Élections : l’envers du décor

medium_urne_nb.jpg Avant d’analyser les résultats de ce scrutin et ils le méritent, je voudrais revenir sur cette journée, qui a constitué pour le jeune Maire que je suis un baptême du feu électoral quelque peu mouvementé.
L’occasion de rappeler que ce blog est avant tout un journal de bord qui se doit d’aborder les difficultés rencontrées sur le terrain, afin d’apporter un éclairage particulier, peut être décalé, de l’activité d’un élu de terrain et permettant de dévoiler ainsi quelque peu l’envers du décor …

Revenons sur la difficulté technique que représente pour les petites communes l’organisation de toute élection, une seule obligation de résultat, obsessionnel : le « zéro défaut démocratique », afin que chaque citoyen puisse acquitter son devoir électoral.
Une obligation partagée également par les grandes communes, même si a contrario l’obligation de moyens diffère quelque peu …

Et ce n’est pas le vote électronique qui changera quelque chose à ce constat !

 

medium_elections3.jpgCe scrutin constituant pour moi une première, je n’avais pas voulu prendre le risque de changer quoique ce soit à une organisation déjà rodée et efficace (déroulement, lieu, personnel, logistique …) au regard de l’importance de l’élection; la prudence me conduisant à respecter un sacro saint principe de management : observer, anlyser, maitriser avant de vouloir innover !

Pourtant deux paramètres ont compliqué quelque peu la donne de départ :

– le premier, dont nous devons nous réjouir, est la mobilisation exceptionnelle et historique qui a caractérisé cette journée, un sursaut démographique bien venu, puisque c’est plus de 82% de votants (soit 2797 exprimés sur 3392 inscrits) qui ont voté à Trilport, avec certainement la volonté d’effacer la tache d’infamie pour notre pays et ses électeurs que constitue le scrutin du 21 avril 2002,

– l’autre plus inattendu, carrément inédit et nettement moins positif, est consécutif à une erreur informatique des services (impression de listes d’émargements « désordoonnées ») qui nous a pas mal compliqué la tâche toute la journée, comme celle de tous les citoyens accomplissant leur devoir électoral … 
Une seule erreur, mais payée cash, heureusement sans conséquence si ce n’est l’attente supplémentaire des nombreux électeurs, déjà longue du fait de l’importance de chaque bureau.

Un évènement qui me donne l’occasion de revenir sur l’organisation et la logistique à déployer afin de permettre à notre vie démocratique de s’épanouir en toute sérénité, 

Avec pour perspective une innovation technologique introduite cette année, celle du vote électronique. Peut elle être une solution à ces problèmes d’organisation ?

Un point de vue que je ne partage pas et ce pour plusieurs raisons …

 

 Le prix de la démocratie

Avant d’aborder la question du vote électronique, il est bon de camper quelque peu le décor. Petit rappel des différentes tâches à accomplr à destination de chaque citoyen électeur …

 

Avant le scrutin :
– Préparation administrative : constitution des listes d’émargement, mise à jour suite aux réunions de la Commission Electorale (radiation, inscription de nouveaux électeurs), impression des listes (c’est là que c’est situé le bug qui nous a pas mal perturbé dimanche) puis des cartes d’électeurs, envoi des cartes et traitement des retours …
– Déploiement des panneaux électoraux, en nombre règlementaire s’il vous plait, répartis sur l’ensemble du territoire de la commune,
– installation des isoloirs et des urnes.

Durant le scrutin :
Le responsable de bureau, accompagné de l’agent territorial, (en liaison téléphonique avec les services de la Préfecture, sur le qui vive …) et de « petites mains » se relayant afin de distribuer les enveloppes, de reconditionner les isoloirs, assurent le bon déroulement, la légitimité du scrutin et le respect des textes, jusqu’à 18 heures théorique, heure de fermeture des portes du lieu de vote. Les citoyens encore présents dans le lieu de vote avant la fermeture des portes, peuvent voter.

Au regard des files d’attentes considérables de ce dimanche, un constat s’impose : pour les prochaines élections de 2008, nous devrons certainement refondre les listes afin de créer de nouveaux bureaux et d’alléger les temps d’attente de chaque électeur … le devoir citoyen ne doit pas constituer une corvée !
Ceci étant, remarque particulière en direction des électeurs de Trilport. Aprés prise de contact avec plusieurs de mes collègues, les files d’attente ont été partout d’une longueur  totalement inhabituelle. 

Aprés le scrutin :
Il doit être méthodique et serein, consitutant une réelle vitrine démocratique. Un maître mot, transparence … Chaque électeur peut y assister du début à la fin.
Déroulement immuable : recompter la liste d’émargement, vider l’urne sur la table,  compter les bulletins, les classer et les ranger en paquets de cent, puis c’est le mement du dépouillement proprement dit avec l’ouverture des enveloppes, la lecture des bulletins et leur pointage … Le tout sous l’oeil avisé des scrutateurs et des citoyens présents. Enfin, il ne reste plus qu’à reporter les résultats, les communiquer par fax à la préfecture, et porter au Commissariat les différents procès-verbaux et listes d’émargement de chaque bureau …

Le vote électronique peut il constituer une solution utile permettant d’alléger cette logistique  ?

 

Machines à voter : victoire ou défaite démocatique ?

medium_vote_electronique.jpgA priori, ces machines possèdent quelques arguments à faire valoir : plus besoin de bulletins et d’enveloppes à imprimer, suppression du dépouillement et du décompte des bulletins, tout est dit en un tour de main … Economie de moyens, de temps, de consommation de papier, cette solution ne présente à priori que des avantages …

Pourtant, telle n’est pas mon opinion …

Pour plusieurs raisons : déshumanisation du vote, abandon du coté public, citoyen et transparent de cet espace de respiration de vie démocratique que constitue un dépouillement de scrutin …  sans parler du coté émotionnel et parfois théatral des minutes durant lesquelles  chacun croit voir les résultats se dessiner malgré les retournements de situation ou de tendance toujours possible …

Mais là n’est pas l’essentiel, le risque est ailleurs.

Avec de telle machines, tout est caché, vote et dépouillement. Aucune vérification possible, contrairement au système manuel, ou l’unique moment non public et privé est le choix individuel de l’électeur effectué dans l’isoloir …
alors « Tout devient possible » , et ce, sans tomber dans la paranoïa … Imaginons une seconde, un Etat qui ne serait pas impartial, ou la collision des moyens et des pouvoirs ferait que la démocratie ne pourrait devenir qu’une apparence ? Où les instances de contrôle et de régulation seraient nommées par le Pouvoir …

 

L’intérêt de ce choix n’est de plus pas évident …

Sans aborder le cout d’acquisition de ces machines, élevé, le problème est qu’il existe un risque potentiel pour la démocratie de détournement politique d’un vote. L’exemple américain de la première élection de Bush est à ce sujet édifiant (élu alors qu’il avait perdu les élections à la suite d’une « défaillance technique » des machines à voter dans un état dont le gouverneur était un de ses soutiens). Il me semble également dommageable d’abandonner cet exercice de vie démocratique, somme toute salutaire, qu’est le dépouillement des bulletins.

Autre constat, les files d’attente dans les communes utilisant le vote électronique n’ont pas été moins importantes !  

Dans ce domaine, je préfère décidemment le traditionnel et la méthode manuelle, artisanale, rien ne vaut la « filière courte », ce qui pour un écolo dans l’âme comme moi va de soi, allons directement du producteur au décompteur ou de l’électeur au scrutateur …

 

Résultats de Trilport (document PDF)