Un festival du vent, bien nommé …

mini-calvi-1.jpgL’approche des fêtes de Noel ou bien celle de la fin du Monde (chacun son choix) m’incite à mettre ce blog à jour, d’autant que j’ai oublié de publier la  note écrite sur un événement auquel j’ai eu l’honneur de participer début novembre à Calvi, le 21 eme Festival du vent (ou festiventu,  « Courants d’art et inspirations écolos »).

L’édition 2012 a fait honneur à son nom, au regard de la violence de la tempête qui s’était abattue sur l’ïle de Beauté, le vent était bien au rendez vous, au grand dam des organisateurs, des compagnies aériennes comme de leurs passagers. L’atterrissage sur Bastia a constitué un grand moment d’émotion et d’anthologie tant l’avion a tangué et c’est fait chahuté dans les cieux avant de se poser. Des sensations fortes dignes des plus terrifiantes attractions de Dysneyworld !

De Dysney le festiventu est pourtant à des années lumière, fort heureusement d’ailleurs ! Créé il y a plus de vingt ans par Serge Orru [l’ancien directeur général du WWF France] son concept est à la fois original et simple : provoquer à Calvi durant l’arrière-saison touristique, des rencontres mêlant personnalités venues de tous les horizons (artistes, sportifs, humanitaires, écologistes, scientifiques, journalistes …) et des manifestations artistiques ayant pour thématique centrale, l’écologie.
Force est de constater que le coktail a fonctionné, ce qui est certainement la conséquence de la qualité de ses racines environnementales, durables et profondes comme à celle  de son terreau, la fertile terre de Balagne.

Un succés jamais démenti depuis, du à la qualité de l’organisation, bon enfant mais efficace, et à  l’engagement des 600 bénévoles qui animent la manifestation et font vibrer les 40.000 festivaliers qui s’y rendent chaque année. Il faut y ajouter également d’autres paramètres comme celui de la magie des lieux, des participants et des instants rares qu’une telle alchimie provoque … Une chanson en est né, « la ballade de chez Tao » d’Higelin …
De nombreux  artistes ou intellectuels français et étrangers s’y donnent rendez vous chaque année, histoire de partager quelques jours de cette ambiance particulière, attachante et unique. Si malheureusement le cru 2012, du fait des éléments déchainés, n’a pas eu le succès populaire habituel, la qualité a été fidèle à la tradition, avec la présence de deux invités vedettes : Yann Arthus-Bertrand et Pierre Rabhi. 

Revenons sur cette 21 eme édition et trois belles rencontres que j’ai eu le plaisir d’y faire …

François, Yann, Pierre et les autres, tous les autres …

 
 

 

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J’ai été invité à ce festival afin de participer à une table ronde qui avait pour thématique :  « L’ÉCO-CONSTRUCTION AU SERVICE DU LOGEMENT SOCIAL »

Sur la pénurie en logement, le constat de la Fondation Abbé Pierre est sans nuance. Une situation d’autant plus préoccupante qu’elle est liée au mal logement et à la précarité énergétique. Le rapport de la fondation se positionne également sur lce dernier point. La précarité énergétique existe dés que l’o, l’on consacre plus de 10% de ses revenus à l’énergie, une charge qu’il est important d’intégrer au coût du logement, tant la notion de cout global est essentielle notamment en situation de crise économique et sociale.

Autre réalité, l’évolution sociétale et le nombre croissant de familles monoparentales ou de ménages ne comportant plus qu’une seule personne (séparations, maintien des personnes âgées à domicile, etc.). Cette tendance indique que le parc de logements doit s’accroître d’autant, y compris pour maintenir uniquement le même nombre d’habitants (ce que l’on appelle le point mort).

Le débat a porté sur ce constat dramatique, grâce au représentant de la Fondation de l’Abbé Pierre mais aussi sur des pistes de solutions innovantes à y apporter, autour de deux expériences : celle du Chênelet (voir aprés), et celle du projet d’éco quartier de l’Ancre de lune, qui fait désormais parler de lui, y compris hors Ile de France.

Point commun à ces deux initiatives : permettre aux familles défavorisées d’accéder à des bâtiments performants afin qu’elles soient en capacité de réduire leurs charges et d’accéder à un réel confort en préservant la santé de leur famille. Un des arguments que j’ai développé a été repris par la presse «s’il faut respecter la loi SRU (qui impose aux villes de disposer de 20% de logements sociaux) il ne faut pas transiger sur la qualité du logement. Faire bien demande un minimum d’attention et de temps, cela coûte plus cher que faire médiocre si on prend en compte le coût immédiat, mais si l’on regarde à 30 ou 40 ans, c’est l’inverse.»

Cette table ronde a été également l’occasion de rencontrer un sacré bonhomme, le créateur et le fondateur du Chênelet, François Marty …

 

 François

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François se décrit comme un patron « écolo, catho, membre du Medef », je rajouterais un brin provoc, un mixt des plus improbable qui prend, grâce à la gouaille, l’humour et le sens de la répartie du bonhomme.

 Son parcours d’entrepreneur est pour le moins « atypique »; après une scolarité « difficile » dans la banlieue parisienne, il est accueilli à 17 ans par une communauté de moines trappistes. Ces derniers lui apprennent un métier, chauffeur routier, et le respect de valeurs clés qui le marqueront à jamais.
Il monte alors un atelier de construction de palettes et fonde avec l’évêque d’Arras,  une communauté près de Calais qui accueille les exclus de la vie (sortants de prison, réfugiés, jeunes au chômage …) le Chênelet qui deviendra par la suite, la première entreprise d’insertion de France.

Avec le soutien de la Millez’s connection et l’appui des patrons du groupe Auchan, il passe un MBA à HEC, passant ainsi de « bac-15 à bac+7 » et devient entrepreneur social. Un parcours et une réussite qu’il complétera en rejoignant le Secrétaire d’Etat à l’Economie solidaire du gouvernement Jospin, Guy Hascoet dont il devient le chef de cabinet. A cette responsabilité, il a été un des principaux rédacteurs des textes de lois sur l’épargne solidaire et les société coopérative d’intérêt collectif. Depuis sa boite a fait son chemin et François assume totalement la contradiction apparente d’être un Vert encarté au Medef. Si l’activité de base du Chênelet reste la production de palettes en bois par un public en insertion, cette entreprise sociale construit désormais des logements sociaux éco-conçus et solidaires, une activité soutenue par les banques, fonds éthiques et grandes entreprises démarchés par François Marty. Originalité de la démarche initiée : réaliser des maisons en bois plus chères mais à très faibles charges (jusqu’à 50 % de dépenses en moins en eau et électricité).
Un projet qui a permis de relancer l’activité forestière de sa région et qu’il cherche désormais à développer un peu partout dans le pays grâce à la société foncière qu’il a créé. Soulignons qu’au Chênelet, le rapport entre les plus bas salaires et ceux des dirigeants n’est que de 2,5. 

« On construit à l’inverse de la logique low cost, pour donner du confort aux ménages les plus pauvres et leur éviter de tomber dans le piège du surendettement. Telle est notre vision de l’habitat humaniste … Sur soixante ans, la construction ne représente que 17 % du coût réel d’une habitation. Les 83 % restant sont des charges. Le vrai moyen de faire de l’habitat social c’est de baisser ces charges, de consommer moins d’énergie, donc d’être écolo.  » 

 

Yann

 

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Je ne vais certainement pas faire le portrait du photographe Yann Arthus-Bertrand, qu’on ne présente plus, tant le personnage est connu de tous.
Il poursuit sa quête d’absolu en survolant la planète et à partir de ses photographies aériennes qu’il nous fait partager, belles, esthétiques mais surtout pleines de sens, il nous amènent à réfléchir sur l’évolution du monde et le devenir de nos enfants. 

A Calvi il a présenté deux documentaires, « La soif du monde », et « océans », afin de faire un tour du monde et d’horizon des enjeux autour de l’eau: l’agriculture, la surpopulation, la pauvreté …
Son travail me rappelle le slogan historique de Paris Match : « le choc des photos, le poids des mots ». Dans le cas de Yann, il faudrait également préciser, des chiffres, tant les statistiques sur le triste état de la planète qu’il rappelle à chaque cliché prennent un nouveau relief et donne le tournis.

Au festiventu, il a voulu mettre en lumière l’action de sa fondation GoodPlanet, qui agit pour sensibiliser et éduquer le public à l’environnement. D’abord connue pour son programme « Action Carbone », destiné à réduire et compenser nos émissions de gaz à effet de serre, elle s’implique de plus en plus dans le domaine de l’éducation à l’environnement, en menant toute une série d’action dans les écoles mais également en animant des projets artistiques à vocation humanitaire.

Celui de « 7 billions others » ou plutôt de « 6 milliards d’Autres » est emblématique. Ce documentaire donne la parole à des milliers d’anonymes qui témoignent concrètement de l’état de la planète en décrivant avec des mots simples mais poignant,s le  bouleversement climatique en cours. La mise en image et en scène sobre, esthétique, simple et lumineuse, la qualité et le rythme de leur prise de parole, comme le choix des exemples qu’ils donnent pour donner du sens à leur intervention apporte un poids supplémentaire et une rélle authenticité aux mots prononcés dans leur langue d’origine.

 

Pierre

 

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La venue de Pierre Rabhi au Festival du vent était attendue comme un véritable événement, d’autant que Serge Orru, créateur du Festival du vent, lui a dédié son dernier ouvrage « Pierre Rabhi le fertile ». Ce petit homme de 74 ans et de «52 kilos tout mouillé.» a été réellement l’invité vedette du festival, tant la ferveur était au rendez vous. Gourou ou passeur, le doute était permis devant l’attitude de certains auditeurs pas très loin de l’état extatique voire même de l’apesanteur.

Il a disser – té sur la place de l’humain dans une socié-té dominée par les mots en «-té»? :  productivi-té, rentabili-té, comptabili-té, à opposer à «amabili-té, humani-té, fraterni-té». 

Pierre Rabhi  a marqué le mouvement écologique, avec un parcours de vie également singulier. Fils d’un forgeron du sud algérien, confié à l’âge de 5 ans après le décès de sa mère, à un couple d’Européens qui lui inculquent une éducation française dans le respect de sa culture d’origine, il arrive dans notre pays, travaille comme OS à Paris dans une chaîne de montage, rencontre sa femme et décide de bouger, de casser le moule et de … transgresser …  

«Soit on accepte d’être dans un moule, et on ne bouge pas, soit on est dans la transgression, je persiste à dire qu’il ne peut pas y avoir de changement de société sans changement humain.».

Il quitte la capitale et s’installe en Ardèche comme ouvrier agricole. Il récuse la logique productiviste appliquée à l’agriculture et s’imprègne d’une autre agriculture, plus  biologique et écologique. Après trois ans de pratique, il devient paysan et se lance dans l’élevage caprin en appliquant avec succès ces nouvelles méthodes dans la petite ferme qu’il a acquis avec sa femme.

Il cultive sa terre d’adoption ardéchoise, aride et rocailleuse en refusant par conviction l’utilisation de produit phytosanitaire ou d’engrais, et réussit à créer de la fertilité, grâce à une agriculture biodynamique fondée sur les cycles naturels.
Ses résultats le conduisent vers l’enseignement afin de diffuser et partager sa pratique. Il devient chargé de formation à l’agro-écologie du CEFRA (Centre d’études et de formation rurales appliquées) puis transmet son expérience dans divers programmes en France, Europe et Afrique, notamment au Burkina Faso.
Appuyé par Thomas Sankara, Président à l’époque de ce pays , il pilote le 1er programme d’agroécologie, alternative et véritable planche de salut pour les paysans locaux face à la sècheresse et au prix des produits phyto sanitaires (engrais et pesticides); depuis 100 000 agriculteurs de ce pays pratiquent l’agroécologie.

Il est reconnu comme un expert international pour la sécurité alimentaire et a participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Ce philosophe paysan est le créateur du «mouvement du colibri». 

Selon une légende amérindienne, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre.

Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Devenu au fil des ans, un auteur reconnu, le paysan philosophe appelle de sa voix douce et menue à « l’insurrection des consciences ». Il s’est également lancé en 2002, dans la campagne des Présidentielles …

Parcours atypique avions nous écrit …

 

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