Souvenirs de Buda-Pest

medium_buda.jpgLes vacances d’été se conjugent désormais à l’imparfait mais avant d’aborder les dossiers chauds de la rentrée, il est bon de prendre encore un peu de bon temps et d’évoquer de manière fugace, quelques images fortes de ces deux mois d’été …
Le souvenir clé de la fin aout a été incontestablement la visite en Hongrie, effectuée ces derniers jours avec une délégation d’une quarantaine de Trilportais.
Un court séjour d’une semaine certes, mais qui nous a permis non seulement de découvrir une magnifique terre d’histoire et de culture mais aussi et surtout de mieux connaître l’Europe …

 

A l’origine de ce voyage, notre jumelage avec Engen, ville allemande, elle même jumelée avec la ville hongroise de Pannonhalma. Depuis l’été 2004, nous avons reçu en Mairie des stagiaires hongrois et les jeunes de nos trois communes travaillent à un chantier commun, situé à Pannonhalma, leur permettant de participer concrètement à la construction européenne, au sens propre comme au sens figuré, un chantier que nous avons eu d’ailleurs le plaisir de visiter, lundi dernier.

La Hongrie est un pays à la fois lointain et proche. Par la route, le trajet est décourageant, car trop long, mais par avion tout semble différent, Budapest étant seulement à deux heures de Beauvais d’où nous avons décollé.
Lors de ce séjour, mous avons effectué un périple complet :  Budapest magnifique vitrine s’il en est, la région de Tokaï, la plaine de la Puskas, les  rives du Balaton, mais également Vienne, capitale de l’ancienne Autriche Hongrie, sans oublier pour autant Panonhalma et sa fameuse abbaye …
Un programme certes chargé mais qui nous a permis d’avoir une vue fidéle de ce nouveau venu dans la Communauté Européenne (depuis le 1er mai 2004 !). Une adhésion qui lui permet de tourner, enfin, les pages les plus noires de son histoire et de laisser aux rayons des mauvais souvenirs la période de l’occupation soviétique (plus de quarante ans !) et qui donne l’occasion également à l’Europe de redevenir un peu plus elle même, en renouant avec une partie importante de son histoire et de ses racines … Il est grand temps pour les français de se souvenir qu’au delà de l’Europe du Nord ou du Sud, il existe aussi une Europe du centre , dans laquelle la Hongrie occupe une place particulière et privilégiée car située à la confluence de l’Ukraine, de la Slovaquie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de l’Autriche, de la Tchéquie …

L’histoire et la place singulière de ce pays écartelé entre les mondes germanique et slave, zone tampon entre l’Occident et l’Asie, lieu de conflits tout au long de son histoire mouvementée, expliquent le profond sentiment national hongrois.  D’autant que deux traités majeurs du siècle dernier (il faut s’y faire !) ont eu pour cette nation des conséquences dramatiques. Les traités de Trianon (aprés le conflit de 14-18) qui a démantelé l’ancienne Autriche-Hongrie de plus de 2/3 de son territoire et d’une grande partie de sa population et de ses richesses, et celui de Yalta (aprés la deuxième guerre mondiale) coupant l’Europe en deux et plaçant la Hongie dans la zone d’influence soviétique. Deux traités omni présents dans l’inconscient des hongrois d’aujourd’hui et qui apparaissent souvent dans les discussions. Ce sentiment national est perceptible au delà même des frontières de ce pays, alimentée par une importante diaspora éparpillée dans le monde et enrichi par le nombre considérable des hommes et femmes ayant marqué l’histoire des arts, de la culture et des sciences.

Cette visite nous a montré un pays aux facettes multiples et contradictoires selon les régions visitées et l’existence d’un décalage profond entre les régions riches et les provinces de l’Est. Quelques instantannées rapides du périple effectué : la visite d’une cave totalement informatisée produisant du Tokaï, rachetée par une filiale d’AXA,  avec à sa tête un jeune Directeur s’exprimant dans un français parfait, le spectacle équestre proposée dans la région de la Puskas rappelant que les ancêtre des hongrois (ou magyars) étaient bel et bien les Huns d’Attila, la ville de Budapest, sa Place des héros et les images dramatiques du soulèvement de 1956 qui y sont intimement liées, la pauvreté de certains villages traversés dans le Sud  Est, le champ d’éolienne situé prés de la frontière autrichienne, l’accueil de l’archi prêtre de l’abbaye de Pannonhalma (sur lequel je reviendrais dans une prochaine note), la fête proposée par cette ville nous donnant un rapide aperçu de la richesse musicale du pays …

La Hongrie, pays de contraste, est à la croisée des chemins. Ses habitants ont soif d’Europe et de développement. La qualité de la main d’œuvre, son coût attractif pour les entrepreneurs (4 euros l’heure en Hongrie pour 30 euros en Allemagne !), le  taux de chômage de 6 % très faible, la placent avec la Slovénie en tête des nouveaux pays adhérents.
Encore faut il vouloir les accueillir et les aider dans une période de transition difficile. Nous devons oublier les craintes exprimés lors du dernier débat sur l’avenir de l’Europe (le plombier polonais …) et ouvrir nos fenêtres. Car si  l’Europe est latine et nordique elle a également et indéniablement slave, et les hongrois nous le démontreront dans les prochaines années.

 

 

Verbatim : Devos ou le Sens de la Vie …

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 Retour sur la disparition de Raymond Devos qui s’il possédait le sens des mots avait également à travers ceux ci, le sens de la vie …

Florilèges de citations qui pourraient inspirer bien des politiques  … Le monde de l’absurde et du relativisme récèle une logique implacable …

Voici quelques traits d’humour géniaux, des citations, à savourer, méditer, laisser mijoter et faire fructifier …

 

 

 

Existentialiste :
– Est-ce l’oeuf le père de la poule ou la poule la mère de l’oeuf ?

Communiquant :
– Il m’est arrivé de prêter l’oreille à un sourd. Il n’entendait pas mieux.

Mystique :
– Pour Dieu, l’imaginaire c’est une vue de l’esprit. La fiction ça le dépasse !

Rationaliste :
– Quand j’ai tort, j’ai mes raisons, que je ne donne pas. Ce serait reconnaître mes torts !

Altruiste :
– On a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas tort !

Agnostique :
– Il ne faudrait pas croire que les responsables d’hier étaient plus ignorants de la situation que ne le sont ceux d’aujourd’hui !

Idéologue :
– Vous savez, les idées elles sont dans l’air. Il suffit que quelqu’un vous en parle de trop près, pour que vous les attrapiez !

Charismatique :
– Lorsqu’on a la prétention, comme moi, d’entraîner les gens dans l’imaginaire, il faut pouvoir les ramener dans le réel, ensuite… et sans dommage !

Visionnaire :
– On ne sait plus ce que c’est que l’obscurité. A force de vouloir faire la lumière sur tout, on ne distingue plus rien !

Altermondialiste :
– J’ai un ami qui est xénophobe. Il déteste à tel point les étrangers que lorsqu’il va dans leur pays, il ne peut pas se supporter !

Philosophe :
– Le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter.

Fataliste :
– Lorsqu’un chêne sent le sapin, il sait que sa dernière heure est arrivée.

 

 

Suite des « pensées » de Raymond  D … qui n’ont rien à envier à celles de Pierre Dac, ce n’est pas un scoop, ou de Desproges … Comme vous pourrez vous en rendre compte, les sujets sont multiples et illustrent bien les choses de la vie, vous n’avez que l’embarras du choix pour venir y faire votre marché … Accrochez vous, certaines sont de haute volée, quand à d’autres il faut prendre le temps pour les apprécier à leur juste mesure …

– Rien, ce n’est pas rien ! La preuve, c’est que l’on peut le soustraire. Exemple : rien moins rien = moins que rien !

– Une fois rien, c’est rien ; deux fois rien, ce n’est pas beaucoup, mais pour trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose, et pour pas cher.

– Si l’on peut trouver moins que rien, c’est que rien vaut déjà quelque chose.

 

– Se coucher tard nuit.

– Je n’aime pas être chez moi. A tel point que lorsque je vais chez quelqu’un et qu’il me dit : « Vous êtes ici chez vous », je rentre chez moi !

– L’autre jour, au café, je commande un demi. J’en bois la moitié. Il ne m’en restait plus.

– La plupart des gens préfèrent glisser leur peau sous les draps plutôt que de la risquer sous les drapeaux.

– Quand on s’est connus, ma femme et moi, on était tellement timides tous les deux qu’on n’osait pas se regarder. Maintenant, on ne peut plus se voir !

– Je connais un critique qui est en même temps auteur… ce qui le met en tant qu’auteur dans une situation critique !

– Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l’un avance, l’autre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche !

– Avez-vous remarqué qu’à table les mets que l’on vous sert vous mettent les mots à la bouche ?

– Si ma femme doit être veuve un jour, j’aimerais mieux que ce soit de mon vivant.

– Un jardinier qui sabote une pelouse est un assassin en herbe.

– Toute la nuit, j’ai cru entendre le chromosome en plus qui tournait en rond dans ma case en moins.

– Qui prête à rire n’est jamais sûr d’être remboursé.

– J’adore être pris en flagrant délire.

– Chaque fois que mon percepteur revenait, je payais un impôt sur le revenu.

– Un croyant, c’est un antiseptique.

– On se prend souvent pour quelqu’un, alors qu’au fond, on est plusieurs.

– La télépathie, c’est le téléphone de demain.

– Quand les Verts voient rouge, ils votent blanc.

– Moi, je fais attendre les gens pour leur n faire passer le temps.

– Le flux et le reflux me font « marée ».

– Dès que le silence se fait, les gens le meublent.

– Si vous cassez un bout de bois en deux, il y a encore deux bouts à chaque bout.

– Même avec Dieu, il ne faut pas tenter le Diable !

– Etre raisonnable en toutes circonstances ? Il faudrait être fou…

– J’ai toujours réussi à rater tous mes examens.

– C’est pour satisfaire les sens qu’on fait l’amour ; et c’est pour l’essence qu’on fait la guerre.

– Je suis adroit de la main gauche et je suis gauche de la main droite.

– Quand un homme ne dit rien alors que tout le monde parle, on n’entend plus que lui !

– Il buvait toutes mes paroles, et comme je parlais beaucoup, à un moment, je le vois qui titubait…

–  L’intellectuel dont la richesse est toute intérieure n’a rien à craindre du percepteur qui voudrait le taxer sur ses signes extérieurs de richesse.

– Le fou n’aime pas la marche… – Pourquoi ? – Parce qu’il la rate !

– Paradoxalement, sur une auto, vous avez des freins à tambour, alors que sur un tambour, vous n’avez pas d’auto-frein !

– Si tu étais plus belle, je me serais déjà lassé. Tandis que là, je ne m’y suis pas encore habitué !

– Une rengaine, c’est un air qui commence par vous entrer par une oreille et qui finit par vous sortir par les yeux.

–  Ne rien faire, ça peut se dire. Ca ne peut pas se faire

– Monsieur, ce que j’admire en vous, c’est que vous avez le courage d’être vous-même ; avec tout ce que cela comporte de ridicule !

– Est-ce que les histoires que vous racontez ne vous empêchent pas de dormir ? – Si, mais comme ce sont des histoires à dormir debout, je récupère !

– Par exemple, j’ai ouï dire qu’il y a des choses qui entrent par une oreille et qui sortent par l’autre. Je n’ai jamais rien vu entrer par une oreille et encore moins en sortir !

Mondovino, Verbatim …

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Nossiter, le réalisateur de ce film :


 « Le vin, dans sa complexité infinie d’expressions, est sur la planète entière, la chose la plus à l’image de l’être humain … Essayer de saisir l’état du monde du vin, c’est forcément une quête sur notre relation à la vie et à la mort, mais aussi une quête sur la transmission d’un passé, orienté vers l’avenir. Cette notion de transmission de génération en génération, de ce qu’on fait passer et de ce qui ne survit pas… de ce qui est perdu… ou de ce qu’on rejette consciemment, est devenu pour moi le Graal de cette aventure sur trois continents. »

 

Hubert de Montille, 8 hectares dans les appellations Volnay, Rugiens et Pommard (Bourgogne).

 Avocat et vigneron.

«Où il y a de la vigne, il y a de la civilisation. Il n’y a pas de barbarie.»

 «La marque, c’est la culture anglo-saxonne. Vous cultivez la marque. Mondavi cultive la marque. Ici, on cultive l’appellation d’origine. Et on s’aperçoit au bout de 50 ans que c’est l’appellation d’origine qui prime sur la marque. Parce que la marque, ça s’oublie. C’est comme les gens…»

«Aux Etats-Unis, en Californie, ils ont le sens du marketing. On va noyer l’absence de terroir par le bois. On va expliquer que le goût du vin, c’est le goût du bois…Et on va convaincre les Français -qui eux ont du terroir- que c’est ça qui plaît!»

Aimé Guibert propriétaire de 40 hectares d’appellation Daumas Gassac à Aniane, Languedoc

 «Le vin, pendant des millénaires, c’est une relation presque religieuse de l’homme à travers la Méditerranée, essentiellement autour de la Méditerranée, avec les éléments naturels, le sol, sur lequel il n’y a jamais eu de molécules de synthèse et puis, le climat.»

 » Les vins qui ont fait rêver sont toujours des vins qui traversent le temps et qui vous amènent la jeunesse alors qu’il devrait y avoir les rides et la mort. »

 » Un grand vin, c’est beaucoup d’amour, beaucoup de liens avec l’immatériel, avec le sol, avec le temps, avec la climat. C’est un métier de poète de faire un grand vin. »

Battista Columbu propriétaire de 2 hectares d’appellation Malvasia di Bosa en Sardaigne

«Maintenant, les gens sont paresseux, emportés par le consumérisme. Ils n’ont plus d’identité. Ils ne savent plus d’où ils viennent. Ils se font plus souvent du mal que du bien. Nous avons été réduits au rang de bêtes. Mais même les bêtes choisissent ce qu’elles mangent. Nous avons perdu notre dignité.»

«L’homme ne doit pas se laisser distraire par les chimères d’un progrès qui n’apporte que ruine à lui-même et à la nature, et souffrance aux autres. Nous devrions vivre en paix sur cette terre. Et il y a de la place pour les autres.»

Mondovino ou quand Parkerisation rime avec Globalisation

Les vacances sont souvent un moment privilégié pour lire des livres ou voir des films qu’un emploi du temps trop chargé nous a laissé échappé … C’est le cas avec Mondovino le film de Jonathan Nossiter présenté au Festival de Cannes 2004 qui est sorti en DVD.
Le vin il connaît, Jonathan Nossiter, il n’est pas tombé dedans quand il était petit, mais tout comme … Car ce réalisateur réputé a travaillé comme serveur œnologue à Paris et passé un diplôme de sommelier à New York. Il cependant a gardé ancré au plus profond de lui la french touch et l’amour du bon vin et du terroir. Son documentaire, savant et subtil montage (sur prés de 500 heures enregistrées) est un modèle du genre.

 

 Il nous propose à partir d’interviews d’acteurs du terrain, un tour du monde presque complet de la planété vinicole (manque cependant l’Australie, l’Afrique du Sud et le Chili) périple des plus captivants, qui à partir de l’exemple du vin nous amène à réfléchir plus globalement sur les enjeux de la globalisation. Sur la base d’interviews décapants, Nossiter a su avec beaucoup d’humour et de maîtrise, avec des images furtives, des seconds plans, des détails, des silences, recréés les différentes atmosphères des lieux parcourus, quelquefois surréalistes. Des images qui s’adressent à nos sens, sans parti pris mais avec des choix qui, in fine, ne laissent pas indifférents le spectateur. Un de ses mérites est d’avoir su établir une relation privilégiée avec ses différents interlocuteurs, qui s’expriment devant lui, devant nous, sans langue de bois, natures. Là ou Michael Moore met le bazooka, Nossiter fait de la dentelle, mais une dentelle diablement efficace.

 Il n’est pas surprenant que Mondovino ait causé un mini tsunami dans le monde viticole car ce documentaire porte en lui, non seulement une réflexion sur la globalisation et la standardisation du goût mais également sur l’évolution des hommes et de la société (rappelons tout de même que les vins abordés dans ce documentaire ne sont pas du vin de table mais des vins de luxe) de manière plus générale, car derrière le devenir du vin, se cache également celui d’autres produits du terroir.

Nossiter, dans son film révèle la puissance de trois personnes : le français Michel Rolland (le « flying wine maker », star des œnologues consultants), le célébrissime Robert Parker (himself) et les frères Mondavi (d’où le non du film) gèrant une multinationale située à Nappa en Californie et qui produit plus de cent millions de bouteilles.

Trois hommes qui ont réussi, grâce à l’aura et à la renommée intergalactique du critique américain Robert Parker a imposé peu à peu un goût unique pour le Bordeaux, basé sur l’oxygénation du vin et sur un goût boisé provenant en grande partie de l’utilisation systématique de jeunes fûts de chêne masquant peu ou prou le goût du vin et lui donnant un arôme vanillé. Les liens existant entre ces différentes personnes, démontrent que l’indépendance d’esprit évoquée par le critique est en fait toute relative comme la subjectivité de son expertise.

C’est David contre Goliath, le choc des artisans contre les Multinationales, le nouveau monde contre la vieille Europe, la guerre entre les amoureux des vins qui se consomment « en longueur » contre ceux qui bluffent le dégustateur. Ce film un peu manichéen, démontre le danger revêtu par la dictature des marques, la standardisation, le nivellement des différences (identité, culture …) sacrifiés sur l’autel de la rentabilité économique et de la vérité révélée, celle de Robert Parker, notamment. Cet ex avocat gauchiste (ancien supporter de Ralph Nader) fait la pluie et le beau temps partout sur la planète des amateurs de vins depuis 20 ans. Son nez et son palais sont assurés à un million de dollars. Une influence qui inquiète notamment lorsqu’il déclare être l’ambassadeur de la démocratie dans le monde du vin. Des propos que ne renieraient pas un certain Georges Bush.

Une seule certitude après la projection de ce film, vive le bon vin et vive les différences …

Mais comme toute histoire a sa morale depuis la sortie du film de Nossiter, la famille Mondavi a perdu le contrôle financier de son entreprise à la suite d’une OPA hostile.. Nappa ton univers impitoyable !

Ne l’appelait plus jamais Clem’

Coincé dans les eaux de Méditerranée, le porte avion Clemenceau devait terminer son dernier voyage en Inde aprés deux mois de traversée afin d’y être démantelé ; à un détail prés, la Cour Suprême de ce pays lui a interdit l’accès de ses eaux territoriales estimant que la quantité d’amiante à traiter violait la convention de Bâle relative à l’élimination des déchets dangereux.

L’odyssée pitoyable de ce fleuron de la flotte nationale, porte drapeau ayant porté haut nos couleurs dans toutes les eaux du globe et lors des derniers conflits du XXeme siècle est instructive, non sur le fait de savoir si un matériel militaire est concerné par cette convention, mais par trois erreurs lourdes de sens commises par le Gouvernement : L’absence de filière de démantelement, les dangers de l’amiante, l’affront fait à l’Inde.

 L’absence de filière de démantèlement

Puissance navale de premier rang, nous possédons une flotte importante , une industrie et des chantiers navals qui luttent actuellement pour leur survie. La société aujourd’hui demande aux industriels de posséder certes l’art de faire mais également celui de défaire; cette tendance se généralise sur l’ensemble des secteurs industriels et pose beaucoup de problèmes à notre industrie nationale, tout secteur confondu. Le Développement Durable impose pourtant la création de ce type de filière, véritable passage obligé, et tant mieux pour la planète.

Les coques du Clémenceau comme celles de la majorité des navires construits aprés la deuxième guerre recèlent beaucoup d’amiante, l’emploi de ce matériau étant inévitable à l’époque par ses qualités d’isolant au feu, la faiblesse de son coût, sa toxicité n’ayant pas été avérée (quoique …).

Au regard de la décision prise par le gouvernement, certaines questions méritent d’être posées :

  • Ce type de process industriel est il impossible techniquement à accomplir dans un chantier naval français ?
  • Est il créateur d’emplois ?
  • Le Clémenceau est il un cas unique ?

Car ce marché est viable économiquement pour notre industrie : du fait de la technicité qu’il requiert et de l’importance du stock d’amiante contenu dans de nombreux ouvrages ou équipements  (bâtiment notamment …), de fait, le désamiantage est malheureusement  un marché porteur.

Les dangers de l’amiante

Entre autres inconvénients, l’amiante présente la caractéristique d’être trés volatile, ce qui le rend d’autant plus dangereux. Effectuer un  désamiantage est une opération délicate à mener : il faut confiner et rendre étanche la zone à décontaminer avant de pouvoir l’extraire. Au regard des dangers évoqués, cette procédure est une opération plus que délicate malgré une réglementation très stricte et le risque environnemental est présent à toutes les étapes : extraction, transport et traitement.

Cette technique est désormais maîtrisée dans nos pays, mais depuis assez peu de temps, et rien n’assure que les procédures mises au point en Europe soient généralisées sur d’autres continents.

La découverte du fléau de l’amiante ne remonte officiellement en France qu’à 1997, même si ses dangers sont connus depuis bien plus de temps (début du siècle dernier). Difficulté majeure, si le temps d’exposition ou la quantité de fibres absorbés sont des paramètres significatifs, ils ne sont pas déterminants, une exposition ou une quantité absorbée infime peut se révéler mortelle, ce qui a amené l’Etat malgré la puissance du lobby des producteurs, qui a fait ses preuves jusque dans un passé récent, a procédé finalement aprés bien des altermoiements coupables (on se rappelle le scandale des veuves de l’amiante) à son interdiction totale.

Le problème aujourd’hui est que l’on trouve de l’amiante dans nombre d’endroits trés divers, notamment dans le bâtiment : plafonds, sols, tuyauteries mais également industrie automobile (freins), partout où l’on doit agir contre la chaleur. Ce risque est si important que lors d’une vente de bien immobilier un diagnostic « amiante » doit être effectué obligatoirement; il est dommageable que cette obligation n’est pas été étendu aux propriétaires vis à vis de leurs locataires. .

L’offense faite à l’Inde

Cette affaire est également exemplaire des relations Nord / Sud dans le domaine de l’Environnement et de l’élimination des déchets toxiques ou dangereux. On ne peut que regretter le mauvais exemple donné par la France, surtout après les déclarations de Chirac sur le Développement Durable et la « maison qui brûle ».

Débattre pour savoir si un matériel militaire doit s’affranchir de la convention de Bâle comme le fait l’Etat français est une insulte à l’intelligence des peuples et au Développement Durable. Poser simplement la problématique en ces termes est inacceptable et scandaleux. Saluons au contraire le rôle joué par la convention de Bâle qui protège la santé des populations des pays du Tiers monde (quelquefois malgré leurs dirigeants) en limitant ce type d’exportation. Elle n’autorise l’exportation  des matériaux dangereux que lorsque le Pays d’origine « ne dispose pas des moyens techniques et des installations nécessaires pour éliminer les déchets en question selon des méthodes écologiquement rationnelles et efficaces ». Est ce le cas de la France ?

Le temps aussi de considérer l’Inde tout autrement. Cette grande nation ne plus être considérée comme un pays du Tiers Monde, loin s’en faut, mais comme un pays état souverain disposant d’une économie florissante, d’un système éducatif qui donne des résultats remarquables, et d’une démocratie qui s’est confortée ces dernières années même si cette nation est toujours une terre de contraste.

La patrie de  Amartya Sen, prix Nobel de l’Economie commence désormais à jouer dans la cour des grands, voir des trés grands, il serait bon de s’en souvenir dans les années à venir.

Impressions sur Riou

Durant  la semaine de Toussaint, j’ai plongé sur l’archipel de Riou (situé au Sud de Marseille), ce court séjour m’a permis de constater sur place les progrès réalisés depuis 20 ans dans la protection de l’environnement …

Depuis juillet 1992, l’archipel de Riou est la propriété du Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres, situé sur le territoire de la ville de Marseille, dans le 8eme arrondissement et dans le site classé des calanques (à l’instar de Morgiou et Sormiou), il offre à ses visiteurs un paysage minéral spectaculaire découpé de falaises vertigineuses. La diversité de sa faune et de sa flore est exceptionnelle, ses îles jouent un rôle capital dans la reproduction de nombreuses familles d’oiseaux marins de la rade phocéenne. Deux dangers perturbent cependant cette belle harmonie : la présence de populations animales introduites par l’homme (rats et lapins) et la fréquentation de ces lieux enchanteurs par les plaisanciers.

La faune et la flore sous marine de l’archipel sont d’une diversité et d’une richesse rare; certains de ses sites sont quasi mythiques (Impériaux , Grand Conglue …) dans le petit monde de la plongée sous marine et ont marqué et façonnés des générations de plongeurs.  La profondeur (plus de 60 mètres), l’atmosphère, l’ambiance, la luminosité, l’intensité des bleus y règnant, la richesse de la faune et de la flore, les tombants de gorgones rouges interminables, la diversité du relief sous marin avec la présence de nombreuses grottes, arches et tunnels font de ces plongées des moments exceptionnels et inoubliables

Autre satisfaction et non des moindres, lors de nos plongées, nous avons rencontré, dès dix mètres de profondeur, des mérous, des langoustes et du corail en fleurs à profusion, rencontres encore impossible dans cette zone il y a seulement une quinzaine d’années.

En défense de l’environnement, il n’y a pas de fatalité mais …

Le Conservatoire du Littoral qui gère désormais l’archipel constitue une véritable chance pour la défense du patrimoine naturel et met un terme aux spéculations immobilières qui ont dénaturé trop de « bords de mer » et confisqués une partie du patrimoine naturel national au profit de quelques privilégiés fortunés. Natif de Hyéres , je ne peux que regretter la création tardive d’une telle structure qui aurait permis de sauver du béton des centaines de kilomètres de rivages magnifiques. Nous devons demeurer extrêmement vigilant sur toute limitation (textes, moyens financiers et juridiques) de l’action et du rôle de ce type de structures qui sont d’une importance vitale pour la défense de notre patrimoine naturel.

Dans les premiers films et livres de Cousteau (« Le Monde du Silence » notamment) le corail et les mérous étaient les victimes expiatoires toutes désignés des « hommes grenouilles ». Au fil des voyages, des films, des rencontres, le message du Capitaine de la Calypso s’est transformé en une défense exigeante et passionnée de l’écosystème sous marin. La popularité de Cousteau, notamment, a facilité une prise de conscience générale  avec l’installation de stations d’épuration, l’élaboration de schémas d’assainissement, l’éducation des pratiquants de chasse (il n’y a pas ici de guerre de la palombe) et de plongée sous marine, l’arrêt de pratiques néfastes telle le pillage du corail. Minéral par son squelette, végétal par son allure, animal en réalité, il a toujours été associé à l’histoire de la Méditerranée et fascine les hommes depuis les temps préhistoriques. La légende rapporte que c’est Persée qui en tranchant la tête de la Gorgone sur un lit d’algues marines rapidement recouvertes du sang coulant transforma ces algues pétrifiées en corail rouge. Dans l’antiquité « l’or rouge » s’échangeait contre l’ambre de la mer du Nord, au Moyen Âge il était considéré à la fois comme un talisman contre le mauvais sort et comme un médicament (en poudre), puis il a été jusqu’à aujourd’hui beaucoup utilisé en bijouterie. Trop souvent les colonies de corail ont été victimes des « homo palminus » et tels des trophés exhibés dans les vitrines ou les aquariums des plongeurs du monde entier, une mode désormais dépassée. Dorénavant, ces même plongeurs peuvent admirer à la lueur des torches, dès les dix mètres de profondeur à peine, la beauté exceptionnelle de parois garnies de corail incandescent qui fleurissent et les ramener sous forme de fichiers photos numériques.

Ce séjour m’a permis de découvrir des îles sauvages préservées et un coté de la ville de Marseille que je ne soupçonnais pas. Je comprends mieux depuis l’oeuvre d’Izzo et son attachement à la cité Phocéenne; comme quoi, à Marseille  il n’y a a pas que la Cannebière ou l’OM, même si l’on apprécie l’un et l’autre !

Autre enseignement, exportable celui là, en matière de défense de l’environnement, s’il n’y a pas de fatalité, il faut cependant un savant cocktail de détermination, de moyens humains et financiers, de courage politique, de sens de la communication et de pédagogie pour permettre aux générations futures de s’épanouir sur la planète bleue …

Alors autant commencer tôt …

Liens utiles

Conservatoire du Littoral : http://www.conservatoire-du-littoral.fr/

Site de l’organisateur de la croisière plongée : http://www.revatua.com