La transformation numérique des territoires ne peut se faire sans les collectivités

Les Ministres Amélie de Montchanin et Cédric O ont invité les associations d’élus à débattre sur le volet du Plan de relance consacrée à la « Transformation numérique de l’Etat et des Territoires », réunion dans laquelle je représentais les Petites Villes de France.
Avis unanime, pour réussir une telle transformation ne peut se faire sans les collectivités. Si le plan France Relance mobilise des moyens financiers considérables (500 millions d’euros), il ne constituera une réelle opportunité qu’à cette seule condition, tant il apparait que pour être acceptable et acceptée de tous, cette démarche doit tenir compte en premier lieu des besoins de nos concitoyens et des contraintes que doivent surmonter les acteurs du terrain.

Si nous partageons l’ambition de décliner au plus près de nos concitoyens les politiques publiques, vouloir faire proximité (le « fameux dernier kilomètre ») nécessite pour s’inscrire au quotidien et dans la durée, certains préalables : intégrer les contraintes du terrain, s’appuyer sur les acteurs locaux, faciliter la vie des usagers (approche « Ux » : parcours usagers, ergonomie, expérience utilisateur …), privilégier une démarche ascendante de type « bottom up ».

Investir dans le numérique, suppose de miser plutôt sur les technologies d’avenir que celles du passé, fut-il «immédiat » et si ce n’est d’anticiper les tendances à venir, de tenir compte de celles qui ne sont déjà plus des signaux faibles : explosion des échanges de données, omniprésence de la data, nécessité absolue de travailler sur la robustesse des systèmes, lutte contre la cyber délinquance, sécurisation des accès (identités numériques), émergence de technologies disruptives telle la blockchain …

C’est bien le sens des propositions qui suivent …

Xavier Gorce / Le Monde

Certaines voix suggèrent d’opter pour des seuils ou des logiques de périmètres XXL, qu’ils soient administratifs, institutionnels ou géographiques … Rappelons simplement que le numérique s’affranchit des limites « physiques », c’est souvent l’usage qui fait sens … Aussi nous semble-il plus pertinent, de travailler à des innovations qui ratissent « large » et apportent une valeur ajoutée au plus grand nombre d’utilisateurs afin de se concentrer sur l’essentiel, sécuriser le cœur de la matrice et développer son agilité, sa souplesse, en évitant si possible tout effet « usine à gaz ». Quitte à penser quelque peu « out of the box ».

Avant toute chose, un point de vigilance mérite d’être souligné. La maturité numérique des territoires n’est pas homogène et varie selon les collectivités ou les services de l’Etat, sans lien de causalité direct avec leur dimension.
Beaucoup de collectivités, peut être même de services de l’Etat, ont besoin d’accompagnement pour être en capacité d’effectuer les bons choix technologiques ou de méthode, bâtir des stratégies de transformation numérique cohérentes et progressives et utiliser au mieux les aides du plan de relance.

Il convient également de tirer certains enseignements du confinement. Le succès rencontré par les applications favorisant télétravail et échanges à distance (visioconférence, messagerie collaborative, hébergement dans le cloud … ) marque une véritable étape. Constatons que celles utilisées majoritairement par le plus grand nombre d’utilisateurs ne respectent sans doute pas au mieux l’intégrité des données personnelles et les principes de souveraineté, mais elles ont rencontré une audience considérable, tant elles sont mieux conçues, plus intuitives, souples, et agiles et basées sur une véritable « approche usager ». Autant d’élements qui expliquent leur succès.

Les élus partagent une inquiétude : le facteur temps. Ce plan de relance a une durée limitée, deux ans c’est court. Aussi convient il de ne pas confondre vitesse et précipitation, effet d’annonces et avancées concrètes. Ce contexte contraint implique de bien délimiter le périmètre des ambitions poursuivies et de sélectionner des actions prioritaires afin d’éviter tout risque d’éparpillement ou de saupoudrage inutile.
Mieux vaut semer dans un labour bien préparé, qu’arroser le sable ou enrichir les GAFAM.

Quelles propositions ?

Quelles propositions ?

1/ Penser éco système

  1. Agir sur la sécurité : l’éco système numérique se doit d’être robuste et résilient : sécurité des données, Systèmes d’Information ou lutte contre la cyber délinquance sont autant de priorités pour éviter tout black out. Nous devons élaborer toute une stratégie et nous doter d’une batterie d’outils en ce sens : gestes barrières, antivirus, firewalls …
  2. Agir sur la fiabilité du nuage : Le cloud doit garantir l’intégrité des données qu’il héberge comme le respect des règles de souveraineté européenne. La maîtrise de telles technologies est stratégique, un récent événement lié à l’hébergement des données de santé a encore souligné cette dimension stratégique et souveraine.
  3. Agir sur la sécurisation des accès et l’utilisation de données personnelles sensibles grâce à la généralisation de l’utilisation de France Connect (applications, portails, sites internet, services smartphones …), la création d’API permettant de renseigner automatiquement les données personnelles « confidentielles » (« Ne le dites qu’une fois », données DGFIP …). La X road estonienne démontre que des technologies de type blockchain peuvent se révéler facilitatrices.

2/ Penser inter-opérabilité

  1. Définir et imposer des standards dans tous les cahiers des charges des éditeurs ou opérateurs afin de faciliter le transfert et l’utilisation de données et permettant ainsi de mettre en place les conditions d’une véritable inter-opérabilité
  2. Développer des API favorisant la multiplication des échanges de données, les «  dialogues » entre applications et solutions logicielles, l’open data, ce qui contribuera à animer la dynamique de l’éco système numérique et favoriser l’émergence de nouveaux services comme l’essor de jeunes pousses.
  3. Privilégier les solutions Open Source et les logiciels libres

Développer des API favorisant la multiplication des échanges de données, l’es dialogues entre applications et solutions logicielles, l’open data et alimenter dynamique de l’éco système numérique et favoriser l’émergence de nouveaux services et l’essor de jeunes pousses.

3/ Penser usages

  1. Proposer des alternatives , respectueuses des données personnelles et des règles relatives à la souveraineté numérique, aux applications utilisés durant le confinement : visioconférences, messagerie collaboratives … Encore faut il, que les nouvelles solutions soient adaptées aux usages, c’est un beau challenge qualitatif à mener.
  2. Ne pas se limiter aux seuls outils. Intégrer une nouvelle application dans un process multi dimensionnel , nécessite de prendre en compte : accompagnement humain, usages, postures …,
  3. Ne pas sous estimer la difficulté de développer des « solutions lourdes » (usines à gaz) qui nécessitent un déploiement « industriel » souvent complexe, chronophage et couteux en ressources logistiques ou humaines. Si la scalabilité est une phase déterminante, elle est plus que délicate et nécessite bien des ressources
  4. Assurer dans les collectivités et services de l’état la formation de référents aux usages numériques permettant de faciliter le déploiement et la mise en œuvre de futurs projets de services dans leur globalité et leur complexité, tant faire simple est souvent difficile.