à un phénomène de « bloodshift territorial ». Les territoires stratégiquement les plus importants aspirant des ressources devenues beaucoup plus rares, que cela soit au niveau intercommunal ou régional, et asphyxiant de fait les terres de « relégation ».

Le décalage entre diminution des recettes et accroissement des besoins des habitants et des territoires s’accentue. Au sentiment d’abandon s’ajoute désormais celui d’injustice. L’égalité républicaine constitue une variable d’ajustement qui dépend essentiellement du lieu de résidence de chaque citoyen.
Si l’on compare la nature des dépenses entre les collectivités les plus fortunées abritant les sièges sociaux des entreprises et habitants à forte valeur ajoutée (Neuilly, Issy les Moulineaux …) à celles où vivent les populations les plus défavorisés, le hiatus est de plus en plus prononcé. Celles qui ont le moins de revenus, ont le plus de charges, avec une incidence directe sur la pression fiscale. Réalité concrète que chaque habitant peut toucher du doigt, d’autant qu’avec la crise tout s’accentue, surtout le sentiment de déclassement, il fait des ravages.

Si la  « France périphérique » a tenu jusque là, c’est grâce aux politiques publiques mises en place, aux investissements locaux réalisés, à l’action de l’Etat ou é celle des espaces de solidarité que constituent les  départements ou régions. Ils ont joué un rôle d’amortisseurs territoriaux et sociaux qui ont permis de surmonter les crises précédentes. Mais le contexte aujourd’hui est radicalement différent. La chasse au déficit public et les mesures d’économies initiées à tous niveaux réduisent comme peau de chagrin les marges de manœuvre locales.
Pour la « France périphérique », il n’y a plus, ou très peu, de grain à moudre. C’est pourquoi la problématique du maintien de l’action publique locale est vitale pour les élus, il s’agit tout simplement de la survie ou non de leurs territoires.

Le fait péri urbain

Le fait péri urbain est aujourd’hui non seulement reconnu mais devient sujet de débat, enfin, serais je tenté de dire tant cette réalité concrète a été longtemps ignorée !
Que signifie péri urbain  ? « No man’s land » entre monde rural et secteur urbain, « entre deux », ou «faux nez» d’une réalité urbaine qui s’impose à tous désormais ? Si la réponse de l’INSEE est limpide («espace composé des communes sous influence urbaine, du fait des déplacements domicile-travail ») elle est par trop réductrice, tant on ne peut définir un territoire par sa seule dépendance à l’emploi.

A l’inverse les dimensions spatiale et sociale sont essentielles :

o   La dimension spatiale intègre la géographie des lieux et l’organisation urbaine : discontinuité du bâti, étalement urbain, espaces ouverts, pleins et déliés des reliefs,

o   La dimension sociale s’incarne au travers des caractéristiques sociales, historiques, culturelles et démographiques des habitants.

Pour les collectivités de la périphérie parisienne «sous influence urbaine », tout est dans la ou les nuances … Ce qui explique la difficulté à trouver un consensus autour d’une métropole cohérente qui ne soit pas l’espace régional.Ce mouvement de fond esquisse une nouvelle géographie urbaine qui n’est pas sans conséquence sur les besoins en infrastructures et politiques publiques à mettre en place.

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