Retraites : « Qui sème le vent, récolte … »

Comme plus de deux français sur trois, je suis opposé à la réforme des retraites du gouvernement, tant sur le fond que sur la forme, encore plus critiquable à mes yeux. Comme beaucoup et c’est loin d’être paradoxal, une réforme me semble pourtant indispensable, du fait de la rencontre de deux tendances de fond : allongement de la durée de vie, nombre de plus en plus important de retraités et inversement d’actifs de moins en moins nombreux.
Il est essentiel de placer en première priorité l’héritage légué aux jeunes et futures générations. Leurs marges de manœuvre pour tenir le périlleux chemin de crête que nous leur avons préparé sont plus qu’étroites, un vrai fil du rasoir, entre réchauffement climatique, situation géo politique explosive, bio diversité en déroute et plus localement une dette publique qu’il leur faudra demain rembourser.

J’assume de penser que la retraite à 60 ans, pour toutes et tous, ne m’apparaît ni une proposition sérieuse, ni une alternative crédible, y compris si elle est populaire au prime abord, et présente bien des risques pour la survie de notre modèle social.
Il est plus que temps d’adapter le système des retraites à une donne démographique, sociale et économique qui a totalement pivoté, encore faut-il proposer une voie intelligente, équitable, issue d’une réflexion collaborative, tant chacun se doit de faire preuve d’humilité, la vérité, s’il y en a une, ne peut être que collective et partagée.
Il devient urgent de s’attaquer aux aberrations du système actuel, à leurs racines mêmes : chômage des seniors, critères de pénibilité, carrières longues, situation plus que particulière des femmes ayant eu un parcours professionnel haché, sans oublier l’évidente priorité de redonner du sens à un travail qui se doit d’être émancipateur par essence et non aliénant, ce « léger détail » peut expliquer bien des divergences de la perception des uns et des autres sur cette question des retraites.
Tout ce que n’a pas fait ce gouvernement, comme les précédents d’ailleurs … Aucune anticipation et travail de fond avec les syndicats sur des questions aussi essentielles que le travail des seniors, les critères de pénibilité, l’équité due aux femmes ou l’équilibre financier du système … Tout au contraire verticalité, dogme, manque d’écoute et de dialogue, volonté manifeste de tenir à l’écart les syndicats, intermédiaires pourtant précieux sur les questions relatives aux différents domaines du travail …
Comme beaucoup je n’ai constaté malheureusement que précipitation, confusion, approximations, improvisation et soyons justes, pas seulement du gouvernement …


Le sujet des retraites mérite respect et considération, tant il est au cœur de notre pacte social. Il touche tout à la fois à l’intime, au sens que l’on donne ou veut donner à sa vie, dans toutes ses différentes dimensions : familiale et professionnelle, individuelle et collective … Il en va également des indispensables solidarités entre générations, catégories socio professionnelles ou sexes.
Le pire procureur de cette loi non votée par le parlement mais imposée par le 49.3 (à 9 voix près) est Emmanuel Macron lui même, versus 2017, j’étais alors en phase avec des propos plaçant équité et justice au centre des propositions.

La classe politique ne sort pas grandie de la séquence, loin s’en faut. Ces dernières semaines elle a gravement failli, offrant au pays un spectacle désolant, pitoyable, dramatique et pathétique dans lequel certain(e)s parlementaires ont confondu hémicycle et cirque, et encore de seconde zone, contribuant à abîmer durablement l’image du parlement et de la démocratie et émettant des messages d’une violence extrême. Les dérives du quart d’heure warholien se sont multipliées, amplifiées par l’entre soi, la déconnection au monde réel, les réseaux sociaux et chaines d’info en continu, dans lesquels trop ont sombré, oubliant que l’écume n’a jamais été la vague, ni l’accessoire l’essentiel.

L’élu local que je suis mesure l’impact de telles postures auprès de nos concitoyens, notamment des plus jeunes, et l’absence totale du respect du à nos institutions par les personnes mêmes censées les représenter.
L’application de toutes les procédures « autorisées » au nom d’un « parlementarisme rationalisé » afin d’escamoter le débat public, a grandement participé également au désordre institutionnel et citoyen, n’en doutons pas.
Trop de digues ont lâché altérant en profondeur et gravement le lien républicain avec des conséquences à moyen et long terme pour la démocratie qui m’inquiètent au plus haut point.

Aussi il me semble important et cohérent de souligner en contraste, le remarquable esprit de responsabilité des syndicats, qui malgré vents et marées ont tenu le cap des valeurs républicaines et citoyennes afin d’éviter des débordements que nous avons connu en 2017. Eux seuls ont été à la hauteur et Laurent Berger, notamment, a trouvé le ton digne, serein et déterminé mais toujours respectueux des institutions, il a parlé juste.

Oui, notre pays doit impérativement retrouver des marges de manœuvre budgétaires, il lui faut agir tout à la fois sur une dépense publique qui se doit d’être toujours plus efficiente, comme sur les recettes, et en finir avec la démagogie du toujours moins d’impôt qui fait payer durement de fait la facture à celles et ceux qui ont moins, le mieux d’impôt m’apparaissant de loin préférable. N’oublions pas que nous nous devons également d’investir pour demain.
S’obstiner à proposer une réforme partiale et partielle afin de donner des signes apparents de sérieux budgétaire est non seulement contre productif mais lourd en conséquences démobilisatrices. On pénalise les premiers de corvée que l’on acclamait il y a tout juste quelques mois sans traiter le fond des problèmes.
Le mal est bien plus profond, car structurel. Ces dernières semaines, c’est un très mauvais signal qui a été adressé au pays comme à l’Europe : celui d’une nation clivée, divisée, fracturée. Il est de la responsabilité du Président d’apaiser, de fédérer, d’unir et réunir les énergies afin de remobiliser les uns et les autres, collectivement, pour que notre pays soit en capacité de répondre aux mutations qu’il se doit de relever : climatique, territoriale, environnementale, numérique, sanitaire, et évidemment citoyenne. Il lui faut également et surtout redonner du sens, non seulement au travail, mais à un projet politique collectif commun qui se doit d’être partagé.

Cette responsabilité concerne les différents responsables politiques, tant l’atmosphère vire au clair obscur …

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». ’Antonio Gramsci