Le Grand Paris, a t’il besoin d’espaces ouverts ?

espace-ouv1.jpgJ’ai participé, il y a quelques semaines, à la 2eme table ronde des  «Conversations Métropolitaines » (cf note précédente) dont l’intitulé évocateur : « Les espaces ouverts sont-ils l’avenir du Grand Paris ? », nous rapproche  du poème d’Aragon, mais aussi paradoxalement de la thèmatique abordée lors du débat précédent, qui était consacré lui à l’intensité urbaine.

Rapide rappel. Un « espace ouvert » est un espace non construit, qui n’est ni altéré, ni imperméabilisé, autrement dit le terme regroupe les espaces agricoles et naturels. Il est bon de savoir que dés qu’une parcelle est bâtie et imperméabilisée, il lui faut des siècles, avant qu’elle ne puisse se reconstituer. Malgré cette réalité qui interpelle, beaucoup de professionnels de l’aménagement persistent à les considérer comme des réserves foncières ! Est il utile de souligner que la réversibilité est dans ce cas à sens unique !

J’en veux pour preuve, un constat simple. Depuis quarante ans, la consommation d’espace naturel s’intensifie, une tendance que rien ne semble stopper. En 5 ans c’est l’équivalent d’un département comme la Seine-et-Marne, un des plus étendus du pays, qui a disparu, soit 24 m2 chaque seconde (Chambre d’agriculture).
Conséquence directe du modèle culturel dominant de « l’american way of life » dont le style de vie est basé sur le développement de la voiture et de la maison individuelle avec jardin, l’étalement urbain, la multiplication de grands pôles commerciaux (« malls ») en périphérie.
Autant d’éléments qui induisent le développement  d’une « ville consommatrice » (foncier, énergie, pierre, temps), dévoreuse d’espaces ouverts.
Si nous voulons encore préserver des espaces naturels et agricoles significatifs, nous devons donc sortir de ce modèle, mais par le haut. Les urbanistes, élus, promoteurs, architectes, acteurs de l’aménagement  doivent s’y atteler au plus vite, avec un prélable,  rendre la ville durable désirable ce qui nécessite de faire évoluer les représentations culturelles liées à l’épanouissement personnel et familial, mais également la qualité de vie dans les villes.

C’est ce qui est ressorti d’interventions fortes lors de ce débat. Notamment celle de Jean Yves Chapuis (voir plus loin) reprécisant qu’il est important d’anticiper les mutations, de ne pas figer une ville qui doit se faire, se défaire et se refaire de manière quasi continue.
Si les espaces naturels et agricoles, sont d’ores et déjà un atout considérable pour notre pays, nous y reviendrons, leur formidable potentiel nous permettra demain de surmonter bien des défis, à condition bien évidemment d’avoir pu et su protéger leur intégrité.
Aujourd’hui la menace de les voir disparaitre ou se dégrader est réelle a rappelé  Mireille Ferri (voir plus loin). Elle a souligné que la question centrale de leur survie est bien celle de leur valorisation. Une réalité économique qui doit s’imposer à tous, tant lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, les espaces ouverts constituant  le « contre point » du bourg urbanisé, que dans les choix économiques : agriculture vivrière, éco matériaux …

Pour les préserver deux pistes doivent être explorées au plus vite :

  • limiter l’étalement urbain, et décourager toute spéculation, altération et fragmentation concernant ces espaces
  • valoriser lers produits issus de l’agriculture afin de maintenir une activité économique significative ayant de réelles perspectives de développement

 

Vous en doutez ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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Avant d’aborder certaines des thématiques débattues, quelques mots sur la forme.

Malgré l’animation tonique et dynamique de Cyrille Poy, journaliste animateur, il est difficile pour un participant à la table ronde de ne pas ressentir un minimum de frustation tant les sujets abordés sont passionnants, mais c’est la règle du jeu, du fait du temps imparti pour chaque intervention, limité du fait du nombre de participants à chacune des deux tables rondes. Faut il en avoir deux d’ailleurs ?

Pour avoir une idée plus complète de cette soirée débat, vous pouvez réecouter les deux tables rondes sur un des sites de France Culture.

Alors comment répondre à la question initiale :  les espaces ouverts sont ils réellement l’avenir du Grand Paris ?

L’espace ouvert, élément central de notre bio capacité 

Fait indiscutable, les espaces ouverts  sont absolument incontournables pour l’équilibre de notre écosystème : maintien de la biodiversité, préservation des ressources naturelles qu’ils épurent ou enrichissent (eau, air, sol) … Ils sobt des composantes essentielles de notre biocapacité, élément moteur s’il en est de l’empreinte écologique, qui n’est ni plus ni moins que la capacité du système à se régénérer.

Bien d’autres arguments s’imposent :

La croissance démographique en cours, 9 milliards d’habitants en 2050, impose de préserver pour les prochaines années, une agriculture performante, respectueuse des cycles de saison et de la biodiversité. Un constat qui concerne également mer, lacs et cours d’eau dont l’intégrité est aujourd’hui menacée. L’agriculture est d’ores et déjà un enjeu stratégique essentiel pour les générations futures.

La France possède la plus grande forêt d’Europe, avec cependant une particularité qui constitue une vraie opportunité pour l’émergence de filières courtes, elle est disséminée sur tout le territoire. Pourtant paradoxalement l’industrie du bois n’est pas très développée dans notre pays, tant au niveau des matériaux de construction que de la production de bois de chauffage. Signalons un potentiel énergétique commun entre agriculture et monde sylvicole (forêt) : la bio masse.

La présence des trames vertes et bleues permettent également de réguler la température locale, de limiter les effets du réchauffement climatique, et de capturer le carbone, ce qui actuellement n’est pas négligeable !

Mais les espaces ouverts contribuent également à la quête identitaire de l’homme. Dans une société de plus en plus mondialisée, voir standardisée, les paysages naturels font partie intégrante du patrimoine d’un territoire et de ses habitants : cours d’eau, forêt, champs … Ils constituent également des lieux privilégiés pour notre recherche d’équilibre intérieur, tant physiques que psychiques : promenade, accès à la nature, ressourcement, imaginaire, pratiques de sport et de loisirs, lieu de rencontre …

 

Les vertiges du Développement Urbain 

Aujourd’hui, pourtant ils sont en danger du fait de l’urbanisation croissante. Pour illustrer cette consommation foncière, rappelons qu’en Île-de-France, il ne reste plus que 2 espaces entiers qui dépassent les 5000 ha (l’équivalent du domaine vital du cerf), alors qu’en 1994 notre région en comptait 13 !

Mais la consommation foncière n’est pas le seul problème rencontré. Deux autres conséquences liées directement au développement urbain, impactent les espaces ouverts :

leur fragmentation, due à la multiplication des besoins en infrastructures (route, énergie…) permettant de connecter les zones d’habitat éloignées aux pôles de transport collectif ou aux entreprises, le mitage qu’ils subissent,

l’altération des sols, « coté obscur » de la présence humaine : sur fréquentation, bouleversement de l’écosystème, pollutions terrestre ou aquatique (algues vertes en Bretagne…). …

Pour protéger efficacement les espaces ouverts, il faut impérativement renforcer leur robustesse,  ce qui nécessite comme pré requis de respecter leur taille critique, d’éviter morcellement, mitage, dégradations liées notamment aux conflits d’usage.

Autre action importante : travailler qualitativement les « zones tampon et de transition » entre espace urbain et espace ouvert (notion de front urbain) afin de faciliter les relations et l’harmonie entre deux « mondes » aux logiques différentes mais complémentaires.

 

Repenser la relation économique avec l’agriculture

Mireille Ferri, Conseillère Régionale, spécialiste reconnue et appréciée de la problématique francilienne, qui a piloté avec beaucoup de doigté la réflexion autour de son Schéma Directeur est revenue sur un élément, incontournable : pour que les espaces soient durables écologiquement, il faut qu’ils soient viables économiquement, et ce, dés aujourd’hui. Toute la question du maintien et du devenir futur d’une agriculture, d’une sylviculture ou des activités liées au monde aquatique en dépend.

Les documents de planification des dernières décennies ont démontré qu’il ne suffisait pas de préserver le foncier pour assurer la pérennité de ces espaces. Il est indispensable de permettre un développement économique viable des activités agricoles ou forestières, un fonctionnement durable des écosystèmes, de donner les moyens aux structures en place (SAFER, AEV …) afin de protéger de la spéculation foncière les espaces ouverts.

Un nouveau jeu d’acteurs doit se déployer, de nouvelles alliances se nouer afin de ne plus considérer l’espace ouvert comme une simple réserve foncière, mais tout simplement de le valoriser pour ce qu’il est.

Il faut inverser la tendance, repenser la destinée de chacun des espaces, urbains ou ouverts, tant ils sont complémentaires et qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Comme l’a précisé Mireille, ils doivent apprendre à dialoguer.

C’est ce qu’a souligné également Jean Yves Chapuis en précisant qu’il fallait interpeller les compétences des uns et des autres, et accepter que chacun accepte d’intervenir dans la compétence de l’autre. Il a indiqué aussi qu’en France, il n’y avait plus réellement de culture rurale, nos concitoyens étant de plus en plus  en demande d’une nature bien propre et bien sage

Il est crucial que nous prenions en compte les spécificités mais aussi la fragilité de ces espaces, ce qui doit nous inciter à intégrer la responsabilité que nous avons à défendre et protéger ce patrimoine commun….

Compte rendu de la 1ere table ronde

Repérage francilien

Armature paysagère : ¼ du territoire (600 000 ha)

80%, du territoire est en espaces ouverts

96% des habitants vivent en espace urbain

50% territoire : agriculture

 2/3 des forêts sont privées