« Villages nature » est il réellement nature ?

lagoon.jpgLa SNCF lors de la dernière réunion du club de partenaires avant la trêve estivale, a eu la judicieuse idée d’inviter Dominique Cocquet, Directeur général de «Villages Nature », afin qu’il présente un projet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Ce « routier » du « monde merveilleux de  Disney », société ou depuis 20 ans il occupe divers postes à responsabilité, venait tout juste de clore le cycle de réunions de concertation imposé par la Commission nationale du débat public (site de la CNDP, note du blog sur cette instance), c’est dire qu’il était affuté pour cette présentation.

Son discours a coulé, limpide comme de l’eau de source, le manager aguerri laissant place à un véritable évangélisateur au discours  environnemental quasi mystique soulignant l’harmonie entre l’homme et la nature et célébrant la rencontre entre génie humain et génie des lieux.

Ne nous y trompons cependant pas, derrière le « green washing » d’une présentation publique bien rodée, le model business du projet apparaît clairement. Rappel utile, Dominique Coquet dans une vie antérieure a également dirigé Forest-Hill Développement et à ce titre le projet Aquaboulevard de Paris.

Villages nature est une joint venture entre deux acteurs majeurs du tourisme et du divertissement « Pierre & Vacances Center Parcs », leader européen du tourisme de proximité (40 années d’expérience) et Euro Disney, dont le navire amiral Disneyland Paris, est la 1ere destination touristique européenne avec plus de 230 millions de visites depuis 1992. Leur collaboration est né d’un projet commun mené sur Euro Dysney en 2003 (Adagio Aparthotel).
Les deux nouveaux partenaires décident de surfer sur une tendance de fond autour de l’environnement, et l’intérêt croissant pour l’éco tourisme et le tourisme vert. Deux initiatives du Groupe Pierre & Vacances Centers Parc vont dans ce sens : le domaine de Belle Dune, en baie de Somme (label Éco-Village), et le dernier né des Centers Parcs, celui des Trois Forêts Moselle- Lorraine.

Villages Nature est le fruit de cette réflexion sur la « quête de l’harmonie entre l’homme et la nature », concept totalement adapté aux vacances familiales; mixt entre un immense Center Parc nouvelle génération et des résidences hôtelières thématiques, dans l’esprit du Davy Crockett Ranch.
Le projet initial est d’élaborer un prototype, encore faut il disposer d’un espace suffisamment étendu et d’infrastructures à proximité. En cas de succès, le nouveau produit touristique pourra s’attaquer à? d’autres marchés européens (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni …).

Un site semble particulièrement adapté; localisé au coeur de l’Europe, à 6 km de Disneyland Paris; avec une surface potentielle de 500 hectares. Il présente l’avantage déterminant d’être à proximité immédiate de Disneyland, ce qui permet non seulement à ces deux pôles d’être complémentaires, mais  de partager les infrastructures déjà existantes ou prévues sur Val d’Europe : 1er hub TGV de France à Marne-la-Vallée/Chessy, RER A, Autoroute A4, lignes de bus interurbaines, navettes aéroportuaires …

C’est ainsi que le projet « Villages nature » est né …

Mais, ce  projet qui marquera notre environnement immédiat dans les prochaines années est il respectueux de la nature ?

 

 

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Un concept bâti autour de trois idées forces

Dans sa présentation, Dominique Coquet s’est présenté comme un écologiste refusant toute option  nostalgique ou rétrograde de l’environnement, et envisageant  l’avenir de manière résolument « positive », trois idées forces résument pour lui le  concept de Villages Nature :

Devenir une destination de villégiature

La cible poursuivie est principalement la clientèle familiale européenne. Placer Développement Durable et Nature au cœur du projet paraît un excellent argument commercial. Pour ce faire, les porteurs du projet ont appliqué les principes de la méthodologie « One Planet Living », élaborée par BioRegional et WWF International pour élaborer leur Plan d’Action Durable initié vise à réduire l’empreinte écologique du projet et tendre vers le «zéro carbone».

« Célébrer » l’harmonie entre homme et la nature

Réunir « génie des lieux » et « génie humain », fil rouge du model business. Idée centrale du projet, dans le sens « extra ordinaire », pour le « génie des lieux » utiliser la nappe géothermique à 78° nichée à 1 800 mètres de profondeur (dogger) et exploiter l’eau qui s’y trouve pour couvrir les besoins en chauffage et en eau chaude de Villages Nature dont un lagon de  3 500 m² !

Concevoir une offre d’hébergement « différente » et insolite

L’autre innovation technologique est représenté par une architecture célébrant la relation privilégiée entre homme et nature.  Les sources d’inspiration sont multiples, un mixt entre Art Nouveau, jardins Zen, les travaux  de l’architecte Hundertwasserle, précurseur de l’architecture environnementale et de « l’empreinte écologique » du citoyen et du citadin moderne. Il avait créé des immeubles avec des arbres aux fenêtres (l’arbre-locataire), ce qui lui a fait dire : « Certains disent que les maisons sont faites de murs. Je dis qu’elles sont faites de fenêtres. »

Afin de définir une «charte architecturale originale d’aujourd’hui », une équipe d’architectes et de paysagistes renommés, dont Jacques Ferrier (Pavillon français de l’Exposition universelle de Shanghaï), Jean de Gastines, et le paysagiste Thierry Huau, doivent définir les ambiances naturelles, qu’elles soient lacustres ou forestières

L’objectif est de faire d’un séjour à Villages Nature une expérience inoubliable, le temps d’un voyage imaginaire et intemporel en famille, dans un des quatre villages thématiques : l’eau (parc aquatique doté d’un lagon extérieur chauffé toute l’année à 30° grâce à l’énergie géothermique), la forêt (Davy Crockett’s Adventure), la terre (ferme …), le sport et la santé (centre de remise en forme : diététique, relaxation, etc.).

Une nature avant tout artificielle

Se voulant exemplaires en développement durable, les promoteurs du projet ont mis au point un Plan d’Action Durable (PAD) en 10 cibles avec deux ONG, dont les principales sont : un Coefficient d’Occupation des Sols inférieur à 10 % avec  des espaces naturels représentant  plus de 90 % de sa surface, la recherche de « l’exemplarité » en matière d’empreinte écologique (gestion des déchets, recyclage de l’eau, environnement sans voiture, utilisation de matériaux durables… ), l’utilisation de la géothermie profonde devant couvrir 97 % des besoins en chaleur de Villages Nature grâce à deux puits forés à 1 800 mètres, l’eau à 78°C permettant d’alimenter les réseaux de chaleur en surface avant d’être réinjectée dans la nappe souterraine (dogger).

Cependant, force est de constater que Villages nature constitue en premier lieu et quoiqu’en dise ses initiateurs, un « parc de loisirs », avec tout ce que cela suppose d’artificiel, d’aseptisé. L’harmonie entre l’Homme et la nature étant pour le moins préméditée. Nous sommes en fait, beaucoup plus prés d’un Center Park géant que d’une destination de tourisme vert, telle la Forêt de Fontainebleau ou  les bords de Marne, pour garder une ambiance locale forestiére ou lacustre. Et que penser du point d’orgue du projet, le lagon artificiel ?  Villages Nature est un parc de loisirs dont la thématique est une représentation artificielle et virtuelle de la nature.

D’autre part, pour un projet qui place le Développement Durable en priorité absolue, les ambitions énergétiques font sourire, tant nous sommes éloigné de l’excellence environnementale. Se limiter au simple respect de la réglementation Thermique 2012 (environ 65kwh/m2/an) pour un projet se prévalant de fortes valeurs environnementales et qui sera inauguré en 2015 au plus tôt, cela fait désordre !

Caractéristiques du projet

La première phase de Villages Nature s’étendra sur 175 hectares aménagés, et prévoit la construction de 1 730 logements (appartements, cottages …). Elle mobilisera un investissement global de près de 700 M€. Mais à terme, c’est plus de 7000 maisons et appartements qui seront construits d’ici 20 ans, sur une surface de 520 hectares (10 % seulement de bâti) avec l’éventualité de créer un 3eme parc à thème.

Le projet devrait générer environ 7 M€ de taxes locales par an et la création de 4 500 emplois, dont 1 600 directs. Les travaux pourraient commencer au premier semestre 2013, en fonction des acquisitions foncières, pour une ouverture au public à l’horizon 2015.

Lors de sa présentation, Dominique Coquet a insisté sur la capacité de Villages nature à devenir un moteur du tourisme seine et marnais.
Beaucoup en doutent cependant, la clientèle visée, les types de séjours envisagés, l’expérience d’Euro Dysney démontrent qu’il existe un véritable effet « bulle » du parc de loisirs, plus accentué encore dans un Center Parc la bulle n’y étant même plus virtuelle, d’autant que le savoir faire des équipes de Dysney ou de Pierre et Vacances sont de rendre les  visiteurs captifs de l’offre initialeet des divers services qu’ils peuvent proposer en interne.

Mais ce qui à fait le plus réagir les élus présents lors de cette présentation, comme les responsables des infrastructures de transport, n’est pas seulement le concept « Villages Nature » mais bien le PIG ou Programme d’Intérêt général, qui fera l’objet de la prochaine note.