Johannes der Europäer

La fin de l’année approche tout doucement, l’heure n’est pas encore au bilan, cependant le moment me semble propice pour revenir sur un évènement qui m’a marqué durant ces dernières semaines, la célébration du 20eme anniversaire de notre jumelage avec Engen. Nous aurions du initialement le fêter l’an dernier, mais le COVID nous a obligé à reporter cette célébration à octobre 2021, lors du week end de la fête nationale allemande.

Après ces longs mois de confinement, c’est avec beaucoup de bonheur que nous acons renoué, en ce début d’octobre, avec le plaisir et la joie de se réunir entre amis, dans le respect absolu des gestes barrières.
Les liens entre les villes d’Engen et de Trilport remontent à 1987, année de l’appariement de nos deux collèges. Depuis, chaque année, des jeunes Allemands et de jeunes Français se rencontrent afin de découvrir leurs pays respectifs et nouent des liens d’amitié souvent durables.
Nous devons saluer l’action des enseignants des deux pays durant toutes ces années comme leur constance, c’est grâce à eux que ces échanges ont perduré, ils ont plus que contribué à creuser un sillon profond, dans lequel Johannes Moser Bürgermeister d’Engen et Michel Vallier alors Maire de Trilport ont glissé et semé en 2000 les graines de ce jumelage. Incontestablement depuis la greffe a bien prise, cela fait plus de 20 ans que nous partageons joie, bonheur, fêtes ou moments douloureux.

Vingt ans à l’échelle d’une vie c’est déjà un long chemin …

Je veux rendre hommage à mon ami Johannes Moser, Bürgermeister d’Engen, cet européen convaincu a noué toutes ces années des liens d’amitié, non seulement avec Trilport, mais également avec les villes de Moneglia (Italie) et Pannonhalma (Hongrie) auxquelles Engen est également jumelée.
Il a ainsi tissé patiemment de vrais liens entre nous, autant de fils d’europe, invisibles et imperceptibles mais bien présents …. Plusieurs délégations de Trilportais ont pu ainsi découvrir Pannonhalma et appréhender une toute autre vision de l’Europe.
L’action qu’il a mené me rappelle une citation de Wim Wenders dans les ailes du désir : « nous pouvons améliorer les images du monde et comme ça, nous pouvons améliorer le monde. » … Toutes ces années, incontestablement, Johannes et Ulrich Scheller le responsable « Städtepartnerschaft » d’Engen, véritable VRP de l’idée européenne, ont œuvré afin de faire de nos jumelages, l’image de l’Europe que nous portons ensemble avec passion : celle des citoyens, du quotidien, de la proximité, de la solidarité, des échanges, de l’amitié, aux antipodes de la caricature technocratique tatillonne, impersonnelle et lointaine décrite par certains ne jurant que par les frontières hexagonales.

Partant du principe que  » les amis de mes amis sont aussi mes amis. » (Gotthold Ephraim Lessing, dramaturge et poète allemand 1767) je lui ai proposé d’associer à notre fête de jumelage, les Maires de Monéglia et de Pannonhalma présents à cette cérémonie, de signer ensemble une charte d’amitié entre nos quatre villes …

Ce qu’il a accepté …

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« A mis abuelos » … Chapeau bas et respect

Certains moments, heureux et rares, donc précieux, marquent durablement une vie, en deviennent une balise, un véritable point de repère.
J’ai eu le privilège de vivre un de ces moment avec ma remise des insignes de Chevalier de l’Ordre National du Mérite par Cédric O secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques lors de sa venue à Trilport. La grande joie également de le partager avec beaucoup de personnes qui comptent pour moi. Certains ne pouvant être présents physiquement, je pense notamment à mon collègue d’Engen notre ville jumelée Johanes Moser, ont tenu à m’envoyer des messages d’amitié auxquels j’ai été extrêmement sensible.

Des souvenirs enfouis au plus profond sont remontés et des visages aimés, aujourd’hui disparus, m’ont accompagné tout au long de la cérémonie, me faisant ressentir la douleur de leur absence et l’intensité d’un moment empreint de beaucoup d’émotion pour ce qui me concerne.

Mes premières pensées lorsque j’ai appris, en mai dernier, cette distinction, ont été pour Mariano et Miguel, mes grands-pères, bergers républicains espagnols anarcho-syndicalistes, mes grands-mères, évidemment mes parents Miguel et Balbina, mes oncles et tantes Joaquina, Alba, Nuria, Joaquin, Progrès et ma famille.

Mon parcours de vie constitue une histoire profondément française et européenne, une histoire d’immigration, de résilience, de résistance et d’espérance, celle de mes grands-parents et parents.
Je suis un de ces fils d’émigrés venus de toutes les latitudes et de tous les horizons. La couleur de nos peaux, la diversité et la sonorité de nos prénoms, soulignent la grandeur et la richesse d’une nation qui transcende les différences et les transforme en confluences, apportant à chacun de ses enfants, dignité, identité, culture, éducation et protection …
Les mots magnifiques de Romain Gary « je n’ai pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines …» ont toujours résonné et trouvé un écho profond dans mon cœur.

Distinction d’autant plus bienvenue qu’elle était inattendue … Ne demandant rien, je n’attendais rien, et suis encore plus reconnaissant à Cédric O dans un agenda millimétré d’avoir trouvé la séquence spatio-temporelle lui permettant de venir à Trilport me remettre cette décoration lors d’une des innombrables visites de terrain qu’il affectionne, sans recourir à la réalité virtuelle ou à l’ubiquité numérique. Ce n’était pas du Métaverse mais bien du réel …

Je tenais également à ce que cette cérémonie se déroule dans une école car tout commence ici … La république notamment …
Dans ce monde en transition qui doute et se fragmente, l’école de la république constitue un creuset de citoyenneté unique et essentiel, inclusif et fédérateur. Nos jeunes y apprennent à « faire société » et à partir de leurs différences à construire du commun et du partagé. Le « vivre ensemble » constitue aujourd’hui un enjeu majeur essentiel pour éviter toute dislocation, repli sur soi ou communautarisme …
Cette école en travaux illustre tous les efforts déployés par une petite ville, sans grands moyens budgétaires, qui a fait de l’éducation une responsabilité et une priorité majeure. Depuis 2006, au rythme de nos budgets successifs nous rénovons et modernisons toutes nos structures scolaires, n’oubliant pas qu’un enfant de 3 ans qui entre en maternelle aujourd’hui, finira sa scolarité dans 17 ans en 2038. Il aura alors passé 8 années dans nos écoles.

Qu’auraient pensé mes grands-parents de cette remise de décoration, eux qui nous ont appris à savoir garder humilité, distanciation, relativisme et retenue envers tout ce qui est honneurs, titres ou décorum ?

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11 novembre: « ô ma France Avenir Multitude »

Cette cérémonie du 11 novembre s’est déroulée quelques jours après la mort du dernier Compagnon de la libération Hubert Germain, le dernier des 1038, à qui le pays a rendu l’hommage qu’il méritait … Elle est dédiée désormais à tous les « morts pour la France », des poilus de la Grande Guerre aux soldats qui depuis sont tombés ici ou là, sur des sols lointains, algériens, indochinois ou lors de ce qui est qualifié pudiquement d’opérations extérieures et ce n’est que justice à leur rendre.Nous nous sommes réunis dans ce beau parc « Ponton d’Amécourt » où les arbres ont mis comme à chaque fois leurs habits rougeoyants d’automne. Le cortège s’est arrêté afin de rendre hommage, composé des anciens combattants, des musiciens de l’harmonie, des pompiers, des élus, des enfants des écoles et de nombreux habitants et cette année des poilus de l’’Association « Seine et Marne 1914 » qui perpétue le souvenir de ce temps lointain et proche tout à la fois, qui a marqué au plus profond une terre de Brie nourrie du sang de ceux qui sont tombés et dont le nom gravés de lettres d’or ornent nos monuments aux morts.

Derrière chacun de ces noms, le souvenir d’un jeune ou d’un moins jeune qui n’est jamais revenu.
Qu’importe le dieu qu’il célébrait, la couleur de sa peau ou la sonorité de son prénom … Beaucoup « n’avaient pas de goutte de sang français, mais la France coulait dans leurs veines » comme l’a si bien écrit Romain Kacew, juif lituanien naturalisé français, plus connu sous le nom de Romain Gary né en 1914, aviateur combattant, grand résistant et romancier, ou tel le russe d’origine polonaise, Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, plus connu sous le nom de Guillaume Apollinaire, ce fameux poète à la tête bandée suite à l’éclat d’obus reçut au Chemin des Dames, qui a écrit tant de poèmes sur la grande guerre dont notamment ces vers

« Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré
Ma génération sur ton trépas sacré
Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude »

Commémorer le 11 novembre, c’est célébrer la république et ses valeurs dans le respect de nos différences …

Ce pays s’est construit sur le socle de différences se complétant et s’entre mêlant jusqu’à devenir confluences, du sang mêlé de tous ceux qui sont tombés pour la France et les valeurs qu’elle porte depuis toujours, Liberté, égalité, fraternité, ciment fédérateur s’il en est d’une France multitude arc en ciel …

Désormais, et plus que jamais il nous faut veiller à transmettre …

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8 mai 2021, « Écoute aujourd’hui, jeunesse de France … »

Retour au monde réel pour une commémoration du 8 mai qui restera dans la mémoire des Trilportais présents comme un moment exceptionnel et émouvant, lors duquel un de nos concitoyen, Théodore Marin a reçu la croix de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’honneur.
Une distinction méritée mais au combien tardive, le récipiendaire venant juste de fêter ses 95 ans.
C’est d’autant moins compréhensible lorsqu’on connait son parcours de vie. A l’âge de 18 ans il rejoint la Résistance (FFI), puis s’engage au 151e régiment d’infanterie, contribuant à la libération du pays. La seconde guerre mondiale ne se terminera pour lui que bien après, puisqu’il suit en 1946, le Maréchal Leclerc en Cochinchine et au Tonkin afin de combattre les troupes japonaises. Ce passé militaire lui a valu plusieurs décorations (dont : médaille militaire, croix de guerre 39/45, croix du combattant volontaire).
Il exercera ensuite plusieurs missions pour les PTT avant d’être embauché au CERN à Genève, ou à force de travail et de nombreux concours, il terminera Ingénieur Thermicien.

Si la légion d’honneur est destinée « à récompenser les français, civils et militaires, ayant rendu des mérites constatés à la nation … », la vie de Théodore Marin en est la parfaite l’illustration. A 18 ans il s’engage contre le nazisme afin de « Face aux ténèbres, dresser des clartés, planter des flambeaux … Des clartés qui persistent, des flambeaux qui se glissent, entre ombres et barbaries … Des clartés qui renaissent, des flambeaux qui se dressent, sans jamais dépérir … Et d’enraciner l’espérance dans le terreau du cœur, et adopter son esprit frondeur. » (Andrée Chedid).

J’ai rendu hommage à cet engagement citoyen hors du commun, en reprenant un extrait du fameux discours de Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Un discours épique, d’une autre époque, qui appartient désormais à l’histoire comme la silhouette même d’André Malraux, debout, seul face à son pupitre, déclamant et scandant au rythme de sa respiration et d’un vent venu des limbes, l’hommage de la nation au chef de l’armée des ombres.
Derrière chaque mots déclamé, le souvenir de vies sacrifiées et l’évocation d’une époque insensée, d’années de douleurs, larmes, cendres, de morts et de fureur, époque oubliée aujourd’hui mais qui devrait sans doute nous amener à relativiser quelque peu les tourments de ces derniers mois dus à la crise sanitaire …

Chaque génération de la « jeunesse de France » doit se souvenir de l’abomination absolue du nazisme, de la Shoah et des camps d’extermination. Toujours et encore se souvenir, ne jamais oublier l’inoubliable, l’abject, et combattre les idées nauséabondes l’ayant provoqué.
Ne jamais oublier, afin d’être dignes de celles et ceux qui sont tombés, tués dans les combats, fusillés, gazés dans les camps, victimes de la peste brune qu’était le nazisme, ou de celles et ceux qui s’en sont sortis et qui comme Théodore Marin ont su avec courage et témérité dresser des flambeaux face aux ténèbres en faisant rimer résistance avec espérance … Il fait partie de ses éveilleurs de conscience, rares sont encore parmi nous, qui ont ouvert la voie, et permis au pays de retrouver son esprit frondeur en relevant la tête.

En l’honorant c’est la nation qui s’honore et lui rend enfin justice … A 95 ans …

C’est aussi cela l’utilité de telles cérémonies, d’autant que juste après le 8 mai, se profile le 9 mai, jour de l’Europe … Un trait d’union symbolique et bienvenu

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Ne jetons pas 2020 avec l’eau du bain

2021 est désormais sur orbite, il apparait cependant essentiel de ne pas oublier 2020, « annus horribilis” s’il en est, avec son cortège de drames, de peine, de douleurs … A bien des égards la crise sanitaire nous a fait entrer de plein pied dans le nouveau millénaire. Tel un crash test, révélateur de fragilités multiples, accélérateur de failles devenant fractures, catalyseur révélant le degré de décomposition avancée d’une société considérée jusque là comme invulnérable, elle a constitué une de ces singularités qui marquent et ponctuent durablement l’histoire du monde et des hommes.
Ce « tremblement de terre » suivi de plusieurs répliques déstabilisantes, touchant autant l’intime que le collectif (confinement, masques, tests, couvre feu, vaccination …) a démontré l’incapacité d’un modèle en fin de cycle à relever les défis et urgences du temps présent. Les doutes ont dans la douleur et les larmes remplacé les certitudes d’antan.

Le modèle technocratique pyramidal centralisateur, aux lignes hiérarchiques venues d’un autre âge, qui structurait jusque là le pays et rythmait nos vies quotidiennes s’est fracassé au mur de la réalité du monde réel.
Les besoins concrets, pour certains vitaux, l’urgence d’agir ont crevé la bulle filtrante théorique sensée nous protéger. Problématique bien plus profonde que les erreurs de pilotage dénoncées par des politicien(ne)s « indigné(e)s », tant de la majorité que de l’opposition. Le problème ne peut se réduire à une simple affaire de casting comme certains veulent le faire entendre, c’est bien la matrice qu’il faut remettre en cause. Nombre de ces indignés étant également comptables de la faillite du système, une réalité qui devrait les mener à plus d’humilité et souligne toutes les limites de l’offre politique actuelle.

Ces derniers mois nous ont amené à une revue de détail de nos priorités :
– Le « premier de cordée » a laissé place au « premier de corvée », tant l’importance des services de base et de première nécessité (hôpitaux, éducation, caissières…) s’est imposée à tous, apparaissant dès lors plus comme des opportunités que des charges.
– Le rôle des acteurs de terrain, disponibles, accessibles, en capacité d’agir (élus locaux, généralistes, pharmaciens …), en lieu et place d’un état ou de structures XXL lointaines, déshumanisées totalement déconnectées et passive a été crucial,
– La place accordée à l’hôpital et à notre système de santé,
– L’importance pour l’Europe de maitriser une « supply chain » qui a souligné douloureusement nos dépendances actuelles

Les failles du système, les acteurs du terrain les ont subit en temps réel : manque d’anticipation, de réactivité et de souplesse, indécision, injonctions contradictoires, verticalité hors de propos lorsqu’elle adresse les modalités de mise en place, autant d’éléments témoignant d’une « stupidité fonctionnelle » inadaptée aux défis systémiques qui sont désormais les nôtres. Bienvenue dans la société complexe …

Le Maire que je suis a pu toucher du doigt les lignes de fracture d’un modèle à bout de souffle et apprécier tout le potentiel d’une société qui n’en manque pas, formidable promesse pour l’avenir …

Permettez à un simple élu local de proposer quelques pistes de réflexion et d’actions …

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« C’est la présence de la mort qui donne un sens à la vie»

11 novembre 2020 pour le moins particulier … La faute à ce maudit virus qui ôte la vie et le sel de la vie que sont nos relations sociales, particulier du fait d’un confinement qui s’il protège, isole les plus fragiles et les personnes seules et nous coupe de notre réseau amical et familial, particulier parce que nous ne sommes que quelques uns …

Il y aura une facture sociale à la crise sanitaire, un après …

Il y a tout juste un siècle, un bouquet d’œillets blancs et rouges déposé sur un cercueil anonyme désignait la sépulture d’un soldat inconnu inhumé dès le lendemain sous l’Arc de triomphe. Cette sépulture symbolise depuis, le sacrifice de chacun des soldats morts pour la France, sur tous les champs de bataille de la planète.

Aujourd’hui, le Panthéon accueille Maurice Genevoix. C’est le soldat, l’écrivain, le porte-voix de « Ceux de 14 » qui entre par la grande porte en ce lieu hautement symbolique. Un poilu parmi les poilus, un poilu qui s’est battu au front, en première ligne, avant d’écrire et de décrire l’indicible dans ses livres, pour rappeler l’horreur absolu des charniers qu’étaient les tranchées de 14.

Les commémorations existent pour ne pas oublier ceux qui sont tombés pour notre pays, et ce qu’il représente dans le monde et l’histoire … Comment en ce jour ne pas saluer la mémoire de Samuel Paty, hussard noir de la république, mort parce que justement il en défendait et en enseignait les valeurs.
Le vivre ensemble, la laïcité, la liberté de parole et de pensée, la liberté de croire ou de ne pas croire, autant de trésors fragiles et rares à l’échelle de la planète et du temps qu’il nous faut protéger aujourd’hui et demain.

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