Municipales : ma part de vérité (1/2)

municipales.jpgJe me suis refusé à  analyser à chaud les résultats des dernières municipales, préférant prendre le temps de la réflexion, tant le choc a été rude, même si localement nous avons échappé au carnage …
Trop de casse et d’injustice pour beaucoup d’élus dévoués corps et âmes à leurs communes, aux quelles ils ont consacré vie personnelle et professionnelle, énergie et compétences durant des années, avec souvent des résultats remarquables, situation qui n’a pas empêché beaucoup d’entre eux de payer cash une addition qui n’était manifestement pas la leur.

C’est un sentiment fort de gâchis et d’injustice qui prédomine, même si comme l’a écrit Bernard Poignant, un des grands vaincus du scrutin, reprenant Léon Blum « l’ingratitude est un droit du suffrage universel. Un score ne s’apprécie pas avec des sentiments affectifs. Il se constate et se respecte, parce qu’il exprime un choix et une volonté de l’ensemble des citoyens. ».

Chacun sait que pour tout gouvernement les élections intermédiaires sont délicates et dépendent du climat économique et social, ou de facteurs irrationnels. Pourtant le résultat des municipales de mars 2014 interpelle tant il apparaît comme exceptionnel, au regard de l’ampleur de l’hémorragie subie par la gauche qui a perdu en deux semaines 151 villes de plus de 10 000 habitants. D’autres enseignements sont également à en retenir car lourds de sens pour les années à venir  :

o   L’importance de l’abstention, inédite pour des élections municipales (37%), incontestablement une partie de l’électorat de gauche a voulu sanctionner les candidats soutenant le gouvernement,

o   l’échec cuisant des candidats PS à Grenoble, Montpellier et La Rochelle battu par des candidatures dissidentes

o   La poussée évidente de l’extrême droite qui remporte dix villes et obtient plus de 1 200 conseillers municipaux contre 80 auparavant, franchissant ainsi une étape clé dans son implantation locale,

o   L’échec du front républicain, victime du « ni-ni » de Copé et des années Sarko / Buisson comme de la réticence d’électeurs de gauche à voter UMP au second tour. Autre enseignement du second tour, lors des triangulaires beaucoup d’électeurs ayant voté FN au 1er tour ont voté UMP afin de battre le candidat PS,

o   Les dissensions à gauche qui ont fait perdre beaucoup de villes, offrant même sur un plateau Mantes au FN, une attitude totalement irresponsable et inadmissible.

 

Pour la droite, ce succès est inespéré, au regard de son bilan (elle n’est pas pour rien dans l’état actuel du pays), de l’absence de projet alternatif manifeste, de la faiblesse également de certaines candidatures locales et des scandales à répétition qui ont frappé l’UMP ces dernières semaines.

Cette défaite marque également la fin de l’âge d’or du  « socialisme municipal ». L’aspect local de l’élection, la qualité de la gestion des maires sortants ont été balayé par des considérations politiques d’ordre national, ce qu’à titre personnel je regrette.
Les électeurs  ne doivent pas oublier qu’ils ont porté aux responsabilités des équipes qui devront gérer au quotidien durant les six prochaines années leurs communes, mettre en oeuvre et animer les politiques publiques de proximité nécessaires à leur plein épanouissement, dans un contexte que chacun s’accorde à reconnaitre plus que périlleux. Beaucoup regretterons sans doute leur bulletin et les élus méritants qu’ils ont sanctionné.

L’onde de choc initiée risque fort de faire passer à droite le Sénat dans quelques mois ainsi que de nombreux départements et régions l’an prochain, à moins que le nouveau gouvernement ne réussisse à sortir de cette spirale de l’échec et d’inverser une tendance déjà très compromise.
La réaction de François Hollande a été pour une fois rapide et à la hauteur de la gravité du moment, il y a urgence, incontestablement. Il y aura bien, un avant et un après municipales dans ce quinquennat. 

Mais comment expliquer une telle catastrophe électorale ? Et surtout quoi faire pour rebondir après un tel cataclysme ?
Je vous propose quelques pistes de réflexion personnelles, ma part de vérité en quelque sorte, en deux temps : l’un relatif aux causes, puis dans un prochain billet, explorer quelques propositions d’actions permettant selon moi de rebondir, car c’est surtout cela qui importe. Nous devons préparer dés aujourd’hui les conditions d’inverser la tendance pour les prochaines élections locales, pas pour gagner un match mais pour proposer de nouvelles perspectives correspondant aux valeurs que nous portons.

 

 

 

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Une confidence, je pressentais que les résultats à ces municipales seraient difficiles, voir pas très bons. Pour tout dire la sérénité de certains de mes collègues avant le scrutin devant des sondages cléments comme les retours positifs et enthousiastes d’un porte à porte organisé « scientifiquement » m’inquiétait, tant ils ne correspondaient pas à mon ressenti du terrain.
J’avais d’ailleurs exprimé publiquement ces doutes lors du dernier bureau national de la FNESR (Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains), quelques semaines avant le scrutin, sans m’attendre pour autant à une telle hécatombe.

 

Ces résultats prouvent que manifestement le désamour des français s’est accumulé au fil des mois et des maladresses successives …

Le péché originel est de ne pas avoir dit la vérité aux français sur la situation économique et sociale réelle du pays lorsque la gauche est arrivée au pouvoir. Tous les clignotants étaient alors au rouge : emploi, croissance, déficits, confiance et les tendances plus que mauvaises.
Devant une situation totalement plombée, ne pas avoir communiquer sur cet état des lieux est une faute politique majeure de premier ordre. Conséquence, les mauvais résultats qui ont suivi ont été directement imputés au nouveau gouvernement, alors qu’ils n’étaient que la conséquence de décisions antérieures, les mesures prises ensuite, notamment fiscales, pour corriger le tir et éviter la catastrophe, ont été non comprises par les français et encore moins des sympathisants socialistes  !

Dans le même temps, l’arrivée de la gauche, après dix ans de gouvernance de droite, a fait naitre beaucoup d’espoir, notamment après le succès populaire et la dynamique des primaires, même si François Hollande avait peu promis durant sa campagne ce que beaucoup ont tendance à oublier aujourd’hui.
Cette attente, nécessairement déçue, s’est transformée en ressentiment, puis en colère larvée, d’autant que l’absence de résultats probants, l’incompréhension d’une action gouvernementale peu lisible, les critiques incessantes de parlementaires PS en mal de médias (bonjour la TNT), plus prompts à tirer contre leur camp que contre la droite, semant le doute, apportant de l’eau au moulin de Jean Luc Mélenchon et du Front de Gauche n’ont pas arrangé les affaires de l’exécutif, loin s’en faut !

Le manque de leadership manifeste, tant au gouvernement, que dans les groupes parlementaires ou au PS a été payé cash : trop de cafouillages et de déclarations maladroites ou imprudentes y compris de ministres, du Premier d’entre eux (« pas d’augmentation des impôts pour les ménages ») et du Président lui même (Léonarda, « baisse du chômage  avant la fin de l’année »).
Cette communication désastreuse de l’exécutif a amplifié un sentiment d’amateurisme. En pleine tempête les marins se sont mis à douter du capitaine, alors que malgré les éléments déchainés, le bateau France avançait peu à peu, rétablissant même une situation mal engagée au préalable. La bataille de la communication et de l’opinion est un élément politique majeur à ne jamais sous estimer. C’est le moral de l’équipage qui fait avancer ou non le bateau !

Pourtant la victoire de François Hollande aux primaires a démontré que les français, y compris de gauche, sont conscients des difficultés du pays, ils n’attendent pas forcemment des miracles, et sont prêts à relever le défi et affronter ce contexte difficile avec esprit de responsabilité. En choisissant le candidat Hollande, ils avaient validé, et largement, une ligne politique  « Social Démocrate » proche finalement de celle mise en place par le Président.
Ceci pour rappeler aux partisans du « tout à gauche » qu’il est bon de nuancer certains propos et de tenir compte non d’une vision politique fantasmé mais de la simple réalité politique, y compris chez nos électeurs. Ces derniers n’attendaient pas de « Y’a qu’à », « faut qu’on » mais professionnalisme, sérieux, détermination, esprit d’équipe, ils n’ont pu qu’être déçus, puis excédés des «couacs» à répétition, hésitations, zig zags, égos exacerbés d’élus ou de ministres en mal de représentation (merci BFM, Itélé) et du manque  de ligne directrice des derniers mois.
Il a manqué une vision claire et assumée du cap à atteindre, une explication cohérente et globale de la trajectoire à suivre et de la politique mise en œuvre, manque comblé depuis, reconnaissons le, mais bien tardivement !

Autre paramètre incontournable pour tout élu, celui de la temporalité. La plus petite mesure prise lors d’un Conseil des Ministres exige plusieurs mois avant de se transformer en action concrète.
La priorité donnée au moyen et long terme dans l’action gouvernementale, la prédominance du « macro » sur le « micro » (vu de Bercy tout semble différent, distant, lointain et éthéré), a  obéré la réponse aux situations d’urgence, à la réalité du terrain, pourtant de plus en plus brutale et dramatique, surtout en période de crise.
Un des problèmes des cabinets ministériels et de la haute administration est sa déconnection totale avec le monde réel, qu’il soit celui de l’entreprise, des petites communes ou du quotidien de nos concitoyens, un contexte qu’un élu local côtoie tous les jours, et aucun mérite à cela, c’est son rôle, encore faut il que le sommet, surtout lorsque le gouvernement est de gauche, écoute les remontées du terrain !
La décision venue d’en haut, prise à priori, légitimement sans doute, mais surtout trop rapidement, à partir d’indicateurs ou de ratios globaux sans relation directe souvent avec la réalité vécue et partagée de ceux qui sont en première ligne produit souvent de véritables catastrophes.

Il faut arrêter les concours Lépine que les technos de Bercy ou de certains Ministères affectionnent tant. Ils sont dangereux, voir explosifs, et peuvent produire des dégats irréparables. Le fait que des milliers de petits retraités ou de familles dans la difficulté se soient retrouvés, pour certains pour la première fois, devoir acquitter des impôts, alors que tout va mal, que le chômage les frappe, ne leur donnent pas forcément envie de voter à gauche, qui s’en étonnerait !
Dire que certaines petites communes sont dans l’incapacité totale de mettre en place la réforme des rythmes scolaires n’est pas faire du mauvais esprit, être un mauvais élève, mais simplement décrire la réalité des choses et le pire est encore à venir.
Beaucoup de villes ne disposant pas de recettes suffisantes, toutes ne sont pas riches loin s’en faut, ne savent comment boucler le budget 2014, et ne parlons pas de celui de 2015, devant les baisses de dotations à l’aveugle imposées par le gouvernement, alors que dans le même temps ce dernier leur demande plus. Attention la situation est littéralement explosive, avis de tempête annoncé.

Deux questions ont également pesé sur les résultats de mars dernier, elles ne sont ni économiques, ni sociales mais ont durablement, et en profondeur, divisé la société française : le mariage pour tous et la réforme des rythmes scolaires.
L’instrumentalisation qui en a été faite par des intégrismes de tout bord, et je ne parle pas que des églises, comme les postures irresponsables de certains responsables politiques de l’UMP ont créé un clivage là où la raison aurait du l’emporter.
Une de ces mesures ne faisait pourtant que donner de nouveaux droits légitimes à une catégorie de la population qui en était exclue, sans en retirer aux autres, l’autre avait simplement pour objet d’alléger les journées des élèves français, vu la dégradation inacceptable de notre enseignement et les inégalités croissantes que non seulement il perpétue mais accentue.
En Seine et Marne, par exemple, il y a une corrélation troublante entre les villes de gauche tombées à droite et l’application dés la première année de la réforme des rythmes scolaires, certainement une coïncidence …
Rappelons tout de même que le Ministre de l’Education Nationale était un des rares ministres a être initialement celui des bonnes nouvelles … Cela laisse pantois … Pourtant la refondation de l’école est une nécessité incontournable, il en va du devenir de notre pays.

 

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