Les agro carburants épinglés

hausse impots cour des comptes rapport.jpgUn rapport récent de la Cour des Comptes vient confirmer les réserves que j’avais exprimé dans mes précédentes notes consacrées à la filière  agro carburant (agro carburant plutôt que Bio carburant, les bio carburants sont ils écolos).

Mais avant d’aller plus loin et afin de dissiper tout éventuel malentendu, je veux insister sur l’intérêt, la nécessité même, de trouver de nouveaux débouchés à l’activité agricole. Les champs de nos campagnes constituent un gisement potentiel considérable d’activités et d’emplois à développer, en termes de production alimentaire, mais pas seulement.
Au regard de la croissance démographique en cours et des 9 milliards d’habitants que notre planète abritera en 2050, chacun mesure l’importance de sauvegarder une agriculture performante, productive, qui soit également respectueuse du cycle des saisons comme de la biodiversité.

Les espaces agricoles sont aujourd’hui victimes de différents types d’agression qui les fragilisent et menacent leur existence (consommation foncière , fragmentation, mitage, les pollutions  …), ils ne seront d’autant plus aptes à se défendre qu’ils constitueront un enjeu stratégique et économique pour le territoire. Toute la question de leur maintien dépend de cette réalité économique.  

Mais je ne pense pas que le développement des agro carburants soit la bonne réponse, contrairement à l’émergence de filières locales dédiées, notamment, aux éco matériaux (j’y reviendrais dans une prochaine note).

Pourquoi autant de réserves sur les agro carburants ?

 

 

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Les politiques en faveur des biocarburants ont d’abord été liées aux politiques agricoles, puis ont visé l’indépendance énergétique, et enfin ont eu pour objet de répondre aux préoccupations environnementales.

Qu’en est il …

 

Avant d’aborder ces objectifs, quelques données de cadrage …

Les biocarburants qui sont actuellement sur le marché, sont utilisés en mélange avec les hydrocarbures. En France, ils sont distribués pour la circulation automobile sous deux formes, le biodiesel en addition au gazole, le bioéthanol en addition à l’essence.

Le biodiesel est fabriqué en France à partir d’huile extraite du colza et du tournesol, qui poussent sur place, du soja et du palmier qui sont importés, mais également à partir de graisses animales ou d’huile alimentaires usagées.

La place des agro carburants est en France encore minoritaire, à peu prés environ 2,5 % du total des carburants utilisés pour le transport routier, notre pays est cependant devenue le quatrième pays producteur d’agrocarburants.

L’un des objectifs de cette politique pour le moins volontariste était de conforter notre indépendance énergétique vis à vis des pays producteurs de pétrole et surtout de gazole, qui dans notre pays est largement développé du fait d’une politique fiscale très avantageuse, notamment pour les poids lourds.

L’Agence européenne de l’environnement indique que si l’on souhaite recourir à la biomasse pour couvrir 20 à 50 % des besoins énergétiques mondiaux dans les décennies à venir, il faudrait tripler la récolte planétaire. Pour couvrir les besoins de l’UE, les surfaces cultivées pour les biocarburants devraient augmenter de prés de 2 millions d’hectares d’ici à 2020, selon un rapport de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, ainsi que les importations d’huile de soja et de palme.

Les biocarburants utilisent en France pour la culture de leur matière première un peu moins de 6 % de la surface agricole utile, c’est-à-dire 1,7 Mha en 2010, dont 1,45 Mha pour le biodiesel et 250 000 ha pour le bioéthanol.
Soyons honnête,  les biocarburants sont partis d’un a priori positif, cela n’a pas duré, plusieurs raisons expliquent ce revirement, tant économiques, qu’environnementales …
Au niveau économique …
Il est bon de rappeler que les deux filières de l’agro carburant (éthanol et biodiesel) ont bénéficié, en 5 ans  de près de 2,65 milliards d’euros de défiscalisation de l’Etat (au titre de l’exonération partielle de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques , l’ex-TIPP), manque à gagner « essentiellement supporté par les consommateurs », selon le rapport.  Le plan de soutien aux agrocarburants a permis de développer considérablement cette industrie, grâce à des investissements massifs de 1,5 milliard d’euros, dans ce cadre, la filière biodiesel a bénéficié de soutiens dont le montant est supérieur à celui de ses investissements.
Constat, les biocarburants contiennent moins d’énergie par volume que les carburants classiques. Il faut en consommer plus pour effectuer un kilométrage donné. Une situation qui si elle rapporte plus de taxes à l’Etat, coûte plus cher à l’automobiliste qui doit mettre plus de carburant pour parcourir la même distance. Le bioéthanol permet ainsi de parcourir 68 km contre 100 pour l’essence, et le biodiesel 92 km contre 100 avec du gazole.
Au regard de ces performances, l’impact en termes d’indépendance énergétique n’est pas significatif, il faudrait pour cela que les taux d’incorporation soient plus élevés, ce qui exigerait deux contre parties : adapter les moteurs mais aussi étendre la superficie des surfaces dédiées aux agro carburants  pour satisfaire les besoins.
Au niveau environnemental …
Les changements d’affectation des sols (directs et indirects), entre des espaces autrefois occupés par des forêts notamment primaire (Amérique du Sud, Asie, Indonésie) ou de l’agriculture alimentaire, entraine une concurrence avec l’alimentation humaine, des atteintes considérables à la biodiversité, une déforestation qui diminue les capacités planétaires de capturer le carbone et ainsi augmente les émissions de gaz à effet de serre (GES).
D’après un rapport de Greenpeace, le biocarburant vendu en France, serait composé de 30 % d’huile de soja et d’huile de palme, importées d’Amérique du Sud.
L’envolée du prix des matières premières agricoles en 2008 a instauré une concurrence entre la production de biocarburants et celle de la nourriture pour les hommes ou animaux. Ce qui a causé un débat  vif opposant « nourriture contre biocarburants ». Notamment sur la priorité de l’affectation des sols, un débat qui n’est pas qu’hexagonal concernant également les terres des pays en développement au détriment des cultures alimentaires locales. Un rapport récent de la FAO dénonçait ainsi la responsabilité de cette industrie dans la hausse considérable des prix des denrées alimentaires depuis 2008. 40 % du maïs produit aux Etats-Unis et les deux tiers des huiles végétales de l’UE y seraient absorbés, selon la branche alimentaire de l’ONU.

La production des agro carburants entraine une agriculture de type intensive et polluante, que ce soit en termes d’émissions de CO2 ou en utilisation d’intrants afin d’optimiser les rendements des sols. Autre élément à prendre en compte, dans ce cadre les voitures et les camions continuent de privilégier du fait de l’utilisation d’agro carburant les énergies fossiles et les moteurs à explosion, roulent autant qu’avant, ce qui au niveau des émissions de GES est problématique car elles continuent à croitre !

Le constat de la Cour est qu’au terme de 15 ans de politique en faveur des biocarburants, les seuls équilibres  réellement modifiés par ces politiques sont de nature agricole. En ce qui concerne  l’indépendance énergétique ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les résultats ne sont pas probants.

Les auteurs du rapport recommandent  « l’arrêt des subventions soutenant la production de biocarburants » et suggèrent d’accélérer la réduction de la défiscalisation actuelle, jusqu’à son extinction qu’il conviendrait d’envisager sans nouvel agrément pour 2015.

Autre préconisation : satisfaire les exigences de transparence vis-à-vis des citoyens, consommateurs et contribuables, en faisant clairement savoir à l’opinion si la politique en faveur des biocarburants est une vraie composante d’une politique de protection de l’environnement ou un simple volet d’une politique agro-industrielle, ce qui souligne les réserves exprimées par les sages de la rue Cambon.

Pour en savoir un peu plus 

Communiqué de presse

La synthèse du rapport

Le rapport