Mondovino ou quand Parkerisation rime avec Globalisation

Les vacances sont souvent un moment privilégié pour lire des livres ou voir des films qu’un emploi du temps trop chargé nous a laissé échappé … C’est le cas avec Mondovino le film de Jonathan Nossiter présenté au Festival de Cannes 2004 qui est sorti en DVD.
Le vin il connaît, Jonathan Nossiter, il n’est pas tombé dedans quand il était petit, mais tout comme … Car ce réalisateur réputé a travaillé comme serveur œnologue à Paris et passé un diplôme de sommelier à New York. Il cependant a gardé ancré au plus profond de lui la french touch et l’amour du bon vin et du terroir. Son documentaire, savant et subtil montage (sur prés de 500 heures enregistrées) est un modèle du genre.

 

 Il nous propose à partir d’interviews d’acteurs du terrain, un tour du monde presque complet de la planété vinicole (manque cependant l’Australie, l’Afrique du Sud et le Chili) périple des plus captivants, qui à partir de l’exemple du vin nous amène à réfléchir plus globalement sur les enjeux de la globalisation. Sur la base d’interviews décapants, Nossiter a su avec beaucoup d’humour et de maîtrise, avec des images furtives, des seconds plans, des détails, des silences, recréés les différentes atmosphères des lieux parcourus, quelquefois surréalistes. Des images qui s’adressent à nos sens, sans parti pris mais avec des choix qui, in fine, ne laissent pas indifférents le spectateur. Un de ses mérites est d’avoir su établir une relation privilégiée avec ses différents interlocuteurs, qui s’expriment devant lui, devant nous, sans langue de bois, natures. Là ou Michael Moore met le bazooka, Nossiter fait de la dentelle, mais une dentelle diablement efficace.

 Il n’est pas surprenant que Mondovino ait causé un mini tsunami dans le monde viticole car ce documentaire porte en lui, non seulement une réflexion sur la globalisation et la standardisation du goût mais également sur l’évolution des hommes et de la société (rappelons tout de même que les vins abordés dans ce documentaire ne sont pas du vin de table mais des vins de luxe) de manière plus générale, car derrière le devenir du vin, se cache également celui d’autres produits du terroir.

Nossiter, dans son film révèle la puissance de trois personnes : le français Michel Rolland (le « flying wine maker », star des œnologues consultants), le célébrissime Robert Parker (himself) et les frères Mondavi (d’où le non du film) gèrant une multinationale située à Nappa en Californie et qui produit plus de cent millions de bouteilles.

Trois hommes qui ont réussi, grâce à l’aura et à la renommée intergalactique du critique américain Robert Parker a imposé peu à peu un goût unique pour le Bordeaux, basé sur l’oxygénation du vin et sur un goût boisé provenant en grande partie de l’utilisation systématique de jeunes fûts de chêne masquant peu ou prou le goût du vin et lui donnant un arôme vanillé. Les liens existant entre ces différentes personnes, démontrent que l’indépendance d’esprit évoquée par le critique est en fait toute relative comme la subjectivité de son expertise.

C’est David contre Goliath, le choc des artisans contre les Multinationales, le nouveau monde contre la vieille Europe, la guerre entre les amoureux des vins qui se consomment « en longueur » contre ceux qui bluffent le dégustateur. Ce film un peu manichéen, démontre le danger revêtu par la dictature des marques, la standardisation, le nivellement des différences (identité, culture …) sacrifiés sur l’autel de la rentabilité économique et de la vérité révélée, celle de Robert Parker, notamment. Cet ex avocat gauchiste (ancien supporter de Ralph Nader) fait la pluie et le beau temps partout sur la planète des amateurs de vins depuis 20 ans. Son nez et son palais sont assurés à un million de dollars. Une influence qui inquiète notamment lorsqu’il déclare être l’ambassadeur de la démocratie dans le monde du vin. Des propos que ne renieraient pas un certain Georges Bush.

Une seule certitude après la projection de ce film, vive le bon vin et vive les différences …

Mais comme toute histoire a sa morale depuis la sortie du film de Nossiter, la famille Mondavi a perdu le contrôle financier de son entreprise à la suite d’une OPA hostile.. Nappa ton univers impitoyable !