Mobilis in mobili (2)

 

0062.jpgRevenons sur les changements qui bouleversent peu à peu l’offre en transports tant ils modifient nos repères quotidiens en replaçant la question de la mobilité, au centre non seulement de l’organisation urbaine et de l’aménagement du territoire mais de notre vie en général.

Se déplacer est une nécessité absolue qui conditionne l’accès au travail, à l’éducation, à la culture, à la santé, et de manière plus globale à toute vie sociale.
Cette faculté ne peut être considérée comme une fin en soi, nos déplacements quotidiens étant directement liés à une activité et non au seul désir de parcourir une distance; il s’agit ici, pas seulement d’épanouissement individuel mais bien d’une obligation vitale, tant pour le citoyen que pour le dynamisme et l’agilité d’un territoire, dont l’efficacité tient également à la capacité qu’il donne à ses habitants de se déplacer de manière efficace.
Plus que jamais, notre société est en mouvement (mobilis in mobili »), c’est ce qui arrive à la Région Ile de France depuis 2006, y compris désormais en grande couronne.

Notons que si le lien entre accès efficient (cout / durée) à un réseau de transport performant constitue une valeur ajoutée pour les entreprises et l’économie, les infrastructures de transport représentent un coût significatif (investissement comme fonctionnement) et demeurent « peu rentables » sur le court terme. C’est pourquoi la puissance publique finance cette fonction qui constitue un véritable avantage comparatif territorial. Réalité qu’il est bon de rappeler aux tenants d’un ultra libéralisme qui démontre furieusement ses limites ces derniers temps, considèrant trop souvent la puissance publique comme une charge financière et un frein au développement économique. Il faut quelquefois voir au delà du bout de son nez, aussi long soit il …

Une des particularités de l’Ile de France, et non la moindre, est la présence du STIF (Syndicat des Transports d’Ile de France, nous y reviendrons dans le prochain billet). C’est incontestablement comme partout en France, la volonté des élus régionaux de changer une donne passablement compromise, afin d’enclencher un véritable mouvement de fond dans le domaine des mobilités qui a permis de faire évoluer un contexte qui semblait jusque là figée et de créer des perspectives meilleures.

En Ile de France, une des origines de ce mouvement est la réflexion initiée autour du Schéma Directeur Régional. Ce dernier, fruit d’un travail collectif piloté remarquablement par Mireille Ferri témoigne d’une nouvelle approche, liant développement territorial, intensité urbaine et mobilités. Il a permis de déboucher sur un document stratégique qui souligne l’importance de structurer un territoire autour des nœuds de son réseau de transport collectifs; ce qui permet en contre point de protéger également  espaces naturels et agricoles.
Une réflexion qui nous aura fait gagner beaucoup d’années, mais qui pour être mis en œuvre nécessite un préalable : avoir un réseau de transport performant.

C’est bien là que le bas blesse, conséquence logique du manque d’investissement tant de l’Etat, que de la SNCF depuis plusieurs décennies dans le réseau de banlieue. Situation devenue critique (cf ce blog) du fait du manque de moyens consacrés tant en fonctionnement qu’en investissement.
Incontestablement le changement de gouvernance au STIF a été le point de départ de ce que l’on peut réellement qualifier de « reconquête » : cadencement, acquisition de nouvelles rames, investissement dans les gares, création de lignes de tramway, rénovation des voies et ballasts, avec la particularité de consacrer la moitié des investissements à la grande couronne (volonté affirmée de Jean Paul Huchon).

Vague de fond qui s’est propagée aux acteurs  de la mobilité :

–  La SNCF renouant avec les territoires et les mobilités de proximité mais aussi avec ses racines, après deux décennies consacrées quasi exclusivement au développement du TGV. Remise en cause interne qu’il convient de saluer, accompagnée du soutien financier de la région et du STIF. L’entreprise nationale qui jusqu’en 2006 avait démontré un certain « autisme » face aux demandes des usagers et des élus (cf ce blog), a depuis entrepris une vraie révolution culturelle et s’investit de nouveau vers l’avenir en travaillant à bâtir de vraies perspectives, tant pour les usagers que son personnel …

– Les autres opérateurs, qui ont initié un mouvement de concentration, notre transporteur local historique (Marne et Morin) après avoir avalé tous ses concurrents a été racheté par le groupe Transdev et accélérer la constitution de réseaux suffisamment dimensionnés pour répondre aux enjeux transversaux de la nouvelle dimension que revêt désormais la problématique des mobilités beaucoup plus globale  : Keolis, Transdev, RATP …

Se déplacer est enfin redevenue un enjeu politique, au sens noble du terme, tant cette capacité  est liée au temps qui passe, au temps à gagner, à la liberté de se mouvoir avec agilité dans l’espace, tant pour son épanouissement personnel que celui de la société. Une capacité vitale qui nous caractérise depuis que l’homme est homme.

Peu à peu, irrémédiablement, le paysage des mobilités évolue, mute, un nouveau paradigme se dessine, avec l’émergence d’un nouvel acteur, la collectivité …

 

 

 

Réel changement de paradigme

Si les transports collectifs constituent un service d’intérêt général, ce dont aucun usager ne doute, ils fonctionnent pourtant avec des entreprises privées, d’où le concept « d’Autorité? Organisatrice ». Son origine remonte à la construction des premières lignes de tramway électrique (fin XIXe siècle); un montage juridique qui sépare de manière étanche, deux fonctions : une politique touchant à la définition du service public de transport (organisation, architecture, priorités, modalités) dévolu à l’autorité organisatrice, une carrément technique, la concession, portant sur la mise en œuvre concrète du service.

Cette architecture a été consacrée par la loi d’orientation sur les transports intérieurs (LOTI, 1982),  conférant la mission d’autorité organisatrice aux seules collectivités, excepté en Ile de France. Ce n’est effectivement qu’en 2004, que cette région, la seule jusque là demeurant sous le régime du décret de 1949, est passé sous la direction des élus, (en fait 2006, après quelques péripéties cf blog, et autre billet ).

Mais le changement de paradigme ne se limite pas au seul leadership décisionnel, il concerne également le développement des territoires et l’émergence de nouveaux besoins en mobilité.`

Si la France n’est plus rurale, elle n’est toujours pas « citadine» au sens strict du terme. Notre pays est littéralement léopardisé par les « aires d’influence urbaines ». Aujourd’hui 95% des français vivent sous l’influence des villes et plus d’un français sur deux hors du périmètre des transports urbains. Les zones rurales ou « sub, péri ou inter urbaines » accueillent de plus en plus de nos concitoyens, et développent quelques caractéristiques communes : faible densité de population, habitat dispersé, besoins en déplacements  multiples et omniprésence de l’automobile individuelle, due le plus souvent à la quasi absence de desserte collective.

Cette situation nécessite de combiner plusieurs modes de transport, d’autant que la ville centre n’a souvent plus l’attractivité d’antan, le développement territorial qui s’impose est de plus en plus multipolaire et s’affranchit de plus en plus du scenario de transport urbain qui prévalait jusque là (mono mode, de masse et pendulaire), plus du tout adapté à la nouvelle donne territoriale.

 

Définir et initier un projet de territoire « mobile »

Il est important pour chaque territoire de concilier dans son projet de développement, dynamique territoriale (économique, culturelle …), démarche environnementale (limitation des émissions de gaz à effets de serre), renforcement de la cohésion sociale et mobilités.
Pour ce faire il est nécessaire d’être en capacité d’identifier les particularités de chaque espace, présents ou futurs, afin de pouvoir les investir selon leur destination, les mettre en relation, tenir compte de leurs contraintes ou atouts, afin de  donner à la fois du sens et des perspectives.

Approche transversale et globale qui amène à réfléchir différemment, en prenant de la hauteur et permet d’analyser plus sereinement l’organisation de nos sociétés, leur développement, la nature des liens entre habitants ou usagers des territoires et inévitablement l’organisation des mobilités. Etape préalable inidspensable pour pouvoir être en capacité de projeter cet ensemble dans un futur proche afin d’anticiper plutôt que subir.
C’est tout l’intérêt des démarches de planification transversale, telle celle initiée en Ile de France avec le Schéma Directeur Régional et sur d’autres territoires autour des SCOT, PLH, PLD….

Il y a la « carte (présente), les territoires » et leurs liens  … Mais aussi la carte en devenir, à écrire. Les liens aujourd’hui ne sont plus simplement uni ou bi directionnel, mais quasi neuronaux. La force d’un territoire, notamment lorsqu’il est multi polaire est la vitalité et la qualité de ses échanges, qu’ils soient internes ou externes.

Pour illustrer ce propos, le projet de territoire de notre agglomération a associé les travaux autour du SCOT et du PLD, afin d’initier une démarche globale et systémique, qui pourrait constituer dans les prochaines années un vrai levier de développement territorial.
Signalons l’apport qualitatif des bureaux d’études qui ont accompagné ces réflexions et permis grâce à leur approche quasi provinciale, de proposer un schéma de développement, certes atypique pour la Région Ile de France, mais me semble t’il trés adapté aux caractéristiques de notre territoire face au changement climatique et à la nécessité de preserver les espaces naturels et agricoles : reliefs, présence de cours d’eau, espaces agricoles et naturels, présence de communes rurales, péri urbaines, centre …

Nous devons proposer une organisation globale reposant sur plusieurs modes de mobilités : transport « de masse » pour la ville centre, dimensionné à sa fréquentation (projet de Transport en Commun en Site Propre), articulation entre liaisons bus et réseau ferré et création de pôle multimodaux d’échanges pour le péri urbain et transport quasi individuel (transport à la demande), là ou la demande est actuellement trop individualisé et les flux d’usagers trop limité pour une offre classique en bus. Systèmecertes  complexe à mettre en place mais qui aux yeux des futurs usagers doit paraître transparent, nous y reviendrons dans le prochain volet de cette série.

Car l’enjeu dans nos territoires est de « combattre » l’usage intensif de la voiture, et pour cela guère le choix, il faut bâtir une offre de transport adapté à chaque contexte, une offre efficiente, articulée et complémentaire permettant de constituer une vraie alternative au « tout voiture ».

 

 

Annexes

 

Défis et orientations du Plan de Déplacement Urbain d’Ile de France

1.Agir sur les formes urbaines, l’aménagement et l’espace public

2.Rendre accessible l’ensemble de la chaîne de déplacements

3.Construire le système de gouvernance responsabilisant les acteurs

4.Faire des Franciliens des acteurs responsables de leurs déplacements

5.Rendre les transports collectifs plus attractifs

6.Agir sur les conditions d’usage des deux-roues motorisés

7.Redonner à la marche de l’importance dans la chaîne de déplacements

8.Donner un nouveau souffle à la pratique du vélo

9.Rationaliser l’organisation des flux de marchandises et favoriser le transfert modal

10.Agir sur les conditions d’usage de l’automobile