Les Télé centres émergent de l’horizon …

reseau.jpgUn télécentre doit il contribuer à résoudre la fracture numérique auprès de publics fragilisés, ou bien constituer un équipement dédié aux « professionnels » qu’ils soient indépendants, salariés de TPE, grandes entreprises ou d’administrations ?  Ces deux objectifs apparaissent plus complémentaire qu’antagonistes, chacun étant digne d’intérêt, mais encore faut il que chaque structure se positionne clairement sur le type d’usages privilégié.

L’étude de marché menée par Seine-et-Marne Développement et le cabinet LBMG Worklabs auprès de 27 grandes entreprises franciliennes (dont Areva, Atos, Cap Gemini, Dassault, IBM, SFR, Siemens, Vivendi …) et 150 TPE-PME et indépendants de Seine-et-Marne affiche sans ambigüité la couleur : la cible recherchée est bien le monde professionnel. C’est l’objet de ce billet, nous reviendrons prochainement sur l’autre cible, même si des structures mixtes peuvent également être envisagées. Car il faut rester circonspect, l’expérience des Smart Work Centers d’Amsterdam, démontre que le succès économique n’est pas toujours au rendez vous et que le plus souvent il résulte d’une combinaison très concrète : qualité du business plan, implication des porteurs du projet, valeur ajoutée apportée aux télétravailleurs du secteur.

Incontestablement en France, la réflexion autour de ce nouveau concept émerge, prioritairement portée par les territoires,  qu’ils soient ruraux  ( vercorscantal …)  : lutte contre le désenclavement et la fracture numérique, ou péri-urbains avec pour cible la limitation des transports quotidiens des habitants, souvent supérieurs à 3 heures par jour (notamment dans la grande couronne). Toutes les études témoignent de l’intérêt du concept : tant pour le salarié (voir la note précédente), que pour les entreprises, de plus en plus confrontées à la nécessité de réduire leurs charges de fonctionnement et d’agir en faveur de l’environnement (responsabilité environnementale et sociale).

Rapide focus sur ce nouveau concept, qui avant de pouvoir incarner un modèle économique  « viable », doit représenter une réelle valeur ajoutée apportant des réponses pertinentes aux besoins de ses utilisateurs tant sur le concept, que les couts ou la nature des services proposés …

 
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Pour constituer une véritable alternative,  un télécentre se doit d’être utile, pratique, polyvalent, évolutif et surtout attractif afin de répondre aux besoins de ses utilisateurs potentiels : du travailleur indépendant au salarié de structures de plus en plus importantes.

Autant d’exigences qui doivent susciter et inspirer la palette de services à proposer : bureaux et espaces privatifs pour les missions ayant besoin de confidentialité ou de concentration, espaces de travail partagé (« coworking ») facilitant échanges, rencontres ou travail collaboratif, salles de réunions mutualisées (vidéo projection, formation …), services spécifiques (vidéo ou audio conférences, téléprésence …), ou périphériques (salle de rendez vous, secrétariat …).

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 La Cantine » (151 rue Montmartre à Paris) est une bonne illustration du concept, bien que ce 1er espace de travail collaboratif (« coworking space ») soutenu par la Région Ile de France, entièrement conçu pour le travail partagé, ouvert aux réseaux internationaux qu’ils soient artistiques, graphiques, liés à la recherche ou au monde de l’enseignement, ne soit pas réservé aux seuls professionnels.

Connecté à la fibre optique, ce lieu de rencontre, d’informations, d’échange, facilitateur de synergie entre différents acteurs des technologies numériques, met à disposition un open space de 14 postes de travail, un espace partagé de 14 postes de travail individuels et un café ouvert à tous.
« Détail » important, ce « coffee shop » est situé en plein Paris, et correspond donc à une lecture très urbaine, voire métropolitaine de la problématique des télécentres.
Il faut oublier le « copier coller », la prise en compte des éléments de contextualisation sont primordiaux et incontournables dans la réussite de telles initiatives, pour être pertinentes celles ci doivent apporter des réponses adaptées aux territoires comme à son environnement, qu’il soit économique, culturel ou social.

L’initiative Télécentre 77

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L’étude menée par « Seine-et-Marne Développement »  se positionne sur une toute autre échelle, le département.
L’enquête support réalisée pour l’occasion, a permis de rassembler des éléments utiles à la constitution d’un modèle économique pertinent, intègrant, trés en amont, les contraintes liées aux spécificités de ce département, réelles, c’est un des plus étendu de France, comme de ses populations (rurales, péri urbaines et urbaines), et surtout de l’état déplorable de son réseau numérique. Objectif poursuivi : mettre en place dès 2012, quelques télécentres pouvant jouer le rôle de  «démonstrateurs» d’un concept encore à affiner, pas définition donc, évolutif.
Cette expérimentation prolonge les différentes initiatives menées par le Conseil Général de Seine et Marne depuis 2004, très volontariste dans le domaine des communications numériques : généralisation du haut débit, implantation d’un réseau de fibre optique sur l’ensemble du département (réseau sémaphore), étude sur le développement des usages numériques.   L’enquête réalisée sur le terrain a permis de relever certaines pistes de réflexion :

  • plus de la moitié des indépendants travaillent en dehors d’un bureau classique, et 47% d’entre eux pourraient être intéressés par des places en télécentres.
  • 37% des TPE/PME qui pratiquent le travail à distance le font depuis un tiers-lieux (café wifi, centre d’affaires…),  24% d’entre-elles peuvent être intéressées par des télécentres.
  •  16% des grandes entreprises sondées, envisagent de prendre des places en télécentres dès 2012 (secteur des nouvelles technologies), 89 % sont intéressées sur le  plus long terme. Une tendance sociétale qui devrait croitre, usage vaut plus que possession !

  La suite logique de cette première vague d’expérimentation, devrait être la constitution d’un véritable réseau, déployé sur l’ensemble du département, permettant de constituer une offre qualitative cohérente, basée sur la mutualisation de services et ressources, la création d’une plateforme de réservation commune, l’élaboration d’une norme de qualité de service (label ?) … L’intérêt pour le territoire est évident : développer son attractivité résidentielle et économique, promouvoir un nouveau modèle de développement plus économe en ressource et en émissions de CO², créer des emplois, améliorer la qualité de vie des habitants et l’efficacité des entreprise.
La future structure a également pour vocation d’accompagner les futurs porteurs de projet : ingénierie, aide au montage organisationnel, économique, juridique et financier (fonds régionaux, européens…), mutualisations, , promotion du réseau …        Définir un modèle économique viable Il me semble utile de rappeller quelques fondamentaux. Le domaine du virtuel obéit également à la règle «business is business ». La magnifique envolée insouciante des bulles spéculatives qui ont caractérisé la net économie et ses start-up appartient au passé, il est vrai que le réveil a été plus que rude, la bulle ayant explosée en vol, le contexte actuel appelle chacun à plus de responsabilité et de prudence. Pour porter un projet de cette nature, il faut une dimension critique minimale. Le porteur du projet devant apporter une réelle valeur ajoutée. Cela nécessite de réunir locaux, matériels, savoir faire technique, et l’impératif de rassembler un budget significatif, tant en investissement qu’en fonctionnement. Il est pourtant probable que le retour d’investissement ne soit pas immédiat; si l’audience ne peut que croitre, correspondant à une tendance sociétale affirmée, cette progression risque de demander du temps.
Sans aide financière extérieure (subventions de collectivité par exemple), les premiers exercices risquent fort de ne pas être excédentaires. Il est nécessaire que le business plan, intègre tous ces paramètres (location du foncier, aménagement, acquisition des matériels …) comme les incertitudes soulevées.     Les tarifs des prestations doivent être également incitatifs. Que le projet soit porté par une association, un GIE, une SARL, une SCOP ou tout autre type de structure et proposer des services utiles et attractifs.
Les financements des télécentres peuvent être privés, publics ou mixtes, l’intervention publique s’expliquant logiquement  par le rôle structurant du concept dans l’aménagement du territoire. Pour illustrer concrètement ce propos, rappelons que l’Arseg (association des directeurs et des responsables de services généraux) a estimé le coût annuel d’un poste de travail dans une entreprise, à 17 335 euros (2010), soit 80 euros par jour ouvré. Les tarifs des télécentres se doivent d’être plus compétitifs, surtout lors de la phase de lancement et d’amorçage, afin d’inciter entreprises  et professionnels à les considérer comme une alternative intéressante et une piste d’économies potentielles. D’autant que des services complémentaires peuvent être également source de revenus : secrétariat, impression, location de salles de réunions ou de formation, visioconférence …   Concernant les services, soulignons tout  l’intérêt de développer des solutions de visio conférences, littéralement pas exploité en France, cette solution qui n’est pas dans notre culture, permet de gagner beaucoup de temps, de limiter stress lié au transport et émissions de gaz à effet de serre, surtout dans un département avecun territoire aussi vaste que la  Seine et Marne. Le choix d’une solution technique unique sur le réseau, en collaboration soit avec des opérateurs (Orange, SFR, Bouygues ou Free), ou des sociétés de communication (à l’exemple d’Amsterdam avec Cisco) peut être une piste de réflexion sérieuse permettant de plus de limiter l’investissement initial.   Autre élément important, la confluence entre positionnement du télécentre, bassins de vie et «hubs » de mobilités (pôle multimodal d’échanges, gares …), ces dernières pouvant être également virtuelles, contribuant ainsi à la volonté environnementale et sociale des transporteurs (SNCF, RATP) de diminuer les émissions de GES et le nombre de leurs usagers, lors des pics de transports du matin et de la soirée (pendulaire) et ainsi leur qualité de vie.   L’intérêt d’une solution collective, basée sur la mise en place d’un réseau est une évidence : mutualisation, création de services partagés (plateforme de réservation, choix technique …), mais aussi promotion,  diffusion du concept et négociations avec les entreprises ou administrations afin de proposer des locations de bureaux ou d’équipements spécifiques (visio conférence notamment), leur permettant progressivement de réaliser de sérieuses économies.     Voici quelques éléments de réflexion personnelle. Incontestablement les télécentres ont la capacité d’apporter des réponses concrètes, pertinentes et adaptées aux entreprises comme aux territoires et à l’environnement. Cependant force est de constater que le contexte social, juridique et économique demeure encore aujourd’hui incertain, d’où l’importance de disposer de porteurs de projets au sens concret développé, afin qu’ils intègrent les différents paramètres évoqués dans ce billet à leur business plan mais également de les aider, surout lors de la phase d’amorçage et de développement, cruciale pour toute start up. Autre remarque positive, ces projets émanent littéralement de la base (logique de « bottom up »), nous sommes bien devant une pyramide inversée, ou les initiatives remontent du terrain …  

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