A Lazare Ponticelli, ce 11/11/11

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Ce 11 novembre 2011 est un moment  particulier pour notre ville et l’agglomération …

Particulier pour Trilport avec la venue d’une délégation de nos amis d’Engen, notre ville jumelée, située dans un pays, l’Allemagne, qui lors de la Grande Guerre a partagé les mêmes peurs et les mêmes douleurs, mais de l’autre coté des tranchées,

particulier aussi et surtout pour l’agglomération du Pays de Meaux, du fait de l’inauguration du Musée de la Grande Guerre, sur les lieux mêmes où tant de vies humaines furent sacrifiées.

En ce jour, au moment des nombreuses célébrations qui accompagnent l’inauguration du musée, n’oublions jamais le bilan de cette terrible tragédie …
Plus de 10 millions de morts sont tombés « Sous cette pluie de fer, De feu d’acier, de sang » et dans quelles attroces souffrances …

La seule question qui vaille et que l’on doit à l’histoire est de savoir pourquoi …
Pourquoi tant de morts, tant de haine, tant de dégâts  humains et matériels ? et tant de conséquences par la suite ?
L’écrivain autrichien anti nazie Stephan Sweig nous apporte quelques éléments de réponse …

 » Si aujourd’hui on se demande à tête reposée pourquoi l’Europe est entrée en guerre en 1914, on ne trouve pas un seul motif raisonnable, pas même un prétexte.

Il ne s’agissait aucunement d’idées, il s’agissait à peine de petits districts frontaliers ; je ne puis l’expliquer autrement comme une conséquence tragique de cet excès de puissance qui s’était accumulé durant ces quarante années de paix et voulait se décharger violemment. Chaque État avait soudain le sentiment d’être fort et oubliait qu’il en était exactement de même du voisin ; chacun en voulait davantage »

 

Effectivement, rien ne justifie cette guerre ou si peu …  Aucune idéologie, sinon celle du profit des marchands de fer, de canon et de feu, et des différents impérialismes européens qui en voulaient toujours plus en jouant sur l’enthousiasme de militaires en mal de testostérone désirant plus que tout une revanche sur 1870 …

Qu’en retenir …

Une génération sacrifiée, des régions et des économies entièrement détruites, des années de malheur pour le plus grand nombre, des sentiments nationaux exacerbés, et au bout du bout, des vaincus humiliés !
Une humiliation qui conduira au nazisme, et sera à l’origine d’un conflit encore plus horrible …

Autant dire que je suis plus que réservé de faire de cette journée, un « memorial day » à l’américaine. Il y a contre sens. Chaque date qui compose le tryptique 11 novembre, 8 mai, 14 juillet à sa logique, et ses enseignements, encore faut il les retenir et ne pas faire de contre sens.
Ce n’est pas la « victoire de nos couleurs » qu’il faut exalter, mais bien une tragédie mondiale qui a secoué durablement et dramatiquement ce continent : que l’on soit allemands, prussiens, anglais, français ou d’une toute autre nationalité.
Il n’y a pas de hiérarchie dans les morts, chacune a son poids de malheur et de souffrance, mais peut on, à l’aune de l’histoire, comparer le cataclysme terrible qui a secoué le monde en ce début de XXeme siècle, sacrifié une génération entière de nos jeunes, celle des Lazare Ponticelli, le dernier poilu français à disparaitre, un sur trois n’est pas revenu et aucun n’en est sortit indemne, à une opération militaire extérieure, comme celle de l’Afganisthan dont chaque jour nous montre l’inutilité.
Non bien évidemment non, et ce n’est pas faire injure aux soldats qui tombent aujourd’hui si loin de chez eux, que dire ou penser cela.
Il y a des guerres et des morts inutiles;  les 10 milllions de cadavres qui ont jonché l’Europe entre 1914 et 1918 étaient ils si utiles … Je les aurai préféré alerte, plein de vie et d’entrain …

C’est le temps qui constitue le tamis de l’histoire pas la décision politique d’une seule personne. Le fait qu’il n’y ait plus de poilu en vie, que Lazarre Ponticelli ne soit plus parmi nous, ne doit pas nous faire perdre de vue la nécessité de ce remémmorer toute la tragédie qu’a constitué cette guerre.

Car ce sont les hommes, c’est bien notre démocratie qui a rendu ce cataclysme possible.

 

 

 

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La « der des Der »  doit nous amener, nous français, à ce moment précis de notre présent, à réfléchir sur la nécessité absolue de contruire l’Europe politique, en prenant bien garde de n’humilier aucune nation, la crise grecque est sur ce point révélatrice. Elle doit aussi rappeler la nécessité pour nos états et gouvernements de ne pas devenir le jouet docile et complaisant d’acteurs économiques tout puissants et de se prémunir de tout esprit de domination des uns sur les autres …

La guerre ne doit pas être un marché, ni pour les marchands de canons, ni pour les états.

Ce conflit, première guerre moderne s’il en est,  doit surtout nous rappeler, ce qu’est effectivement une guerre et ce qu’elle entraine comme douleur et désolation.
Toute vie humaine mérite considération, que l’on soit civil, simple soldat ou généralissime.

C’est cette douleur qui n’apparait pas assez, me semble t’il, dans ce magnifique musée au fonds documentaire et historique impressionnant, l’oeuvre de toute une vie, et Jean Pierre Verney doit être salué et remercié pour cela.
C’est grâce à sa ténacité que le sacrifice de millions de personnes, il y a prés de 100 ans, trouve un nouvel écho aujourd’hui et nous rappelle que cette tragédie n’est pas une superproduction virtuelle en technicolor mais qu’elle s’est déroulée sur cette terre même au début du siècle dernier …
Mais où sont la douleur et les larmes, le poids de l’année 1917, les mutineries, les charniers, les décisions criminelles de certains sabreurs se fichant éperdumment du prix du sang et du poids d’une vie, les suites politiques pour un continent qui vacille, l’expression des nationalités, les mots de Céline et ceux des poilus crevant comme des chiens dans les tranchées ?

Permettez moi pour en guise de conclusion, rappeler ces quelques vers, écrits par ce passeur d’émotion incomparable qu’était Jacques Brel, désirant dans son dernier album rappeler, non seulement le combat d’un homme politique français, premier mort de cette guerre qui s’annonçait et qu’il dénonçait, Jean Jaures, mais aussi le sort de toute une génération sacrifiée au nom d’un nationalisme douteux et exacerbé.

« Ils étaient usés à quinze ans

Ils finissaient en débutant

Les douze mois s’appelaient décembre

Quelle vie ont eu nos grand-parents

Entre l’absinthe et les grand-messes

Ils étaient vieux avant que d’être

Quinze heures par jour le corps en laisse

Laissent au visage un teint de cendres

Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

On ne peut pas dire qu’ils furent esclaves

De là à dire qu’ils ont vécu

Lorsque l’on part aussi vaincu

C’est dur de sortir de l’enclave

Et pourtant l’espoir fleurissait

Dans les rêves qui montaient aux cieux

Des quelques ceux qui refusaient

De ramper jusqu’à la vieillesse

Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Si par malheur ils survivaient

C’était pour partir à la guerre

C’était pour finir à la guerre

Aux ordres de quelque sabreur

Qui exigeait du bout des lèvres

Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur

Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître

Et ils mouraient à pleine peur

Tout miséreux oui notre bon Maître

Couverts de prèles oui notre Monsieur

Demandez-vous belle jeunesse

Le temps de l’ombre d’un souvenir

Le temps de souffle d’un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? »