Ligne P, travaux : la question de l’acceptabilité sociale est posée

De janvier à juin 2024, le quotidien des usagers de la ligne P en soirée : bus de substitution

Quoi de neuf sur la ligne P ? Rien de très enthousiasmant, les conditions de transport quotidiennes des usagers sont toujours aussi dégradées et tristes que la météo pluvieuse de novembre et décembre : retards, annulations, travaux, bus de substitution …

Pour ce qui concerne l’électrification, le travail de fond se poursuit, inlassablement, à bas bruit. Il nous faut encore et toujours argumenter pour faire évoluer les positions des uns et des autres dans le bon sens. Travail partagé désormais avec le département et la Région, tant la réussite de la mobilisation de Trilport du 14 octobre dernier a souligné la dimension emblématique et symbolique de l’électrification Trilport / La Ferté Milon.
Le rôle d’un élu, c’est aussi et surtout cela, contrairement à ce que beaucoup pensent. Rien ne tombe tout seul du ciel, aucun ruissellement. ici. Il faut simplement ne jamais rien lâcher, multiplier prises de contacts et rencontres, repérer les obstacles à lever un à un, rechercher les partenariats, alliances ou subventions éventuels, argumenter et convaincre, toujours et encore convaincre, en privilégiant une logique, « gagnant / gagnant », voilà le job …
Des dernières semaines riches en échanges de tout ordre et au plus haut niveau (jusqu’à la Première Ministre) … J’ai le sentiment qu’enfin les lignes bougent. Le projet d’électrification de la ligne Trilport / La Ferté Milon a avancé comme jamais en 2023, y compris si les planètes ne sont pas encore tout à fait alignées …

C’est ce que je crois lire en creux dans la réponse de Clément Beaune suite aux échanges que nous avons eu ces derniers mois (voir plus loin). J’avais rencontré le ministre des Transports lors de sa venue à Meaux en février dernier, puis quelques semaines après, dans le cadre d’une audience accordée à une délégation de l’Association des Petites Villes de France à laquelle je participais en qualité de Vice-Président. J’y avais évoqué les relations « difficiles » entre collectivités et SNCF Réseau et l’absence totale de concertation sur l’échéancier, la priorisation et l’intensité des travaux décidés par le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire français.
L’ampleur des contraintes liées à ces multiples travaux provoque l’exaspération croissante et légitime d’usagers confrontés à une dégradation continue de leurs conditions de transport, notamment en Ile de France. Contexte qui altère durement et en profondeur la vie sociale, professionnelle et familiale de chaque famille, surtout de celles vivant dans la grande couronne.

En matière de travaux en Ile-de-France (70 % de la circulation nationale de la SNCF) 2023 constitue une véritable « annus horribilis » : jamais autant de travaux en si peu de temps n’avaient été lancé.
Si le déraillement mortel de Brétigny-sur-Orge, il y a un peu plus de dix ans, a provoqué un électro choc salutaire, il a fallu cependant patienter plusieurs années avant la montée en puissance d’une rénovation du réseau que nous attendions depuis longtemps et dont personne ne conteste l’urgence après plus de 30 ans de sous-investissement sur les trains du quotidien au profit des lignes à grande vitesse.
A ces travaux de rénovation indispensables à la sécurité des voyageurs et l’efficience de nos mobilités, s’ajoutent toute une succession de chantiers impactant directement l’ensemble du réseau francilien : Grand Paris Express (4 nouvelles lignes, 68 gares, 200 km de voies, CDG express (8 km de voies nouvelles), prolongement du RER E à l’ouest (55 km de voies nouvelles et rénovées), infrastructures liées aux JO et JOP d’été de Paris 2024 …

Pour les usagers de la grande couronne, aujourd’hui c’est triple peine :
– Dégradation continue et croissante de conditions de transport pourtant déjà pas fameuses initialement, loin s’en faut ;
– Les améliorations porteront principalement sur la petite couronne. Aucune perspective d’amélioration ne concernant la desserte de la Grande couronne, pourtant la plus sinistrée. Deux exemples, la priorité donnée au CDG Express (35 000 passagers / jour) vis-à-vis du million d’usagers du RER B ou l’absence de réponse officielle du gouvernement sur l’électrification Trilport / la Ferté Milon …
– L’impact sur la vie sociale devient de plus en plus prégnant et intolérable avec la disparition des trains en soirée remplacée par des bus de substitution. La situation dégradée est désormais la norme ;

La question de l’acceptabilité sociale se pose et se doit d’être considérée désormais comme un enjeu majeur, sinon un préalable. Elle est de plus en plus présente face à l’absence de perspective d’amélioration proche, à la dégradation continue des conditions de transports du quotidien, et à l’impact sur la vie sociale notamment des jeunes générations ne pouvant plus se rendre sur Paris en soirée …
Je l’ai rappelé aux représentants de SNCF Réseau, d’Ile de France Mobilités et du Transilien lors de notre dernière réunion, soutenu par les associations d’usagers et les autres élus participants à cette réunion.

Ces contraintes influent directement sur le moral des habitants de nos territoires qui se sentent oubliés et relégués. N’oublions jamais les conséquences de tel ressentis dans les urnes.
Un sondage d’Odoxa publié le 12 novembre souligne cette dégradation. En Ile de France près d’un habitant sur deux (44 %) considère que l’accueil des Jeux Olympiques est une mauvaise chose (ils n’étaient que 22 % à exprimer cette opinion en septembre 2021), l’essentiel de l’inquiétude (81%) provenant principalement de la problématique «mobilités » ; or la feuille de route des travaux planifiés par SNCF Réseau jusqu’à l’été risque fort d’amplifier ce désamour croissant.
Il devient urgent d’aborder, frontalement si nécessaire, avec SNCF Réseau la séquence qui suivra les Jeux Olympiques et Paralympiques, qui se doivent être une belle fête populaire, afin d’alléger le poids et la pression des contraintes quotidiennes subies par les usagers.

Les arbitrages effectués ne peuvent plus se limiter aux seuls critères et priorités techniques mais tenir compte des conséquences sociales plus que déstabilisatrices qui y sont liées.
Les élus des territoires exigent d’être entendus sur ce point : la question de l’acceptabilité sociale doit être au cœur d’une véritable concertation entre SNCF Réseau, opérateurs et territoires.

Eléments de réponse du ministre des Transports, Clément Beaune aux demandes exprimées par le Maire de Trilport

Eléments de réponse du ministre des Transports, Clément Beaune

Éléments de réponse du ministre des Transports Clément Beaune au courrier du Maire de Trilport

Concernant l’électrification de la ligne : Trilport / La ferté Milon

« Une enveloppe importante sera également provisionnée pour le financement des études et lancements de travaux de projets moins matures à date mais très attendus des acteurs locaux, comme c’est le cas de l’électrification de l’axe Trilport – La Ferté-Milon sur le territoire de votre commune. Les négociations avec les collectivités menées par le Préfet de région devraient permettre d’évaluer l’opportunité d’inscrire cette électrification dans la nouvelle contractualisation.

Comme vous le rappelez, la réalisation des travaux de régénération de cette ligne constitue un préalable à son électrification alors que le plan de financement de cette opération n’est pas finalisé à date. Les négociations avec les collectivités menées par le préfet de région devraient permettre de reconsidérer ce plan de financement, le cas échéant dans le cadre plus large de celui des travaux de régénération des lignes de desserte fine du territoire francilien. »

A priori les négociations sont bien entamées, tant sur le volet électrification, que sur le volet regénération du réseau.

Concernant les difficiles relations entre les collectivités et usagers et SNCF Réseau

« Concernant les relations entre les élus locaux, les représentants d’usagers et le maître d’ouvrage SNCI Réseau, je souhaite souligner que l’organisation des transports publics de personnes en Île-de-France relève de la compétence de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités (IDFM). fÉtat, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, n’intervient pas dans les choix des autorités organisatrices, qui sont les seules compétentes pour décider du niveau d’offre sur les lignes qu’elles administrent ainsi qu’en lien avec la maîtrise d’ouvrage, des plages travaux retenues pour la modernisation des lignes de RER et Transilien.

C’est également à Île-de-France Mobilités qu’il revient d’organiser la concertation avec les élus locaux et les représentants d’usagers. Par ailleurs, dans le cadre du comité de coordination de l’axe ferroviaire Paris-Est présidé par le préfet de la région d’Île-de-France, une importante concertation est mise en place entre la préfecture de région, IDFM, Ies élus locaux, et les maîtres d’ouvrages, pour décider de la programmation des interruptions temporaires de circulations pour travaux, notamment pour les travaux sous maîtrise d’ouvrage de SNCF Réseau.

Cette concertation renforcée permet notamment d’aborder les enjeux de priorisation, d’intensité et d’échéancier des travaux sur une programmation de courts et moyens termes. »

Avec l’Association des Petites Villes de France nous avons proposé la création de structures de type « Comité d’axe » dans les territoires du pays, permettant par réseau ou bassin de mobilité d’initier ou de renforcer une concertation amont constructive et transparente entre SNCF Réseau, opérateurs, usagers, collectivités afin d’aborder toutes les dimensions liés à la nature, priorisation, échéanciers et conséquences des travaux ou aménagements apportés aux réseaux ferrés.