Les quartiers durables à l’échelle européenne

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J’ai participé il y a quelques semaines avec une délégation de Maires seine et marnais à une visite d’éco quartiers européens dont celui de Vauban à Fribourg, véritable icône de cette problématique urbaine.

Deux remarques préalable toutefois : s’il est toujours utile pour un élu d’effectuer des visites de terrain afin de se « nourrir » d’expériences concrètes, le « benchmarking » demeure cependant un outil redoutable qu’il serait dangereux de limiter au simple copier/coller, signalons également qu’il est dommageable de réduire un quartier à une simple réalisation urbaine, même novatrice !
Un quartier est un pan d’histoire collective qui peut se conjuguer à plusieurs modes : passé simple, composé (même si le décomposé s’impose parfois  …), présent, futur ou conditionnel, c’est dire …
Des habitants y vivent, s’y épanouissent (ou non), quelquefois durant des générations, il est la résultante d’une alchimie complexe dépendant de plusieurs dynamiques qui s’entremêlent : expertise et intelligence collective, ressources financières, vie interne mais également aléas …

A ce titre le document de l’ARENE (téléchargeable sur ce blog : « Quartiers durables européens ») est utile, si aucun des exemples présentés n’est semblable, tous sont cependant issus d’une volonté politique forte, qui a permis de faire bouger les lignes et d’aplanir les difficultés rencontrées sur le terrain ou en amont.

Ces préalables étant posés, j’ai retiré de réels enseignements de ces visites enrichissantes et opportunes (j’y reviendrais). Pour être trés clair, mon objectif n’est pas de démontrer le retard indiscutable des français en environnement, ou d’affirmer que les quartiers visités constituent la pierre philosophale du Développement Durable, mais tout simplement d’envisager des pistes de travail à explorer, de les confronter à la réalité « locale » et à ses contraintes afin de faire le point sur une problématique qui est surtout globale …

Tout est lié … Concernant l’avenir de nos enfants et de la planète, une évidence s’impose, l’urgent aujourd’hui n’est plus de s’en convaincre mais d’avancer concrètement vers un mode de développement plus vertueux …

Passons aux pistes de travail …

 

eco-quartier-vauban5.jpgPremier constat, l’antériorité de la démarche menée à Fribourg. Le quartier Vauban a déjà plus de 10 ans d’existence, alors que les premiers écos quartiers français sortent seulement des cartons des urbanistes et des aménageurs.
Ces derniers réunis pour un séminaire  par la Région Ile de France il y a quelques jours n’envisagaient le label BBC qu’à titre expérimental, c’est dire le chemin à parcourir lorsque l’on sait que ce label sera le standard en 2012 !

L’appellation même d’éco quartier est soumise à caution, n’étant pas encore « AOC » ! Ce manque devrait être rapidement comblé puisque l’Etat (via le MEDDAT) et certaines collectivités territoriales (Région notamment)  élaborent actuellement des référentiels aux appellations certes différentes mais à l’objectif semblable : susciter la création de quartier durable (Ministère), ou de nouveau quartier urbain (Région ile de France) … Les premiers appels à projets viennent juste d’être lancés, afin d’accompagner des initiatives locales pouvant servir de références par la suite. J’en parle tranquillement, ma commune ayant postulé, nous aurons l’occasion d’y revenir …

Il est utile de rappeller que la création d’un éco quartier aussi emblématique que celui de Vauban est la résultante d’un long processus remontant aux années 1970.

Tout est parti en fait de la mobilisation contre le développement de l’énergie nucléaire, rassemblant en 1975 des dizaines de milliers d’écologistes européens devant les projets de nouvelles centrales projetées en France (Fessemheim) et Allemagne (Whyl). Cette mobilisation a été le déclencheur d’une véritable prise de conscience collective. L’occupation non violente du chantier de la centrale nucléaire de Wyhl notamment par 25.000 militants écologistes durant 8 mois, aura des conséquences politiques majeures en Allemagne, déclenchant un profond mouvement de fond  : 12 projets de réacteurs sur le Rhin sont abandonnés dont celui de Wyhl, émergence du mouvement anti-nucléaire européen (« Plutôt actif aujourd’hui que radioactif demain ! ») et d’un autre mode de développement énergétique à partir des énergies renouvelables, notamment à Fribourg.

Cette ville devient une des premières à élaborer un plan de planification énergétique urbaine communal sur 10 ans, privilégiant production d‘énergie renouvelable (principalement solaire) et économies d’énergie; dans la foulée, dés 1996, son conseil municipal adopte un plan climat aux objectifs aujourd’hui encore ambitieux : réduction de 25 % les émissions de CO2 d’ici 2010 (le facteur 4 ). Dans le même temps, afin de promouvoir le recours au solaire, toute une batterie de mesures est prise : subventions, soutien technique, campagne d’information, rachat d’électricité verte au tarif préférentiel, visites d’installation pour les propriétaires intéressés, développement d’une industrie locale et de labo de recherche autour du photovoltaïque. Avec le succés que l’on connait …

Mais l’effort pour être global porte également sur la mobilité, autre cause majeure du réchauffement climatique. Des mesures concrètes, sont prises : augmentation de l’offre tramway et bus (extension du réseau, amplitude, fréquences), amélioration des conditions de déplacement pour les piétons et les cyclistes, construction de parkings vélos, nouvelle organisation urbaine limitant le recours à la voiture particulière, amélioration de la gouvernance autour des transports …
Elles portent désormais leurs fruits : sur 500 000 déplacements journaliers, 40 % sont effectués en voiture particulière, 30 % en transport public et 30 % en vélo, 30 % des ménages vivent sans voiture privée, Fribourg comptabilise 160 kms de pistes cyclables et un parking vélo à proximité de la gare d une capacité  de 900 places assurant la liaison rail-travail.

Aujourd’hui ; plus de 10 000 emplois sont liés à l’écologie et Freiburg en est devenue la capitale européenne. Le quartier Vauban marque une nouvelle étape dans cette démarche et poursuit des priorités environnementales novatrices (vie sans voiture, habitat sain, énergies renouvelables, efficacité énergétique, modes de transports doux, participation citoyenne et mixité sociale) traduction concrète de dynamiques spécifiques qui se sont croisées à un moment et sur un territoire donné.
Ce quartier est une conséquence logique de ce vaste mouvement d’ensemble. Profitant du site d’une ancienne caserne des forces françaises d’Allemagne, libérée en 1992, la municipalité lance en 1996 les opérations de renouvellement du secteur, privilégiant une démarche inédite de développement durable : maisons à énergie positive et procédure HQE : qualité des matériaux, isolation, toitures végétalisées, emploi de panneaux solaires …
Point essentiel, la construction d’une ligne de tram reliant directement le quartier au Centre Ville (distant de 4km) permet de s’attaquer de front à la problématique de la mobilité urbaine; la voiture n’étant plus indispensable, sa place dans la cité est remise en cause.
La part dévolue au stationnement en atteste : les places de parking ou garages privés ne sont possibles que pour 25 % des logements situés en périphérie, les autres logements, bénéficiant eux de parkings souterrains et de deux parkings-silos. Les rues étant réservées en priorité à la circulation douce, les voitures ne dépassant pas une vitesse de 5 km/h.

Lors de notre visite, d’autres points nous ont marqué, pas forcemment spectaculaires mais se révélant à la réflexion trés pertinents au niveau environnemental :

– la priorité donnée à  l’efficacité énergétique, qui ne se limite pas au nouveau bâti;  pour preuve la visite effectuée en compagnie de l’architecte d’un bailleur social, d’une rénovation menée sur de vieux immeubles datant de 1963. Aprés les travaux,  ces derniers respectent désormais la norme BBC, celle là même qui présente tant de difficultés pour nos professionnels du BTP !
Trois types d’interventions ont permis d’arriver à un tel résultat sur des bâtiments vieux de plus de 40 ans : isolation extérieure (20 cm de polystirène), changement des fenêtres (triple vitrage) et des huisseries et interventions sur les salles de bains avec transformation d’une loggia en balcon extérieur, neutralisant du coup un pont thermique énergivore tout en offrant aux locataires plus d’espace et de confort. Résultat final une division par 10 de la facture énergétique, les loyers peuvent augmenter sans dommage pour les locataires !

– la place particulière prise par le végétal que ce soit sur les sites (espaces verts, hauts sujets) ou du fait de perspectives vers l’extérieur (aménagements de points de vue donnant sur les coteaux de la Forêt Noire), indiscutablement un élément important du cadre de vie des habitants, donnant non seulement un cachet au quartier mais renforçant également son identité …

– la production d’énergie renouvelable, avec la généralisation du solaire qui est à souligner, comme également les performances incroyables des chaudières à co génération, produisant tout à la fois, chaleur et électricité …

– les espaces communs collectifs (passerelles, coursives, escaliers …) situés à l’extérieur du bâti, pour des raisons évidentes d’isolation …

Il est vrai que chaque architecte allemand avec lequel nous avons dialoguer possède une parfaite connaissance technique de la problématique énergétique, domaine quelque peu délaissé jusque là par leurs confrères français; j’aurais quelques anecdotes sur ce sujet éclairantes et récentes  ! L’efficacité énergétique est un objectif également partagé par les architectes suisses, autre lieu de visite. Au regard des contraintes liées à l’application du label MINERGIE, qui désormais fait autorité chez les helvètes, beaucoup de professionnels locaux écartent désormais de facto le gaz et l’électrécité comme sources principales d’énergie (chauffage, eau sanitaire …). Pourtant la Suisse n’est pas réputé pour sa chaleur !

Chacun peut s’en rendre compte, il ne s’agit pas ici d’effectuer un quelconque copier / coller, d’autant que ces éco quartiers aujourd’hui emblématiques commencent à dater …
Notons cependant qu’ils sont issus d’un mouvement de fond et d’une prise de conscience collective qui désormais touche heureusement notre pays et entrainera inévitablement (qui s’en plaindra ?) une profonde remise en cause, chez nos professionnels, les élus et nos concitoyens ne pouvant plus faire l’impasse ou l’économie, de placer tout à la fois l’urbanisme, l’efficacité énergétique au centre de leurs préoccupations …

 

L’objectif n’est il pas aujourd’hui de bâtir les éco quartiers qui constitueront des références dans 10 ans ?