L’innovation,quête du Graal ou posture?

decentralisation.jpgMarylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation a confié à Akim Oural, Maire-adjoint de Martine Aubry à Lille, un rapport sur les conditions du développement de l’innovation territoriale avec l’objectif de “sortir de la conceptualisation et concrétiser l’innovation territoriale”, rien de moins …
Participant à cette étude coordonnée par le Secrétariat Général à la Modernisation de l’Action Publique (SGMAP) au titre de l’Association des Petites Villes de France,  dont je suis un des référents (au titre du numérique), il me semblait utile d’esquisser quelques pistes de réflexion concernant une thématique qui inspire l’action quotidienne de beaucoup d’élus locaux.

Il est heureux pour nos concitoyens que les collectivités n’aient pas attendu cette initiative, utile au demeurant, pour innover. Si les communes ne sont pas des acteurs exclusifs des dynamiques territoriales, elles en constituent cependant des acteurs majeurs et reconnus; y compris lorsqu’elles doivent s’adapter à un contexte inédit, en « mode complexe », où se cumulent la perte drastique de ressources financières  pourtant indispensables à leur action quotidienne (moins 1/3 des dotations de l’Etat en 4 ans, excusez du peu)  pénalisant principalement celles qui disposent du moins de ressources, impactant economie et emploi local, l’augmentation des difficultés sociales des habitants, l’abandon des services de l’Etat, la mise en place des rythmes scolaires (prés de 200 euros par enfant) et l’aggravation croissante des fractures territoriales.

Si l’action territoriale se déroulait jusqu’à ces dernières années dans un contexte régulé, hiérarchisé, structuré, aux repères pérennes et identifiés, cette époque est désormais révolue et a laissé place à un environnement composé d’écosystèmes locaux soumis à des tensions multiples, aux dynamiques parfois divergentes et des contraintes nouvelles à surmonter entrainant de nécessaires régulations permettant d’arriver à de nouveaux équilibres plus ou moins durables …

Nos territoires sont confrontés à l’accélération et à la multiplication des mutations en cours, ceci dans un contexte de crise budgétaire qui laisse les plus démunis, exsangues. Il faut malgré tout apporter des réponses concrètes, en temps réel, aux habitants comme à l’Etat.
Problématique que l’on pourrait résumer on ne peut plus simplement : comment gagner en agilité, réactivité, solidarité et durabilité avec des ressources moindres et des contraintes supplémentaires ?

Si une des réponses est l’innovation territoriale, chacun sait qu’elle ne pourra tout résoudre, loin s’en faut ! Comment la planifier ou la prévoir, alors que par nature elle est imprévisible rt que c’est le plus souvent en dehors des sentiers battus (« outside the box ») qu’elle apparaît ?
Il n’est pas possible de la décréter du sommet vers la base (On / Off), tant elle émerge du terrain (logique ascendante, « bottom up ») apportant des réponses concrètes et adaptées à une problématique qui concerne d’abord un bassin de vie.

 

Voici quelques propositions destinées à la favoriser …

 

 

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Réconcilier France des villes et France des champs

618849901_huge.jpgDans le cadre des Etats Généraux du Parti Socialiste, j’ai élaboré une contribution relative à la fracture territoriale.
Rappel de la règle, toute contribution doit être inférieure à 2700 signes, ceci explique peut être cela …

La fracture sociale et spatiale entre métropole et périphérie s’accentue et transforme en profondeur le pays.
Ce mouvement de fond amplifié par la crise et les contraintes budgétaires provoque un véritable «bloodshift territorial », les territoires riches aspirant la ressource financière devenue rare aux dépens de la périphérie.
Conséquence pour les habitants : repli sur soi, déclassement, sentiment d’abandon avec une traduction politique directe : la montée de l’abstention et surtout du vote extrémiste, tant la désespérance s’installe dans ces espaces de déliaison sociale.

Accepter la discrimination entre citoyens selon son lieu d’habitation est inacceptable pour tout républicain ! Il nous faut redonner cohésion, espoir, perspectives.
Reconnaître le fait métropolain, ne signifie pas pour autant abandonner territoires ruraux et péri urbains. Notre planète avec 10 milliards d’habitants aura besoin de se nourrir, se loger, se chauffer et de forêts entretenues pour renouveler son atmosphère.

Nous devons revitaliser ces territoires autour :

Des mobilités réelles ou virtuelles. La capacité de se déplacer est un marqueur social et spatial. Pour un métropolitain tout est possible, pour d’autres un vrai parcours du combattant. Il faut développer dans ces territoires des réseaux de transport multi modaux performants basés sur les différents éco systèmes locaux et créer les infrastructures nécessaires aux usages numériques les plus innovants.

De la transition énergétique afin de lutter contre la précarité qui caractérise l’habitat de la grande périphérie et développer jeunes pousses et filières courtes (bois, matériaux bio sourcés, BTP) créatrices d’emplois locaux et de richesses,

De l’équité territoriale. Il ne peut y avoir une France à plusieurs vitesses et des citoyens de seconde zone, relégués, « invisibles ». Il faut une péréquation juste, lisible, réactive au cœur d’un pacte républicain renouvelé liant collectivités et Etat pour remettre confiance et sérénité au cœur des relations entre acteurs clés des politiques publiques.

Du lien social de proximité. En permettant à toutes les collectivités d’être en capacité de répondre aux besoins premiers des familles de plus en plus nombreuses qu’elles accueillent.

 

Imaginer aujourd’hui l’organisation territoriale de demain en baronnies ou duchés n’a plus de sens.
Les dynamiques territoriales tel un réseau neuronal doivent trouver force et énergie dans l’épanouissement de tous les territoires, la qualité et vitalité des liens qui les animent et les relient afin d’initier un développement durable, solidaire et partagé du pays.

Il est grand temps de réconcilier France des villes et France des champs autour d’un contrat territorial adapté à notre temps.

 

 

Dotations : pour éviter le tsunami

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Contester l’ampleur, le rythme et l’équité des baisses de dotations y compris dans les médias nationaux ou locaux ne signifie pas pour autant refuser de contribuer à réduire la dette publique, tant son niveau n’est plus soutenable.

L’endettement du pays atteint désormais 2 000 milliards d’euros et représentera dans quelques semaines 100 % de la richesse nationale soit 30.000 euros par Français !
Rappelons pour ceux qui auraient la mémoire courte que la dette a doublé entre 2002 et 2012, passant de 930 à 1860 milliards d’euros, dont 600 milliards pour le seul quinquennat de Nicolas Sarkozy ! Son remboursement constitue désormais la première dépense du pays.

Les taux d’emprunt historiquement bas (2%) étant supérieurs à la croissance (1%), la dette publique augmente mécaniquement chaque jour, situation délicate qui amène le gouvernement à tout faire pour garder des taux compétitifs, d’autant que la croissance est toujours atone …
Toute augmentation peut compromettre l’équilibre du budget, une hausse de +1% imposerait de trouver 30 milliards d’euros supplémentaires pour refinancer la dette !

Il faut sortir de ce cercle vicieux, et au plus vite, les élus locaux en ont conscience, comme ils ont conscience de la nécessité de maitriser la dépense publique, beaucoup s’y emploient et n’ont pas attendu 2014 pour agir (cf ma dernière note) !
Encore faut il que cela soit fait avec raison, mesure, circonspection, constance et surtout équité. J’ai la conviction que le scénario initial de baisse prévu par le gouvernement jusqu’en 2017, ne pourra être mené à terme sans conséquence douloureuse, tant il n’apparaît ni soutenable, ni raisonnable notamment pour les communes aux ressources les plus faibles.
Il ne sera pas non plus sans conséquence sur l’investissement public et l’emploi local, et ce au plus mauvais moment, comme sur la cohésion sociale du pays, et ce dans des secteurs géographiques déjà très fragilisés où les habitants ont plus que besoin de services publics locaux de proximité.
Ces baisses de dotations accentueront la discrimination entre citoyens selon leur lieu de résidence, une perspective inacceptable pour tout républicain !

Le chemin de crête est étroit, mais des pistes de réponse concrètes selon moi existent :

  • Il est urgent de mettre en place des dispositifs de redistribution efficaces, pérennes et surtout équitables
  • Il me semble essentiel de favoriser au plus vite les investissements liés à la transition énergétique, tant ils sont porteurs d’économies structurelles sur le court, moyen et long terme …

Enfin un moratoire suite au budget 2015 semble inévitable, tant je crains la casse territoriale, beaucoup de communes soient dans un état budgétaire très préoccupant dés 2015, notamment les communes aux recettes insuffisantes.

Je vous propose d’aborder de manière concrète quelques pistes de réflexion personnelles

 


 

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Le Premier Ministre affirme que la «péréquation horizontale» initiée depuis 2012 permettra de compenser les effets négatifs des baisses de dotations pour les communes les moins riches.
Revenons donc sur cette notion de « péréquation » essentielle, lorsque l’on aborde la problématique des finances locales. Il s’agit d’un mécanisme de redistribution destiné à réduire les écarts de richesse et les inégalités entre collectivités  (le site vie publique souligne que que 5% des collectivités – soit 1 800 communes – possédaient à elles seules 80% des bases de la taxe professionnelle) qui sont quelquefois flagrantes !

Cette péréquation peut être :

  • verticale via l’Etat, par le biais de dotations versées aux collectivités les plus pauvres au regard de leurs ressources et de leurs charges,
  • horizontale sur la base d’une solidarité entre les différentes collectivités. Les ressources fiscales des plus riches étant reversées aux moins aisées

Elle n’est pourtant dans les cas que trop souvent théorique …

 

Une péréquation  « horizontale », discutable

Pour le gouvernement, la péréquation initiée depuis 2012 grâce au Fonds de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales (FPIC) qui attribue aux collectivités défavorisées une partie des ressources des plus « riches » compense les  baisses de dotations annoncées.
C’est inexact, car le compte n’y est pas, et de loin ! Le montant du FPIC étant plafonné à 570 millions d’euros, contre 3,7 milliards de baisse de dotations pour 2015 !

Si ce dispositif constitue incontestablement un pas vers la bonne direction il présente de sérieux points faibles ; outre qu’il devrait porter plutôt sur les écarts de ressources que de dépenses, ce qui n’est pas le cas, son attribution porte à discussion : une commune « pauvre » dans une intercommunalité  «riche» peut se retrouver contributrice alors qu’une autre commune au budget similaire dans une intercommunalité « pauvre » sera  bénéficiaire et il existe d’autres cas de figure tout aussi insolites !

Les élus bénéficiaires ne peuvent également considérer cette « manne » comme pérenne tant son attribution est aléatoire, et elle ne peut, à ce titre, figurer dans un Plan Pluri Annuel d’Investissement, d’autant qu’avec le mouvement brownien initiée par la réforme territoriale, et la création de nouvelles intercommunalités et  métropoles, qui peut prédire la situation de chaque collectivité vis à vis du FPIC d’ici 2017 ?
Certaines études d’experts tendent même à démontrer qu’avec l’émergence d’une métropole, la ville de Paris pourrait ne pas être contributeur, un comble !

 

 L’absence de péréquation dite « verticale »

L’état ne peut faire l’économie d’une refonte totale de sa politique de dotations, en choisissant des clés de répartition plus adaptées, à l’aune des défis que les territoires doivent relever aujourd’hui, et non sur ceux de la France d’avant hier, et qui doit absolument tenir compte des solidarités à préserver entre «France des métropoles » et « France périphérique » (cf Giully) afin de compenser des disparités territoriales de plus en plus flagrantes.
Il s’agit de créer une véritable péréquation verticale, jamais mise en place jusque là ! Pour moi, la question de l’équité est essentielle tant elle a été bafouée, et doit être remise au coeur des critères d’attribution des dotations et aides de l’Etat surtout lorsque la situation budgétaire est contrainte !

L’Etat doit tenir compte des recettes des collectivités, dans un autre registre pour illustrer ce propos, est il utile par exemple, que les communes les plus riches (Issy les Moulineaux, Neuilly sur Seine) bénéficient pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, au regard des difficultés budgétaires du pays, du même montant d’aides financière par enfant que des communes moins fortunées (au hasard Trilport ou des villages du 77, sans locaux, moyens ou logistiques pour cette mise en place) ? Permettez moi d’en douter …

Pour résoudre, malgré les difficultés rencontrées, la problématique complexe et douloureuse de la fracture territoriale, nous devons passer d’une culture de l’égalité formelle, de plus en plus théorique, à une culture de l’équité concrète.

 

Investir aujourd’hui pour économiser aujourd’hui, demain et après demain

Rappelons que nous importons chaque année, 70 milliards d’euros d’énergies fossiles, en économiser 30% se traduirait par un gain annuel de 20 à 25 milliards d’euros pour notre balance commerciale dont une part importante d’économies pour les budgets de nos collectivités.

Des économies à la fois structurelles et surtout cumulatives, autrement dit plus vite et plus le pays investira, plus il économisera. D’autant que tous les spécialistes s’accordent sur un point, le prix de l’énergie ne va pas cesser d’augmenter dans les prochaines années.

Autre élément d’analyse, social, celui de la précarité énergétique qui ne cesse de croitre vu la crise. Selon l’INSEE 3,8 millions de ménages ont un taux d’effort énergétique supérieur à 10 % de leur revenu, 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement et 621 000 ménages souffrent des deux formes de précarité.
Ajoutons pour être complets que beaucoup vivent dans des secteurs ruraux et péri urbains, des territoires très touchés par les baisses de dotations.

Ajoutons à ces arguments, financiers et sociaux, l’état de la planète et la part prépondérante dans le mix énergétique des énergies carbonées, principales sources des émissions de gaz à effet de serre et reconnues de ce fait comme les principales perturbateurs climatiques.

Il est urgent et stratégique pour des raisons économiques, sociales et environnementales d’investir massivement pour renforcer l’efficacité énergétique du pays, surtout dans les secteurs les plus énergivores. Paradoxalement les baisses de dotations engagés obèrent les capacités d’investissement de leurs collectivités.

L’Association des Petites Villes de France propose que le Fonds de Compensation de la TVA (compensation de 15,761 % versées aux communes de la charge de TVA des dépenses réelles d’investissement faites 2 ans auparavant) soit versé immédiatement et en intégralité aux collectivités afin de les inciter à investir dés 2015, notamment dans les dépenses liées à l’efficacité énergétique.
Ces sommes pourraient être complétées utilement par des fonds européens et diriger vers des investissements liés à la transition écologique autour de dépenses  fléchées : isolation, implantation de chaudières ultra performantes, installation de réseaux de chaleur, mais aussi renouvellement du parc d’éclairage public.
L’éclairage public constitue le premier poste de dépense d’une commune en énergie, en moyenne la moitié de sa consommation électrique (soit 23 % de sa facture énergétique globale et 39 % de sa facture d’électricite)?.

Dans ce registre je tiens à saluer le dispositif d’emprunt vert à 40 ans et à 1,75% de la Caisse des Dépôts et Consignations intégrée à la loi sur la transition énergétique.

Dans le cas ou le gouvernement poursuivrait les baisses de dotation,  il pourrait dédier une part des 11 milliards d’économies prévues à un fonds d’investissement consacrée à l’accompagnement de la Transition énergétique, en privilégiant les axes d’action abordés précédemment.

De telles mesures relanceraient l’activité économique locale, faciliteraient le développement de nouvelles filières (matériaux bio sourcés, énergies …), et le soutien de la Banque Publique d’Investissement permettrait d’avoir un effet multiplicateur et levier.
D’importantes économies structurelles seraient ainsi réalisées dans chaque collectivité, et ce dés 2016, permettant de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et le déficit commercial du pays.
Je suis persuadé qu’en les adoptant le pays réaliserait des économies conséquentes permettant sans doute dans le moyen terme (20 à 40 ans) de faire plus d’économies que  la baisse des dotations initiée, tout en armant économiquement le pays dans des industries environnementales de pointe, un éco système économique stratégique aujourd’hui et surtout pour  les prochaines années.
La croissance verte n’est pas qu’une figure rhétorique !

 

 

Trois principes selon moi doivent mener à des inflexions sérieuses de la politique initiée :

  • Les vraies économies sont par essence structurelles et doivent être réfléchies, pérennes, efficaces et inscrites dans le long terme, non désordonnées, conjoncturelles et « courtermistes ».
    Mener un effort massif et urgent sur les économies d’énergie est un axe fort d’action qui donner axes résultats économiques, sociaux et environnementaux, visibles et concrets dés 2016
  • Nous devons placer l’équité au cœur de notre politique territoriale. Il ne peut y avoir une France à plusieurs vitesses et des citoyens de seconde zone, relégués, déclassés ou pire invisibles. Ce serait faire le lit du Front National et être aux antipodes des valeurs que nous portons.
    Il est vital de préserver dans ces territoires les liens de proximité et de solidarités entretenus par les politiques publiques locales.
  • Il faut remettre de la confiance, de la stabilité et de la sérénité dans les relations entre Etat et collectivités. Les élus pour participer à l’effort de redressement du pays, contribuer à la relance économique et agir au quotidien au service de la cohésion sociale, doivent savoir où ils vont et les moyens dont ils disposent pour mener leur action. Ce n’est pas possible actuellement.

 

Le gouvernement doit prendre toute la mesure des conséquences du mouvement qu’il vient d’initier.

L’idée d’un moratoire suite au budget 2015, permettant de dresser plus sereinement et objectivement un état des lieux de la « santé budgétaire des collectivités » (notamment de celles aux ressources les plus faibles) constitue une piste de réflexion constructive.
Ce moratoire permettra d’adapter ou d’infléchir certaines décisions si nécessaire, mais donnera également le temps  de mettre en place de nouveaux dispositifs de péréquation plus équitables, selon moi indispensables.
Sinon je crains le pire, et la tentation d’une fuite en avant afin de ne pas voir la réalité du terrain, entrainera un effet domino qui pourrait déstabiliser dés 2016 beaucoup de collectivités, et déclencher de fait un véritable tsunami territorial que nous pouvons encore éviter.

 

 

 

 

 

Les territoires à l’heure du big bang

photo 3-1.JPGLa Terre tourne, de plus en plus vite et subit une véritable «accélération dans l’accélération» ! Le sémaphore de Claude Chappe de la France révolutionnaire de 1789 a disparu depuis belle lurette, remplacé par internet ou la 4G et les chevaux qui délimitaient autrefois les périmètres des départements révolutionnaires regardent désormais passer des voitures électriques.
Cette « nouvelle donne » n’est plus un scoop pour nos concitoyens depuis un bail, tant ils sont conscients de vivre une période charnière. Jamais le monde n’avait évolué aussi vite : mondialisation, développement des pays émergents, omniprésence d’internet, urgence écologique… Un véritable « changement de temps et d’espace » pour reprendre l’expression chère à Léonard de Vinci !

Face à ce bouleversement, redéfinir l’organisation politique et administrative du pays a incontestablement du sens; et si depuis de nombreuses années beaucoup estiment prioritaire d’engager une mutation, reconnaissons que seul Deferre l’a initié, mais c’était en 1982, une autre époque déjà …
Pourtant la France se transforme en profondeur, implicitement sans le reconnaitre, du coup elle développe lourdeurs, paradoxes ou fractures, loin de représentations désormais désuètes. La modernisation initiée par François Hollande amorce un  mouvement de fond, dans lequel certains principes doivent cependant prévaloir : efficacité, démocratie, et surtout équité sociale, tant la fracture territoriale est aujourd’hui cruellement présente !
L’organisation territoriale doit être l’outil (et non constituer l’objectif) qui permet l’épanouissement des habitants, qui sont, où qu’ils vivent, des citoyens à part entière de la république !

Le but de la réforme initiée ne doit pas être de réaliser des économies à court terme mais bien d’apporter au pays plus d’agilité, de fluidité, et de solidarité afin de le placer en capacité de répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain et de donner la faculté à ses habitants de s’y épanouir.
Aussi, il convient tout en maintenant un rythme soutenu, sans confondre vitesse et précipitation pour autant, de mener cette mutation en cohérence en veillant à renforcer la cohésion sociale du pays, de plus en plus abimée aujourd’hui. La clé de voute d’une telle réforme ne peut être le périmètre, j’y reviendrais, mais bien les moyens, compétences et capacité d’action affectés aux différents acteurs territoriaux.

Une nouvelle carte politique se dessine peu à peu, insidieusement, accentuant la fracture croissante entre les métropoles et une France «périphérique» de plus en plus déclassée et mise à l’écart. Phénomène amplifié par la raréfaction de l’argent public et la dégradation des ressources des communes, notamment des moins riches, du fait de baisses de dotations qui les atteint plus que les autres; elles sont pourtant positionnées   en première ligne afin d’amortir les effets de la crise et de constituer les digues de solidarité indispensables à la cohésion du pays, digues qui menacent aujourd’hui de rompre à tout moment …

La vision traditionnelle d’une organisation territoriale pyramidale, monolithique et identique partout dans le  pays, repose sur une vision étriquée et réductrice de la république, faussement égalitaire qui sanctuaires de fait des périmètres souvent dépassés; périmètres défendus bec et ongles par des barons locaux dotés d’une vision patrimoniale  « statique » qui montre cruellement ses limites aujourd’hui !
Cette vision est mise en brèche par une nouvelle approche pro-active, basée sur les flux (personnes, intellectuels et culturels, économiques et financiers … ), et une analyse systémique se nourrissant des complémentarités, liens et synergies qui tissent le pays. Un territoire est avant tout une dynamique.

L’Etat n’est plus le  «maître des horloges» d’antan, vestige d’une conception mécaniste de la société désormais dépassée, mais doit trouver un second souffle afin d’apporter à l’éco système territorial les moyens et la capacité de maintenir son « homéostasie ». La société de l’information et les mobilités dans laquelle nous vivons désormais est proche d’une organisation neuronale (voir cognitive).
Si notre République est une et indivisible, la France est avant tout  terre de contrastes, ce qui nécessite une approche différenciée tenant compte de ses spécificités comme de l’espace temps : structures, moyens alloués, nécessité de maintenir des collectivités intermédiaires (conseils départementaux) afin de maintenir la cohésion indispensable des territoires les plus fragilisés.
Si l’on y prend garde, le sentiment de déclassement risque fort de se développer dans les territoires qui souffrent le plus durement aujourd’hui, avec à la clé de multiples conséquences, pour certaines exprimées lors des derniers scrutins, car  «Eloignés du peuple, le peuple s’éloignera d’eux» (Edgar Morin) …

Autant dire que la réussite « sociale » du big bang territorial est cruciale.

Alors quelle est la structure territoriale à privilégier ? région, département, intercommunauté, commune ?

 

 

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Un « archipel d’appartenances » 

La nouvelle carte des régions et le scénario de la disparition éventuelle des départements suscitent beaucoup de réactions enflammés (enfin, surtout des élus, pour les autres …) notamment sur les notions d’appartenance ou d’identité territoriale. Sommes nous plutôt département ou région ?
Petit rappel historique …

Issu de la Révolution française, le département répondait à un objectif politique : remplacer les anciennes provinces royales par une organisation territoriale maillant le pays et basée sur une logique militaire. Certaines provinces françaises étaient alors en sécession. C’est pourquoi chaque département s’est constitué autour d’une « ville garnison » permettant aux armées de la République d’intervenir si nécessaire en cas de trouble.
Depuis 1790, il faut reconnaitre que la greffe identitaire a prise, le département constitue pour les français un repère territorial authentique, unique échelon de référence pendant très longtemps des politiques publiques de proximité conduites par les Préfets. Sa création a marqué jusqu’à récemment la victoire des jacobins sur les girondins, partisans d’une organisation décentralisée du pays .

Les régions ne sont apparues (et encore au niveau administratif) qu’en 1956, le plus souvent dotées de périmètres artificiels, sans doute pour éviter tout excès autonomiste ! Avec des limites le plus souvent sans légitimité qu’elle soit historique ou culturelle. Des régions bien plus petites que leurs homologues allemandes ou espagnoles, au propre (périmètre) comme au figuré (compétences et capacité d’action). Elles ne jouent un rôle politique que depuis les élections régionales de 1986, leur poids stratégique en matière d’aménagement du territoire, de mobilités et de développement économique s’est considérablement renforcée depuis !
Le but de la réforme est de les adapter au « format européen » afin que de nains, elles deviennent des acteurs à part entière !

 

La délicate question de la méthode

La méthode utilisée par François Hollande a suscité beaucoup de critiques, de tous bords, en premier lieu de « grands élus » socialistes. Chacun sait que réformer le pays est périlleux, notamment lorsque la situation budgétaire est difficile, pour ne pas dire critique, et que l’on touche à certains pré carrés, ou « zones d’influence ». Chaque morceau du puzzle France déplacé réveille brusquement l’idée de frontières, de  patrimoine et devient alors source de conflit avec les élus locaux.
Permettez moi d’évoquer un souvenir personnel. En 2012, Marylise Lebranchu, nouvelle Ministre d’Etat en charge des lois de décentralisation vient nous présenter sa feuille de route, cinq responsables (tous PS) des principales associations d’élus (régions, départements, métropoles, grandes villes ou petites villes) l’ont alors entouré, chacun défendant une conception de l’organisation territoriale dans laquelle sa collectivité avait une place de choix. Autant dire que devant tant de visions différentes, la tâche de la Ministre n’était pas simple !
Moralité, rien n’a bougé … Depuis deux ans, un blocage complet, qu’il convient de dénoncer.

Débuter ce big bang territorial en plaçant de « vraies » régions au centre du jeu me semble cohérent et adapté aux exigences de la situation, du moment et des enjeux ! Cette méthode présente l’avantage d’être techniquement et politiquement moins contraignante, n’entrainant ni démembrement, ni redécoupage des départements et respectant à peu de choses prés les prochaines échéances électorales.
Pourtant la nouvelle carte adoptée a causé la colère de nombreux « barons locaux », principalement de gauche, et a donné lieu à des débats passionnés entre « pour » et « antis », développant les uns comme les autres, des arguments bien évidemment « de fond » : économiques, culturels, historiques, géographiques ou encore politiques !
Permettez moi de ne pas me positionner sur la question des périmètres, là n’est pas selon moi, le nœud du problème, d’autant qu’ils évolueront encore jusqu’en 2016. La question centrale demeure celle des compétences et des capacités d’action (moyens) attribuées aux différentes collectivités.

Limiter de facto l’intérêt supérieur du pays aux seules métropoles, régions et intercommunalités ne me semble pas adapté, tant la France est aujourd’hui faiblement métropolisé, ce qui constitue sans doute une bizarrerie, mais peut devenir paradoxalement un atout, j’y reviendrais.
Rappelons que sur les dix dernières années, la croissance de la population urbaine a été de 5 %, contre 9,5% pour celle des campagnes, du fait du développement considérable du secteur péri urbain. Il n’y a donc pas de modèle territorial absolu, les logiques diffèrant selon les contextes locaux.

 

Un impératif absolu : développer la solidarité sociale et territoriale

Le contraste est frappant entre les métropoles, vitrines d’une mondialisation assumée (40% de Français y vivent et génèrent plus de 60% de la richesse nationale) et les autres territoires (cf Davezies et Giully) dont certains, économiquement et socialement « à la ramasse ».

Vouloir organiser la France uniquement autour de ses métropoles correspond à une demande de la technostructure,  une vision « macro » qui risque de renforcer non seulement le sentiment d’exclusion de beaucoup de nos concitoyens, tant le modèle métropolitain délaisse la France dite « périphérique », mais aussi de nous couper de futures pistes de croissance prometteuses (matériaux bio sourcés (bois, chanvre, lin …), économie circulaire, agro alimentaire, circuits courts… ) dans lesquelles la France dispose de sérieux et nombreux atouts potentiels.

Si pour les zones métropolitaines, la présence du département ne semble plus utile, pour les secteurs ruraux et péri urbains il en est différemment, le fait intercommunal n’étant pas assez présent ou développé pour que la structure intercommunale soit en capacité de prendre concrètement le relais,notamment dans des domaines aussi sensibles que ceux de la protection sociale, de la petite enfance, de la vieillesse, de l’ingénierie, des mobilités ou des infrastructures (routes,  développement numérique…), il apparait indispensable de maintenir alors, une structure intermédiaire.
Tel est le cas selon moi, j’assume cette figure de style, en Ile de France, du « département de Seine et Marne » qui devrait avoir la capacité d’exister encore quelques années, tant il a un rôle important pour accompagner « positivement » le développement de la métropole de Paris sans transformer notre territoire, porteur de vraies potentialités, en simple exutoire chargé des réserves foncières, des décharges publiques et autres « équipements structurants » du même acabit.

Pour que le big bang territorial initié développe une France plus agile, fluide, efficace, mais aussi solidaire, il faut nous affranchir d’une vision trop « macro », mécaniste, quelque peu simpliste (logique de seuils), réductrice et monolithique, en provenance directe de la capitale, finalement très jacobine, et assurer à l’Etat les moyens comme la logistique lui permettant de conduire les nécessaires régulations et inter relations sur le territoire afin d’être un garant actif de l’équité sociale pour tous les citoyens de la république, quelque soit leur lieu de résidence.

Pas à dire, nous avons du pain sur la planche, d’autant que l’ère des Territoires 3.0 approche,  ce sera l’objet de la prochaine note  …

 

 

Admettre le fait péri urbain

Trilport, une ville à la campagne, entre Marne et Forêts

Avec le vote du Schéma Directeur régional d’Ile de France, la création de la Métropole du Grand Paris, la publication de récents ouvrages ou l’envolée du vote FN dans certains territoires, le fait péri urbain est devenu une réalité incontournable qui fait désormais l’actualité. Indéniablement il existe, je l’ai rencontré, le vis au quotidien comme citoyen mais aussi élu local.

Prenons l’Ile de France, région la plus riche du pays (18% de la population nationale, 30% des richesses). Si toutes ses communes appartiennent à l’aire urbaine de Paris, plus des trois quart (85%) avec moins de 2000 habitants, notamment en Seine et Marne, sont considérées comme  péri urbaines. Peut on pour autant les classer en France métropole (note précédente)?
Non, un seine et marnais ne dispose pas tout à fait des mêmes facilités qu’un habitant de Paris ou de la Petite Couronne; et encore il existe une Seine et Marne des villes et une Seine et Marne des champs ! Ce département connait une croissance démographique ininterrompue depuis plus de 20 ans : foncier disponible, prix attractif, proximité apparente avec la région parisienne …

Autant d’arguments qui attirent de nombreuses familles, mais au quotidien, la réalité se révèle plus contrastée. La proximité avec Paris est toute relative, au regard de la congestion routière, du manque d’infrastructures en transport en commun, de la saturation d’un réseau ferré sous dimensionné et de l’absence quasi totale de multi modalité. L’organisation actuelle des transports remonte aux années 70, c’est dire, et ce, malgré les efforts déployés par le STIF depuis 2006. Trop souvent, dans le 77 se déplacer s’apparente à un parcours du combattant, que ce soit en voiture ou en transport en commun !

Comment en période de disette budgétaire rattraper 50 ans de sous investissement et financer dans le même temps le réseau du Grand Paris ?

Continuer la lecture de « Admettre le fait péri urbain »

Etes vous France périphérique ou métropole ?

La-crise-qui-vient.jpgAvant l’été le résultat aux législatives de Villeneuve sur Lot, avec une poussée remarquée du FN avait fait couler beaucoup d’encre.
Il convient d‘aborder cette élection sans fausse pudeur, langue de bois ou recherche de boucs émissaires inutile, sous peine de voir les mêmes causes reproduire les mêmes effets. Qu’on le veuille ou non, ce vote est signifiant et pourrait n’être d’ici quelques mois qu’un signe annonciateur d’une évolution encore plus brutale.

Si le cas Cahuzac a joué,  tant il interpelle, déstabilise et écœure nombre d’électeurs (on le serait à moins !), le contexte économique et social a également compté. La crise touche au plus profond nos villes et campagnes (chômage, baisse du pouvoir d’achat, sinistrose), paradoxalement l’offre politique ne propose pas, ou peu, de perspectives visibles et crédibles.

Du fait de cette absence  nos concitoyens ont le plus grand mal à se projeter dans un futur « positif  et heureux». Réformer le pays, pourquoi pas estiment ils ? Mais comment ? Pour aller où et devenir quoi ? Tant que les partis traditionnels n’apporteront pas de réponses claires à ces questions simples, ils ne seront, ni crédibles, ni audibles.

Dans des registres différents des ouvrages récents (Christophe Guilluy, Laurent Davezies, Herve Le Bras), explorent les fractures sociales du pays et décrivent deux mondes littéralement opposés : la « France des métropoles », qui dispose des capacités à s’adapter à la mutation en cours, et les autres territoires, qu’ils soient péri-urbains (nous y reviendrons), ruraux ou industriels, fragilisés par l’impact des délocalisations, du chômage, ébranlés par la déliquescence des services public, ceux que Christophe Giully réunit sous l’appellation « France périphérique ».

Si cette « France » n’est pas encore perdue, elle est pour l’heure déconnectée. Les médias en parlent pas, ou peu, excepté les lendemains d’élection, tant ce pays « invisible » est éloigné des sunlights des leaders d’opinion ou des lieux de pouvoir.
Conséquence, ces terres constituent autant de points d’accroche pour les idées dites « populistes » et c’est le Front National qui en tire principalement avantage. Car ce nouveau contexte a été totalement assimilé par Marine Le Pen, il est même à l’origine du recentrage idéologique et des nouvelles positions sur les services publics et l’action de l’Etat du mouvement d’extrême droite. Climat favorisé par l’atmosphère anxiogène que certains s’évertuent à accentuer, nourrissant un terreau de plus en plus perméable au chant des sirènes des populismes de tout bord et des « Y’ qu’à « , «  Faut qu’on ».

 

 

La transformation en profondeur du pays accentue ces fractures, tant elle renforce les territoires forts et affaiblit à contrario les autres, qui accueillent de plus en plus de populations en difficulté. La réforme des collectivités en cours risque de renforcer ces inégalités dans un contexte de disette budgétaire qui fragilisera encore plus les « maillons faibles ».

La France périphérique apparaît comme le négatif de la France des Métropoles ; composée principalement de collectivités sans grands moyens financiers qui risquent d’être totalement déstabilisées par les restrictions budgétaires annoncées pour 2014 et 2015 qui obligeront les moins fortunées, non à tailler dans le gras des dépenses inutiles, mais dans le muscle de l’action publique, ce qui impactera inévitablement les politiques locales initiées et les investissement des collectivités.

Ce dualisme est il factice, schématique, artificiel, illusoire, ou erroné ? Où situer le péri urbain dans ces deux France ?

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