De la ville durable au territoire durable …

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La revue Urbanisme a consacré un numéro spécial à l’étalement urbain et m’a demandé d’y participer voici un extrait de la tribune publiée …

Revue urbanisme

Hors série sur l’étalement urbain

 

«  Un Maire n’est pas l’élu d’une ville mais d’un territoire, ensemble complexe composé d’entités urbaines, agricoles et naturelles qui doivent dialoguer ensemble en bonne intelligence … / …


La consommation croissante d’espace naturel en Ile de France, notamment en Seine et Marne atteint des limites qui doivent interpeller les acteurs qui font la ville, tant la menace de voir se dégrader ce patrimoine naturel fragile est réelle. Chacun connaît la contribution des espaces ouverts à l’équilibre de l’écosystème, à la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles mais il est essentiel également d’anticiper et de tenir compte des évolutions liées au réchauffement climatique et à la croissance démographique. La fonction de régulateur thermique joué par les trames vertes et bleues n’est pas à sous estimer et il faudra bien loger et nourrir une planète qui comptera  9 milliards d’habitants en 2050, ce qui impose de préserver une agriculture performante.

Face à cette réalité environnementale, il nous est apparu évident de prendre le contre pied du modèle culturel urbain dominant, celui de l’étalement urbain, basé sur le développement de la maison individuelle et de la ville  « longue distance », consommatrice (foncier, énergie, pierre, temps) et dévoreuse d’espaces … / …


Mais au delà du rationnel, du technique, il faut surtout parler d’humain, d’affect, de pathos, de désir. Trop peu d’acteurs se préoccupent de cette problématique, pourtant  centrale. Une feuille de route s’impose : rendre la ville désirable et travailler sur la qualité des espaces, du bâti, des services, prendre en compte les besoins des habitants … La question sociale est essentielle, car vivre en ville, c’est avant tout l’habiter.

Il est urgent de faire évoluer dans l’inconscient collectif les représentations liées à la ville, à l’épanouissement personnel, familial et collectif, en améliorant concrètement la qualité de vie dans la ville,  ses aménités, son intensité urbaine, et en plaçant l’humain et la nature au centre de la réflexion. La ville est un tissu vivant qui doit se régénérer, se reconstruire sur lui même et être en capacité de procurer de l’émotion et d’avoir une dimension évocative : qualité des espaces publics, des formes urbaines, intensité urbaine adaptée au territoire … Il est nécessaire de développer une ville plus intense, mais surtout, paradoxalement, plus humaine …« 


Texte intégral de la tribune…


 

 

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Un Maire n’est pas l’élu d’une ville, mais d’un territoire,

ensemble complexe composé d’entités urbaines, agricoles et naturelles qui doivent dialoguer ensemble en bonne intelligence …

Ce constat a guidé le projet de ville mené sur Trilport, 5000 habitants, située en grande couronne francilienne. Dotée d’une gare SNCF, la commune doit répondre aux obligations de développement urbain et de mixité sociale de la loi SRU, comment préserver dans le même temps un patrimoine naturel et agricole remarquable représentant 80% de son territoire ?. 

Le diagnostic territorial (2000/2002) mené dans le cadre des politiques contractuelles  nouées avec le département et la Région a permis de déterminer 3 priorités : développer dans la ville l’éco construction, l’accessibilité, et préserver la ressource eau.
Un des atouts d’un diagnostic mené sans tabou a été son coté pluridisciplinaire et la qualité de la concertation initiée grâce à la participation de partenaires actifs  : institutionnels, CAUE 77, acteurs du terrain. Elle a notamment aboutit au 1er Contrat Régional d’Ile de France a suivre une démarche H.Q.E sur l’ensemble des équipements réalisés (Centre de loisirs, Ecole et Gymnase).

L’engagement de la ville dans le développement durable et la concertation initiée s’est confirmé avec le lancement d’un Agenda 21 mené en synergie avec la réflexion autour du Plan Local d’Urbanisme (2004 /2007). Clé de voute entre ces deux démarches l’élaboration d’un Projet d’Aménagement et de Développement Durable réellement stratégique. A l’aune de cette analyse croisée, l’intérêt de préserver l’intégrité de l’exceptionnel patrimoine naturel et agricole de Trilport s’est imposé, la problématique de l’étalement urbain apparaissant comme un enjeu majeur du développement du territoire. 

La consommation croissante d’espace naturel en Ile de France, notamment en Seine et Marne atteint des limites qui doivent interpeller les acteurs qui font la ville, tant la menace de voir se dégrader ce patrimoine naturel fragile est réelle.
Chacun connaît la contribution des espaces ouverts à l’équilibre de l’écosystème, à la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles mais il est essentiel également d’anticiper et de tenir compte des évolutions liées au réchauffement climatique et à la croissance démographique. La fonction de régulateur thermique joué par les trames vertes et bleues n’est pas à sous estimer et il faudra bien loger et nourrir une planète qui comptera  9 milliards d’habitants en 2050, ce qui impose de préserver une agriculture performante.

Face à cette réalité environnementale, il nous est apparu évident de prendre le contre pied du modèle culturel urbain dominant, celui de l’étalement urbain, basé sur le développement de la maison individuelle et de la ville  « longue distance », consommatrice (foncier, énergie, pierre, temps) et dévoreuse d’espaces.

Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés aux perspectives de la ville durable. Une demande de riverains lors de la concertation du PLU, nous a donné l’opportunité de lancer une réflexion urbaine (2006/2008) à partir d’un secteur de ville à l’abandon, composé de délaissés agricoles et industriels, situé à proximité directe de la gare SNCF, situation qui nous a amené naturellement à privilégier la piste d’un éco quartier (2008).

Deux axes de travail essentiels se sont imposés : élaborer un projet social moteur basé sur les besoins réels du territoire (actuels et en devenir), rétablir un vrai parcours résidentiel privilégiant la mixité qu’elle soit sociale ou multi générationnelle. Une évidence pour nous, fonder le projet sur  une expertise plurielle en tenant compte des contraintes et potentialités locales (filières de matériaux bio sourcés).
Dans cette optique nous avons initié un Comité de Pilotage d’une quarantaine d’acteurs liés aux mondes du social, de l’économie, de la culture numérique, des mobilités et de l’aménagement et de citoyens impliqués dans l’Agenda 21.

A partir des premières esquisses du projet social et d’un périmètre situé en «cœur de ville», la commune a postulé à l’appel à projet des «Nouveaux Quartiers Urbains» lancé par la région Ile de France.
Trilport plus petite ville postulante, est devenue un des premiers lauréats (2009) de l’appel à projets, ce qui a apporté les moyens matériels et logistiques nécessaires pour approfondir et enrichir le projet d’éco quartier (2010/2012) initial et le diagnostic territorial, en engageant les études indispensables à une opération d’une telle envergure. Repérée par le Ministère de l’Environnement, notre ville a été également lauréate de l’appel à projet national, j’ai alors rejoint le Club national des Eco quartiers auquel j’ai participé activement.

Désirant choisir l’aménageur le plus adapté à l’originalité de l’éco quartier de l’Ancre de lune (nom donné à l’éco quartier), nous avons élaboré avec des partenaires clés (CAUE 77, CETE Ile de France, Bureau d’études) un référentiel durable spécifique qui nous a permis après un appel à projet de plus de 10 mois, de sélectionner comme aménageur parmi 4 les 4 postulants, l’AFTRP, qui porte désormais les destinées de l’ancre de lune (2013). Nous avons également afin d’assurer la meilleure transition possible lors de ce passage de relais et de pérenniser les engagements environnementaux et de concertation opté pour une démarche AEU avec l’ADEME Ile de France.


« Il faut surtout parler d’humain »

Pour qu’une ville soit durable, il est indispensable de privilégier une approche globale, concrète et transversale évitant les écueils du «green washing» et du «green tech». Limiter la performance énergétique aux seules consommations des bâtiments au prix d’innovations technologiques complexes est illusoire et réducteur, tant une ville est un tout  et que le défi énergétique aborde tous les champs du possible dont ceux liés aux mobilités et aux fonctions de la ville comme à ses relations sociales, grand pourvoyeur en GES.

Mais au delà du rationnel, du technique, il faut surtout parler d’humain, d’affect, de pathos, de désir. Trop peu d’acteurs se préoccupent de cette problématique, pourtant  centrale. Une feuille de route s’impose : rendre la ville désirable et travailler sur la qualité des espaces, du bâti, des services, prendre en compte les besoins des habitants … La question sociale est essentielle, car vivre en ville, c’est avant tout l’habiter.

Il est urgent de faire évoluer dans l’inconscient collectif les représentations liées à la ville, à l’épanouissement personnel, familial et collectif, en améliorant concrètement la qualité de vie dans la ville,  ses aménités, son intensité urbaine, et en plaçant l’humain et la nature au centre de la réflexion. La ville est un tissu vivant qui doit se régénérer, se reconstruire sur lui même et être en capacité de procurer de l’émotion et d’avoir une dimension évocative : qualité des espaces publics, des formes urbaines, intensité urbaine adaptée au territoire … Il est nécessaire de développer une ville plus intense, mais surtout, paradoxalement, plus humaine.

 

« Ce qui rassemble les gens dans un lieu, c’est le récit que l’on partage, le récit du territoire, du passé vers l’avenir. Il faut créer du commun, et non du collectif »

Jean Viard



« Sur quels leviers jouer ? »

 

  •  le foncier : limiter drastiquement dans les documents d’urbanisme l’étalement urbain, décourager toute spéculation, altération et fragmentation des espaces naturels et agricoles. Définir avec les opérateurs fonciers  (SAFER, AEV, EPFIF …)  initier des stratégies urbaines territoriales adaptées tenant compte des contextes locaux et donner aux opérateurs les moyens juridiques de protéger le territoire de la spéculation foncière (donation de complaisance …).  
  • Valoriser l’espace naturel et agricole : La France possède une des plus grandes forêt d’Europe, pourtant il n’existe plus d’industrie du bois. Développer cette filière ainsi que des filières courtes de matériaux bio sourcés notamment agricoles (construction, chauffage, bio masse …).
  • Maitriser les différentes temporalités : Il faut du temps pour réfléchir, se concerter, étudier en amont, piloter de manière transversale et collaborative en tenant compte d’échelles de temporalités différentes en anticipant (foncier) les évolutions urbaines en cours .
  • S’appuyer sur un vrai diagnostic territorial  de terrain partant de la réalité et des contraintes du territoire mais aussi des tendance sociétales et des signaux faibles L’aménagement c’est surtout du fonctionnement de la maintenance. Il est important d’être  agile pour s’adapter aux évolutions
  • Elaborer un nouvel urbanisme :  Autour des différents outils (SCOT, PLU, PLD, PLH …), définir une stratégie territoriale à moyen et long terme, anticiper les mutations, ne pas figer une ville qui doit se faire, se défaire et se refaire de manière quasi continue et se régénérer pour ne pas mourir. Il est important de rendre possible la reconstruction de la ville sur la ville.

 

Trilport lauréat 2008 du concours national Art Urbain, lauréat 2009 des appels à projets régional et national, lauréat 2011 de l’appel à projet national et de l’ADEME Ile de France sur l’AEU.

 Pour en savoir plus  www.lancredelune.fr