La Seine-et-Marne est désormais vue du ciel, s’il existe ?

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C’est avec tristesse que je viens d’apprendre que Christian Bartillat vient de tourner avec élégance la dernière page de sa vie, afin d’écrire de sa belle écriture déliée le mot fin …

Et des pages on peut dire qu’ il en a connu … écrites avec passion, rigueur et humilité de sa plume alerte et précise, ou découvertes en provenance de tous les horizons et de tous les continents …
Ce diplômé en sciences politiques, essayiste et écrivain, a surtout été pour la majorité d’entre nous un éditeur de premier plan.

Je devrais plutôt dire « à géométrie variable »,  tant il a accordé autant d’importance, de considération et de respect à des auteurs majeurs tel Karen Blixen, Anais Nin, Virginia Woolf ou Henry Miller qu’il a contribué à faire connaître en France, qu’à des historiens locaux anonymes dédiant leur existence, à la petite histoire des petites gens d’antan ou à leur territoires .…

Cet éditeur reconnu de la place de Paris, directeur général des Éditions Stock, avait en effet décidé de consacrer la dernière partie de sa vie, à contribuer à nous rappeler l’importance et la qualité d’un patrimoine historique, culturel local, trop souvent méconnu, oublié ou même ignoré … Un des livres édités par les presses du village, ne s’appelle t’il pas « La Seine et Marne vue du ciel » ?

Il l’a fait en présidant notamment aux destinées de la Société d’histoire et d’art de Meaux, mais surtout en créant les éditions « Christian de Bartillat », puis les Presses du Village qu’il a dirigé durant vingt-huit ans, jusqu’en 2010, lors de la cessation d’activités d’une maison d’édition,  atteint par la maladie 

 

Cela a été une si belle aventure …

 

 

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Pour faire vivre de telles sociétés d’éditions, il faut non seulement du talent, de la passion, mais aussi des moyens financiers, car ce sont bien les économies de ce mécène qui ont permis aux Presses du Village, de fonctionner tant d’années.
Il avait eu cette heureuse formule lors d’un interview accordé à Bernard Pivot « En tant qu’éditeur, je ne créé pas, je procréé » …

Et des enfants de papier, il a en eu, à foison …

Un interview émouvant, qui m’a permis d’entendre pour la première fois, sa vraie voix, une belle voix grave, profonde et précise, où chaque mot était à sa place et pesé.  Lors de nos rencontres, j’avais été frappé par l’altération de cette voix brisée par la maladie, mais qui malgré la déformation due à l’appareillage, était littéralement habitée par la passion et la flamme communicative qu’il consacrait à tous ses auteurs …  

Nous avons mené à terme à l’époque un projet commun, qui sans son concours désintéressé n’aurait jamais pu voir le jour : la réédition  d’un livre, qu’une de mes concitoyennes Michele Bardon, auteur des « Presses du village » et historienne locale reconnue, avait consacré à ma ville, Trilport. J’ai aujourd’hui une pensée émue, pour luises proches, mais aussi Michèle Bardon, qui nous a quitté il y a déjà quelques année et qu’il a tant soutenu dans ses travaux.

Je  tiens à associer à cet hommage un ami toujours en activités, Damien Blanchard. Depuis des années il se bat et se débat pour faire vivre, lui aussi, une maison d’édition dédiée à l’histoire locale : les éditions Fiacre. Ce n’est pas pour rien que Christian de Bartillat lui avait d’ailleurs proposé de reprendre les rênes des « Presses du Village ».

Pour perpétuer son souvenir,  chacun peut contribuer à ce que  Damien Blanchard poursuive son activité de « passeur » et d’éveilleur qu’il partage avec ce gentleman de culture et d’histoire locale qu’était Christian de Bartillat, pour qui le mot culture s’écrivait au pluriel, avec humilité, considération, ouverture et respect, tant de l’oeuvre, que de ou des auteurs mais aussi et surtout des lecteurs.

 

 

 

Voilà ce que je déclarais lors de la présentation du livre de Michèle Bardon 

Il est essentiel à l’heure d’Internet, du zapping et de l’instantané, de saisir tout le poids du passé, et de prendre le temps de la réflexion. Un élu qui aime son territoire et dispose de la dose d’humilité minimale, le sait … Les leçons de l’histoire se conjuguent au présent, souvent au futur et quelquefois au conditionnel .

C’est le sens de l’engagement de Christian de Bartillat, à qui je veux rendre hommage et sans qui nous aurions eu beaucoup plus de mal à boucler ce projet.  Cet homme de passion, de valeurs et de fidélité, a choisi il y a 25 ans d’implanter dans un village voisin, Etrépilly, une société d’édition dénommée « Les Presses du Village ».  Le choix de cet érudit, dirigeant de grandes maisons d’édition ( le Seuil, les Presses de la cité) loin des canapés et des petits fours des milieux intellectuels parisiens en a surpris plus d’un. C’était un choix du cœur,  qui s’est révélé au fil du temps précurseur … Le Développement Durable c’est aussi cela !

Avec sa société d’édition, il a contribué plus que quiconque à faire revivre l’histoire de cette région, mais également à permettre à de nombreux historiens animés d’une passion commune à la faire partager. Plus que jamais, je pense qu’il n’y a pas de petite histoire ou de grande histoire, il y a l’histoire … il n’y a pas non plus de petites gens sans importance, mais des hommes et des femmes qui passent , s’épanouissent et marquent parfois leur passage ici bas, d’une empreinte fugitive ou monumentale, qui peut surgir soudain au détour d’un quartier…

C’est également ce qu’écrit avec ses mots, Michelle Bardon :

 « Peut-être faut-il savoir, par delà le temps, retrouver la présence des amis disparus, avoir savouré la douceur qui inonde de sa paix champs et bois aux derniers rayons du soleil vespéral, la joie des matins de Pâques, fleuris d’oiseaux et d’arbres fruitiers, lorsque se répondent dans le ciel d’un bleu très pur, tous les clochers d’alentour,. les murmures bruissant du silence de la forêt, les jeux du vent dans les mais et dans les blés, la sérénité altière de la Marne ou encore, après la pluie, les pleurs des roses des jardins, peut-être faut il avoir goûté la quiétude de ces lieux pour s y attacher profondément et en apprécier la beauté toute simple?