Pannonhalma, monastère du 21eme siècle

medium_pannon2.jpgLors de notre passage à l’abbaye de Pannonhalma, nous avons eu le plaisir d’être reçu par l’Archévêque Asztrik Várszegi, en personne, qui nous a permis de découvrir son monastère dans les meilleures conditions.
Il nous a confié au Père Titus, Directeur des études, pour une visite passionnante effectuée avec brio dans un français parfait.

L’abbaye de Pannonhalma est classée au patrimoine mondial de l’humanité, car pour l’Unesco elle illustre « de manière exceptionnelle la structure et l’organisation d’un monastère chrétien en constante évolution depuis mille ans » (sic).

Le monastère abrite également dans ses murs une école et un lycée de garçons de 350 élèves(internat), les logements des moines, un foyer de personnes âgées, une bibliothèque et une école supérieure de théologie (séminaire).

Depuis 996, Pannonhalma tient une place particulière dans l’histoire de la Hongrie; de nombreux visiteurs prestigieux s’y sont rendus, du Premier roi de Hongrie, Etienne Ier, à Jean Paul II ou au Dalaî Lama plus récemment qui y a effectué une retraire spirirtuelle.

Elle joue aujourd’hui, un rôle moteur dans le développement de la région de Pannon, tant culturel qu’économique.

Mais comment cela peut il être compatible avec les règles édictés par Saint Benoît ?

 

medium_pannon4.jpgUn monastère vieux de de mille ans et plus …

En 996, des moines bénédictins s’implantent sur la colline de Pannonhalma, lieu de naissance de Saint Martin (l’évêque de Tours) et fondent un monastère qu’ils lui dédient.
Vivant selon les règles édictées par Saint Benoît, ils évangélisent les hongrois, créent la première école magyare et rédigent en 1055, le premier texte écrit en hongrois.
Cette communauté monastique prend une place considérable dans la diffusion de la culture chrétienne en Europe centrale. Véritable forteresse, elle connait une histoire mouvementée avec trois occupations turques qui amènent les moines à fuir pour sauver les biens et manuscrits de l’abbaye, haut lieu de la connaissance de l’époque.
En 1786, Joseph II d’Autriche ferme les monastères mais rétablit en 1802 celui de Pannonhalma, sous condition que les moines bénédictins enseignent. Depuis lors, l’abbaye est devenu un important Centre Universitaire, et a collecté pour sa magnifique bibliothèque de style néoclassique un fonds documentaire de plus de 350 000 volumes.
Protégée par la Croix-Rouge durant la deuxième guerre mondiale, elle ne subit ni dommage ni pillage et lors du régime communiste (1950-1990), elle conserve ses biens et ses missions d’enseignement privé malgré certaines contraintes. En décembre 1996, à l’occasion de son millénaire, elle est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco lors d’une grande commémoration officielle en présence du pape Jean Paul II.

 

L’activité monastique
Les cérémonies religieuses s’y déroulent au rythme des chants grégoriens et de l’orgue, selon un cérémonial qui semble  immuable depuis des siècles comme si le temps s’était arrêté aux portes du monastère.
Les moines suivent les règles de vie écrites édictées par Saint Benoît en 528 et résumées dans la devise de l’ordre bénédictin : Pax (Paix). Leur vie est divisée en de régulières périodes de sommeil, prière, lectures sacrées, repos et travail physique. Le travail intellectuel et l’enseignement ont remplacé peu à peu l’agriculture fermière et les autres formes de travail manuel. La règle bénédictine qui considère le travail manuel comme une action noble eut une grande influence sur la civilisation de l’Europe au Moyen-Âge, en imposant notamment aux religieux un travail extérieur, manuel ou littéraire.

 

Le « levain de l’évangile »
Depuis la chute du mur de Berlin, l’abbaye de Pannonhalma est une destination touristique recherchée des visiteurs séjournant en Hongrie (plus de 200 000 par an). Ils peuvent y acquérir de multiples produits dérivés comme souvenirs : reproductions, carterie, produits du terroir (herbes et plantes médicinales cultivées par l’abbaye), livres, Cd de musique (chants sacrés et orgue); nous ne sommes pas à Lourdes pour autant, les produits provenant principalement de l’activité des moines.
Pour l’abbaye les sources de financement sont multiples, puisqu’il faut y ajouter l’argent des visites, les dons, les activités d’enseignement … Des revenus qui permettent de faire vivre les 45 moines et les personnes qui travaillent pour l’abbaye (cuisine, entretien, enseignement, maintenance et sécurité du site).

A cette activité somme toute classique, s’ajoute désormais l’industrie vinicole et oenologique. Les moines ont renoué d’une certaine manière avec le travail de la terre; l’abbaye en 1900 possédait plus de 100 hectares de vignobles dans les environs immédiats de Pannonhalma (comme sur d’autres vignobles, dont Tokaj), aprés la deuxième guerre mondiale, les caves et les domaines deviennent propriétés gouvernementales.
En 2000, les moines de l’abbaye, associés à une importante banque hongroise décident de relancer l’activité vinicole sur 52 hectares afin de produire un vin blanc de qualité, selon les méthodes de production les plus modernes, projet financé sur fonds européens. Leur business plan planifié sur plusieurs années a pour objectif d’implanter dans la région une activité vinicole moderne, de qualité, diversifié (Chardonnay, Pinot Noir, Merlot, cabernet Franc) bénéficiant de la renommée mondiale de l’abbaye.

Lors des rencontres des épiscopats d’Europe centrale, en mai 2004, le CARDINAL ANGELO SODANO ne disait il pas : « C’est un travail lent et patient, tout comme est lent et patient le travail de l’Eglise en général, pour placer le levain de l’Evangile dans la nouvelle réalité du continent, comme elle l’a toujours fait au cours des deux mille ans de son histoire … »
Justifiant ainsi à sa manière, l’activité déployée par les moines sur le terrain économique (le levain de l’Evangile) accompagnant le développement de la renommée du  monastère bénédictin en appliquant les règles du marché et de la libre entreprise dans un ancien pays communiste.

Assiterait on à une évangélisation déguisée par l’économie ?

Signalons toutefois, que lors du même discours, ce Cardinal abordait un terrain nettement plus polémique et politique :   » Aujourd’hui, il y a le défi du laïcisme, qui tente d’occulter la présence des valeurs religieuses, et en particulier des valeurs chrétiennes, dans la vie publique. On le voit également dans le débat en cours sur le Traité constitutionnel de l’Union européenne. ».
Une position trés populaire dans certains pays d’Europe Centrale (Hongrie, Roumanie, pologne …) ainsi que dans les rangs de partis politiques comme la Démocratie Chrétienne, le CDU en Allemagne mais qui résonnent bizarrement dans les oreilles d’un français épris des vertus de la République et convaincu de ses valeurs laïques.

Propos qui démontrent une fois de plus que le Traité Constitutionnel Européen tant décrié chez nous par certains, représentait dans beaucoup de domaines une sacrée avancée.

Comme quoi … au fait où en et le plan B ?

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