Où l’on reparle de la ligne P, coté gare …

« Il n’y a de richesses que d’hommes » Jean Bodin, médiéviste, lire femmes et hommes …

Depuis quelques semaines la rumeur d’une fermeture de la gare de Trilport persiste, y compris si elle est infondée. Le sujet mérite cependant d’être approfondi en transparence et replacé dans le contexte plus global du contrat de concession liant l’autorité organisatrice, Ile de France Mobilités, et son concessionnaire, la SNCF.

Chaque nouveau contrat d’exploitation donne inévitablement lieu à une relecture des missions et exigences attendues par l’autorité organisatrice et une attribution de moyens financiers pour les atteindre. C’est le cas pour la période 2020-2023 qui a été très grandement perturbée par le COVID et a laisse une facture considérable à la Région.
Tout renouvellement se traduit également par de nouveaux objectifs de qualité de service et d’offre ferroviaire et la mise à jour de toute une batterie d’indicateurs d’évaluation (ponctualité, respect de la desserte des gares, garantie des fréquences des trains annoncées, système de bonus/malus … ). Outre le doublement des investissements consentis par la région sur le réseau durant la période la SNCF s’est engagée a maîtriser les coûts et adapter offre de transport et services fournis en gare au contexte financier contraint.

C’est dans ce cadre contractuel qu’intervient le projet « nouvelle offre de services en gare » initié par Transilien et négocié âprement depuis quelques mois par la direction et les syndicats qui y abordent des sujets aussi chauds que la fermeture de nombreux guichets, le redéploiement des ressources humaines sur d’autres missions et la création d’équipes dites « mobiles » dont la mission est de se déplacer dans les gares d’une ligne donnée en fonction des incidents ou de l’affluence des usagers.
Autre élément à prendre en considération, l’ouverture prochaine à la concurrence qui n’est pas sans incidence sur la rationalisation des services mise en œuvre par la SNCF.

Soulignons que présence humaine en gare constitue une véritable priorité pour les élus et les usagers qui considèrent que l’humanisation fait partie intégrante de l’offre de transport, au regard de la place de choix des gares dans la chaîne des mobilités. Elles constituent des éléments structurants majeurs de nos territoires et un enjeu de sécurité évident que ce soit pour les usagers ou les infrastructures du réseau au sens le plus large.
Cet objectif nécessite, vigilance, surveillance, entretien et maintenance. Beaucoup d’entre elles sont devenues de véritables pôles multimodaux, et elles concentrent différentes problématiques : surveillance de l’infrastructure, sécurité, médiation, information, accompagnement de publics fragilisés, veille sur la maintenance et l’entretien des locaux, des quais et abords, enfin in fine fonction commerciale.

Qu’en sera t’il d’ici quelques mois pour la gare de Trilport ?
Au regard de mon implication sur les problématiques liées à la ligne P et aux mobilités en général, j’ai demandé à la SNCF et à Ile de France Mobilités des précisions sur les mesures envisagées dans le cadre du projet « d’adaptation des services en gare », compte tenu des spécificités de la gare de Trilport (pôle multimodal, rupture de charge entre deux lignes …).

Après réception du projet initial, j’ai fait valoir mes arguments sur les propositions parvenues, fait part de certaines réserves ou oppositions et émis quelques pistes de réflexion. Je me félicite du dialogue constructif initié en amont que ce soit avec l’autorité organisatrice et l’opérateur dans l’attente évidemment des arbitrages qui suivront.

Qu’en est il concrètement ?

Si le maintien de l’ouverture de la gare de Trilport est confirmé, certaines mesures proposées constituent une dégradation du service rendu aux usagers, tant l’accueil et la présence humaine en gare font partie intégrante de la qualité des conditions de transport.

« Les automates de la SNCF rêvent ils de moutons électriques »

Les principales propositions d’évolution des services pour la gare de Trilport portent sur quatre points :

  1. Maintien de l’ouverture de la gare SNCF
  2. Ouverture quotidienne du lundi au vendredi de 6 à 10 heures
  3. Présence humaines assurée par une équipe dite « mobile »
  4. Mise en place d’un dispositif de télé opération permettant l’ouverture de la gare, y compris sans personnel sur une amplitude horaire élargie.

Ce ne sont à ce stade que des propositions qui ont fait l’objet de remontées de notre part aussi nous attendons les réponses que ne manqueront pas d’apporter IDF mobilités et la SNCF aux réserves, oppositions et propositions émises qui suivent.

Sur les conditions d’ouverture de la gare

Le choix de privilégier la présence des personnels en semaine plutôt qu’en week-end ne soulève pas d’opposition particulière de notre part, à la condition toutefois que la gare soit évidemment opérationnelle le lundi dès le premier train. Vu la nécessité d’optimiser la présence humaine autant privilégier effectivement les périodes les plus fréquentées par les usagers.
N’oublions pas également de tenir compte pour le futur de l’évolution de la fréquentation liée au développement touristique du territoire en week-ends sur laquelle nous travaillons avec l’office intercommunal de tourisme, le département et la Région Ile de France.

L’amplitude proposée initialement (6 à 10 heures) n’apparait pas adaptée et sous entend en contre point l’absence totale de présence humaine dès 10h, ce qui semble irrecevable. Il conviendrait à minima d’ouvrir la gare toute la matinée afin que chaque usager puisse prendre ces dispositions et rencontrer un agent de la SNCF.

Sur la nécessité de maintenir une présence humaine dédié

Si la digitalisation des titres de transport constitue un formidable progrès et doit être encouragée, rappelons qu’un automate, aussi perfectionné fut-il, ne peux remplacer l’expertise et le savoir faire d’un agent de la SNCF.
Limiter le champ des missions des personnels présents à la seule exploitation commerciale du réseau (ventes de titres de transport et contrôle de ces titres) apparait réducteur, vu l’importance et la complexité de gares devenues de véritables éco systèmes : quais, équipements, abords immédiats tout en tenant compte de l’évolution des sites au regard du développement de nos territoires et des nouvelles tendances de mobilités.
Autant, il semble opportun d’explorer la piste d’une responsabilisation accrue des personnels et d’une évolution de leurs missions, autant le recours à des équipes mobiles déployées sur l’ensemble d’une ligne et orientées uniquement vers des missions uniquement commerciales constitue selon moi un appauvrissement du suivi global de l’infrastructure et risque à terme d’avoir une incidence directe sur l’intégrité du site, sa maintenance, son entretien et la sécurité des usagers.

Spécificités de la gare de Trilport

Il faut rappeler les spécificités de la gare de Trilport située au croisement de deux lignes, (Château Thierry et La Ferté Milon) ce qui occasionne des ruptures de charge quotidiennes, souligner les dysfonctionnements fréquents de la ligne de La Ferté Milon qui nécessite médiation et informations aux usagers en situation « perturbée » et l’augmentation régulière de la fréquentation du réseau.
Concernant les mesures de « télé opération » sur l’ouverture et la fermeture automatique de la gare sans contrôle humain direct, je rappelle que pour des raisons de sécurité et de responsabilité, la collectivité ne peut se suppléer à l’exploitant.

Le vœu du Conseil régional

Cette question de l’humanisation des gares fait débat à Ile de France Mobilités. Dans sa séance du 17 février 2022, son Conseil d’Administration a adopté à l’unanimité un vœu présenté par sa présidente Valérie Pécresse abordant les problématiques liées à l’accès des usagers au bâtiment voyageur, l’amélioration de la qualité de service dans les gares, et rappelant qu’aucune réduction d’effectifs n’est acté dans le nouveau contrat qui prévoir même le recrutement d’agents supplémentaires, ce qui a été spécifié à l’opérateur (audition du 10 février).
Il y est souligné les moyens financiers importants consentis à la SNCF pour mettre en œuvre de nouveaux services dans les gares (crèches, commerces, installations d’associations, espaces de coworking, de maisons de services aux publics pour les maires qui ont un projet …) et financer la réouverture les bâtiments voyageurs fermés à partir du déploiement de la téléopération dans les gares,
Ce vœu rappelle l’importance de la présence humaine en gare afin d’assurer un service public de qualité et l’accélération du déploiement du projet baptisé « Gares de demain » en concertation avec les élus des communes et communautés d’agglomération concernées et celui des nouveaux équipements en gare : nouveaux automates, interphones, bornes d’informations …

« Aide toi et le ciel t’aidera » ou comment anticiper pour ne pas subir

J’ai indiqué à l’opérateur comme à l’autorité organisatrice que nous étions disponibles pour travailler à de nouveaux scénarios plus compatibles selon nous aux intérêts des usagers et permettant de renforcer la présence humaine dans la gare, que ce soit évidemment liés directement aux mobilités mais pas exclusivement. J’ai toujours été de ceux qui chercher et proposer des solutions plutôt que ceux qui commentaient les problèmes.

Chaque ligne ferroviaire constitue une ligne de vie entre et dans nos collectivités et joue un rôle clé dans les solidarités et les dynamiques territoriales. Les gares sont la porte d’entrée (ou d’arrivée) et le maillon essentiel du réseau ferré francilien qui apporte une véritable valeur ajoutée du fait des externalités positives générées sur l’ensemble de l’Ile de France. Le réseau ferré ne peut se réduire à un ensemble d’automates désincarnés et déshumanisés. Le lien humain est indispensable à la cohésion, à la dynamique, à l’accessibilité d’un réseau qui se doit d’être inclusif et bienveillant et au service de tous les usagers.

L’expérience m’a apprit, qu’il convient d’anticiper pour ne pas subir, en explorant si nécessaire de nouvelles pistes autour de l’innovation sociale, à rechercher des synergies locales, autour de services à déployer et à proposer aux usagers, qui permettront de renforcer l’attractivité de la gare et la présence humaine sur le site.

Nous travaillons à la mise en place et au déploiement de nouveaux services qu’ils soient liés directement aux micro mobilités (gardiennage de vélos, trottinettes …) ou non (conciergerie, click and collect à la sortie du train … ) et envisageons d’aller encore plus loin en nous inscrivant dans la démarche « Gares de demain. 1001 gares » tout en réfléchissant au développement d’offres liés au tourisme vert, tant notre région dispose de magnifiques atouts en ce domaine.